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Quelques arguments pour une lecture moins optimiste du rapport de l'Institut Montaigne sur les musulmans de France
©Reuters

Etude

L'Institut Montaigne a publié ce week-end un rapport largement commenté sur la situation des musulmans de France. Voici quelques clés pour mieux appréhender les enseignements de cette enquête.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les Musulmans de France sont-ils à l’aise avec la République et ses lois (en principe) protectrices des libertés ? L’institut Montaigne lui-même, si prompt d’ordinaire à faire l’éloge du communautarisme, a ouvert la question avec une naïveté confondante dans un rapport qui entoure un sondage d’opinion tout à fait stupéfiant. Ce rapport, intitulé "Un Islam français est possible" constitue en effet un très beau monument de cécité et de déni (par amitié pour son signataire, j’éviterai l’expression de mauvaise foi).

L’étrange typologie des musulmans en France

Ce faisant, le résultat de l’enquête est présenté de la façon suivante par l’institut Montaigne (avec une naïveté dont nous lirons le détail par la suite) :

L’institut Montaigne distingue six groupes d’individus, regroupés ensuite en trois sections. La première section regroupe ceux qui se déclarent en accord avec les règles de la République : 46% de la population d’ensemble, soit environ 2 millions de musulmans. Mais le rapport classe dans la même catégorie ceux qui trouvent normal que les cantines des écoles publiques ne servent pas de viande halal, et ceux qui aimeraient bien que les cantines servent de la viande halal. Nous y reviendrons.

Deux autres catégories (qui représentent 25% des personnes interrogées) considèrent que la laïcité les empêche de pratiquer librement leur religion, et une moitié d’entre eux considèrent que la polygamie devrait être autorisée.

Les deux dernières catégories (28% des musulmans) regroupent les amis du niqab et considèrent que la charia doit être la loi suprême.

On notera que l’Institut Montaigne propose ici la lecture la plus rassurante possible de son sondage d’opinion. J’en propose une autre ici en reprenant, point par point, les tableaux fournis par le document.

Le terrifiant pourcentage d’inactifs musulmans

Un premier tableau terrifie le lecteur : celui de la composition socio-professionnelle moyenne de la population musulmane de France.

La population "générale" compte 11,7% d’inactifs. La population musulmane en compte 29,5%, soit un tiers du groupe considéré. Ce seul chiffre constitue un choc collectif.

D’abord, on peut se demander dans quelle mesure il est acceptable que les "inactifs" revendiquent des changements de règles dans un jeu auxquels ils participent de façon marginale. Surtout, ce chiffre corrobore bien des rumeurs ou des récriminations fréquemment exprimées au sein de la "majorité", qui comprend mal pourquoi on en fait tant pour certaines "minorités" dont Montaigne montre qu’elles participent beaucoup moins qu’elles ne le prétendent à l’effort collectif.

Le rapport montre, au passage, que les opinions les plus dures en matière religieuse sont souvent exprimées par les inactifs. Le tableau suivant le montre :

Les inactifs sont, aux deux tiers, mal à l’aise avec la laïcité ou lui sont hostiles. Cette proportion est inversée chez les cadres et les artisans. Dans la pratique, plus les musulmans occupent des places reconnues dans la société, mieux ils acceptent le "système" républicain. Mais, même dans le meilleur des cas, il reste toujours un quart d’irréductibles qui pensent que la laïcité est un frein à leur pratique religieuse.

Une écrasante majorité ne consomment que du halal

Le graphique ci-dessous montre la part des musulmans qui ne consomment que de la viande halal :

Parmi les plus lettrés (qui représentent une part infime de la population, la "stricte observance" du halal représente la moitié de la population. Cette proportion monte à plus des 2/3 dans les autres segments de la population, et atteint même les 3/4 pour les moins diplômés.

Le sondage de l’institut Montaigne permet donc de découvrir l’étendue des dégâts : les musulmans de France restent très proches de l’orthopraxie religieuse et très peu d’entre eux acceptent de briser les interdits alimentaires de leur religion, ne serait-ce qu’épisodiquement ou occasionnellement. Elle est loin, l’image de l’intégration culturelle.

Une écrasante majorité de musulmans favorables au halal à l’école

On pourrait naïvement croire que la stricte observance du halal soit compatible avec la laïcité. Après tout, chacun mange ce qu’il veut et c’est son problème. Justement, le tableau suivant montre bien comment l’orthopraxie musulmane s’accompagne d’une contestation des règles du jeu :

Même dans les milieux les plus éduqués, il se trouve une écrasante majorité de musulmans pour réclamer de la viande halal à l’école publique. L’intérêt de ce graphique est bien de montrer comment l’islam, même "modéré" entend modifier les pratiques quotidiennes en France, en proposant une offre religieuse dans l’espace public.

Le fantasme d’un Islam français

L’auteur du rapport s’est évidemment rassuré lui-même en recourant à un artifice statistique pour faire glisser dans le "non-religieux" et le camp laïc ceux des Musulmans qui réclament une reconnaissance des pratiques religieuses à l’école. Rappelons que le mot "halal" désigne tout ce qui est permis par la charia. S’agissant de la viande, elle doit faire l’objet d’un abattage rituel où le nom d’Allah est évoqué.

L’Institut Montaigne a beau jeu d’expliquer que le respect du halal n’est pas religieux, l’évidence raisonnable soutient le contraire. Avec 3/4 des musulmans de France qui réclament du halal à l’école, on est en tout cas très, très loin, d’un islam de France respectueux de la laïcité et des règles républicaines. Quoi qu’aimeraient en dire les gens de l’effondrement narcissique, qui considèrent que se dire français et républicain, c’est déjà être islamophobe et d’extrême-droite.

Cet article a également été publié sur le site d'Eric Verhaeghe, et est disponible ici.

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