Quand les scientifiques invisibilisent les agriculteurs au nom de “l’environnement”<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette tribune préconise une agriculture paysanne soutenable et nourricière, qui concilie les impératifs de subsistance de la population et la préservation des écosystèmes.
Cette tribune préconise une agriculture paysanne soutenable et nourricière, qui concilie les impératifs de subsistance de la population et la préservation des écosystèmes.
©Ludovic MARIN / AFP

Une tribune qui n'a rien de scientifique

Des chercheurs dénoncent dans Le Monde un recul du gouvernement sur les réglementations environnementales imposées aux agriculteurs.

Gérard Rass

Gérard Rass

Gérard Rass est agronome à la retraite.

Membre de STA, Sciences Technologies Action, collectif de scientifiques, ingénieurs, experts et citoyens dont le but est de défendre et promouvoir la Science dans le débat public.

Administrateur fondateur de l’Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable (APAD) et du Global Conservation Agriculture Network (GCAN), associations française et internationale d’agriculteurs en Agriculture de Conservation des Sols.

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Ils arguent des risques majeurs sur l’environnement, sur la santé des agriculteurs et de l’ensemble de la population actuelle et future.

Risques sur l’environnement et la santé

Dans la liste des points jugés essentiels, on trouve dans le désordre :

-        l’environnement: zones humides, irrigation, haies, jachères, celles-ci avec un rôle social,

-        la santé : usage des phytosanitaires (plan Ecophyto),

Pour eux « les conséquences de la pollution diffuse par les intrants de synthèse (fertilisants minéraux, pesticides de synthèse) [ curieux oubli : les déjections animales, utilisées en Bio ] ,  la dégradation des écosystèmes tels que les zones humides, les haies, les sols, les cours d’eau et les nappes, sont unanimement reconnues par la communauté scientifique comme délétères pour la santé humaine et environnementale, la biodiversité et le fonctionnement des agroécosystèmes et des écosystèmes connexes. »

Cette confusion entre environnement et santé, communication écologiste bien connue, n’a rien de scientifique.

Quel est l’impact des zones humides sur la santé, sinon négatif, via les moustiques ?

La santé humaine est une science. Mais la santé environnementale ?

Discussion de l’argumentation « scientifique » :

Cette liste hétéroclite et incohérente de réglementations est le résultat de tractations politiques au cas par cas au sein du système officiel de construction  des normes, constitué

-        de représentants de l’Etat ( Ministères de l’Agriculture, Ecologie, Santé,

-        d’« experts »

o   de la Recherche Publique,

o   d’ONG « représentant la société civile » (elles-mêmes).

En phase finale, une ou des Organisations Professionnelles Agricoles sont invitées pour discuter (approuver) ce qui a été élaboré par les « experts ».

Il n’y a pas de preuve faisant consensus que l’application de ces normes produise de résultat détectable sur l’environnement ou la santé.

Le cas le plus connu est la Directive Nitrates : elle oblige après une récolte d’été :

1.     à semer une couverture végétale (CIPAN) pour capter les nitrates en hiver et empêcher les pluies hivernales de les emmener dans les nappes (ce qui est bien),

2.     puis, avant le semis de la culture de printemps (comme un Maïs) de détruire le CIPAN en le labourant, sans dévitalisation préalable (au glyphosate).

N’importe quel agriculteur sait que labourer une couverture verte en conditions humides garantit dégradation des sols, érosion, compaction, perte de matière organique et de biodiversité du sol … et relargage massif de nitrates, juste ce qu’on voulait éviter. Avec à sa charge le coût élevé du labour, des mauvaises herbes et de la perte de rendement.

L’ensemble de ces normes est à revoir de fond en comble. C’était le projet du Ministre Le Foll, mais il a échoué. 

Relations avec les agriculteurs :

Cette tribune prend soin de marquer sa compassion pour les souffrances des agriculteurs : charges de travail, contraintes économiques et bureaucratiques, revenus insuffisants, surexposition aux risques professionnels, taux de suicide très élevé…

Alors que les agriculteurs dénoncent précisément ces normes établies par les chercheurs, ceux-ci se défaussent sur « un modèle agricole concurrentiel, basé sur la course aux volumes de production ».    

Ils disent leur communauté scientifique « solidaire du monde agricole avec lequel elle collabore et interagit étroitement », tout en disant souhaiter avec les agriculteurs une « co-construction des savoirs bien plus efficace pour rendre les normes opérables et acceptables ».

Ils se plaignent « d’une surreprésentation, au sein des instances de décision, d’organisations qui ne représentent qu’une partie du monde agricole ». Difficile à croire, tant il est ardu pour des agriculteurs d’obtenir une place dans une commission de travail, et de plus de s’y faire respecter et entendre.

Préconisations :

Cette tribune préconise une agriculture paysanne soutenable et nourricière, qui concilie les impératifs de subsistance de la population et la préservation des écosystèmes.

On reconnait la sémantique de la Confédération Paysanne, syndicat très minoritaire d’extrême gauche pour lesquels les ennemis à abattre sont le capitalisme, la chimie et les OGM.  

Conclusion :

Du choix du Monde, connu pour ses positions hostiles, et que les agriculteurs ne lisent pas, on peut déduire que la cible des chercheurs n’est pas les agriculteurs, mais son lectorat d’intellectuels de gauche écolos, universitaires et cadres du secteur public. 

Pendant les manifestations des agriculteurs remettant en cause les normes environnementales créées par les chercheurs, on avait très peu entendu ces derniers, plus à l’aise pour discuter de concepts entre pairs avec les ONG et les fonctionnaires des Ministères qu’avec des agriculteurs plus factuels et plus directs.

Maintenant que le gouvernement pourrait lâcher sur le système coercitif coconstruit entre chercheurs et ONG écologistes, qui leur a donné le pouvoir pendant 40 ans, avec les fonds colossaux qui les alimentent, ils réagissent en prenant à témoin « l’opinion publique » via un média de leur obédience politique. 

Cette tribune n’a rien de scientifique.  

Il s’agit pour ce groupe très politisé de mettre une pression politique sur le gouvernement pour continuer à accroitre son monopole de la prescription du « modèle agricole » et des normes, et sa domination sur les agriculteurs et le monde agricole.

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