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Des bustes de Marianne exposés lors du 100e congrès des maires de France le 21 novembre 2017 à Paris.
Des bustes de Marianne exposés lors du 100e congrès des maires de France le 21 novembre 2017 à Paris.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Tribune

Abstention électorale massive, affaiblissement profond des partis politiques, violence croissante des mouvements sociaux, dévoiement du débat public sur les réseaux sociaux : il est temps pour la civic tech de jouer enfin son rôle d’interface démocratique entre le citoyen et le parlementaire.

Erik de Boisgrollier

Erik de Boisgrollier

Erik de Boisgrollier est fondateur de la société TodayIVote et créateur de l’application mobile NosLois.

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La transformation numérique de toute la société a été accélérée par la pandémie. Toute ? Non ! La crise n’a pas marqué une étape pour la démocratie représentative. Au contraire, elle pourrait n’avoir été qu’une parenthèse de la protestation citoyenne, après une décennie pendant laquelle le citoyen a régulièrement exprimé sa défiance politique, en France comme ailleurs, dans les urnes (Brexit, Trump…) comme dans la rue (Chili, Hong Kong, gilets jaunes…).

Or ces crises scandant notre vie politique et sociale globale trouvent souvent leur origine dans l’adoption ou l’entrée en vigueur d’une loi mal acceptée ou mal comprise.

Le comble du paradoxe

Notre société est paradoxale. La population est de plus en plus connectée mais le citoyen et le parlementaire le sont toujours aussi peu entre eux. Le numérique n’a pas encore tenu toutes ses promesses démocratiques. Le débat public et politique régresse même sur les réseaux sociaux.

Faute de pouvoir facilement communiquer, s’informer et s’engager mutuellement, le citoyen et le parlementaire subissent de fait un “isolement démocratique” dans l’intervalle entre deux élections. Les parlementaires français font pourtant majoritairement le “job” pour être proches des gens. Mais, représentants d’une nation centralisée élus dans une circonscription, ils exercent leur mandat tantôt à Paris, tantôt sur le terrain, toujours pris sous le double feu nourri des critiques, (parfois émises par les mêmes) : “on ne vous voit pas en séance” et… “on ne vous voit pas sur le terrain” !

Cette situation est “crisogène”. Faute de communication suffisante, c’est dans l’interstice entre le citoyen et le parlementaire que la confiance peine à s’épanouir et que la défiance naît par défaut. Cette défiance rogne la légitimité et affaiblit les élus et les politiques publiques, alors plus contestables. Résultat ? Une crise sans précédent de la représentativité : d’après le dernier sondage Viavoice pour Libération, 68% des Français considèrent que leurs intérêts et leurs idées sont mal représentés par leurs élus…

Oxygéner la démocratie représentative

Aujourd’hui, le citoyen et le parlementaire n’ont toujours pas d’espace numérique commun d’information, d’expression et d’engagement jouant le rôle d’une “interface” fluidifiant leur communication. Des outils existent, mais ils sont incomplets. Soit ils permettent de s’informer mais sans pouvoir participer : les sites de l’Assemblée nationale, du Sénat, de Légifrance, de Vie publique, etc. Soit ils permettent de participer mais sans pouvoir s’informer : les sites des pétitions en ligne et des consultations du Gouvernement…

Il faut donc aller plus loin. Les ingrédients technologiques sont réunis pour une transformation numérique oxygénant enfin la démocratie représentative. Les citoyens sont plus équipés et connectés, les repères numériques sont largement acquis (chat, like, publication, commentaire, partage d’information, podcast) et les institutions ont majoritairement effectué leur mue digitale en proposant leurs informations sur des plateformes de données ouvertes.

Pour retisser le lien de confiance, cette “oxygénation” de la démocratie représentative dans un sens plus participatif doit adopter les codes de ces espaces numériques ultra-concurrentiels : l’information, l’expression et l’engagement, afin d’établir un contact régulier entre le citoyen et le parlementaire autour de ce qui définit le cadre du vivre-ensemble, la loi.

Créer un contact régulier et qualitatif

Concrètement, une nouvelle génération de plateformes d’information et d’engagement associe l’exploitation de l’open data parlementaire avec les “repères” entrés dans les mœurs numériques des mobinautes, pour offrir à chacun une expérience personnalisée et ergonomique d’interface entre le citoyen et le parlementaire. C’est l'avènement d’une véritable civic tech 3.0.

D’un côté, sur ces nouvelles plateformes, le citoyen s’informe, en choisissant ses parlementaires et ses thèmes d’intérêt, en consultant les textes de loi, en étant alerté des différentes étapes du parcours législatif d’un texte, en suivant l’actualité législative des parlementaires de son choix. Et il s’engage avec le parlementaire, en votant “pour” ou “contre” un texte de loi et en répondant aux questions des parlementaires suivis. De l’autre, le parlementaire s’informe lui aussi, en identifiant les besoins et les attentes du citoyen, en étant alerté sur les sujets qui suscitent une attention citoyenne particulière, en mesurant ses propres différences de positionnement avec le citoyen, en enrichissant sa délibération de leurs débats contradictoires. Et il s’engage également avec le citoyen, en rendant compte de son activité parlementaire, en publiant des avis et des motivations de vote, en contactant et sondant le citoyen sur des questions ciblées, et en prenant en compte l’expression de certains de ses besoins.

Ce contact régulier entre le citoyen et le parlementaire autour de l’actualité législative qui les intéresse crée de la connaissance réciproque et met en confiance. De plus, et à la différence des réseaux sociaux, la qualité de ce contact peut être garantie grâce à une modération par défaut, c’est-à-dire sans commentaires ouverts. Un tel contact à très “haute qualité d’échanges” est ainsi concret et strictement dans le sujet.

Mieux rendre compte, mieux prendre en compte

Chacun y trouve son intérêt. Le parlementaire peut mieux rendre compte de son activité au citoyen. Les besoins, les attentes et les espoirs de ce dernier peuvent mieux être pris en compte par le parlementaire. Cet intérêt réciproque est le gage d’une décision parlementaire plus légitime, donc moins contestable.

Bien sûr, la crise de la représentation n’est pas soluble dans la seule technologie et les outils de la civic tech ne sont pas la panacée. Mais dans l’entre-deux-élections, alors que la politique dispose par ailleurs de moins en moins de place dans les médias numériques depuis les récentes évolutions de Facebook et Twitter, la civic tech peut utilement faire sa place à l’un des tout premiers sujets d’intérêt des citoyens à travers le monde, et contribuer ainsi à retisser un peu du lien de confiance distendu entre le citoyen et le parlementaire.

Erik de BOISGROLLIER

Fondateur de la société TodayIVote et créateur de l’application mobile NosLois

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