Atlanti-culture
Quand la mitrailleuse idéologique a des ratés
Avoir des convictions, des engagements intellectuels et politiques, c'est bien, mais les mettre au service d'une vision primaire du monde, ça ne donne pas nécessairement des bons résultats, y compris au théâtre.
THEATRE
Résister c’est exister
Spectacle d’Alain Guyard, sur une idée originale de François Bourcier
Mise en scène et scénographie : Isabelle Starkier,
Avec François Bourcier
INFORMATIONS
Studio Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Réservations: 01 42 93 13 04
jusqu’au 19 mars
du mardi au samedi à 19H; et dimanche à 17H
LES AUTEURS
Alain Guyard, l’écrivain (mais il est aussi acteur), et François Bourcier, le comédien (mais il est aussi metteur en scène), sont des militants et le théâtre est leur outil de lutte. Créée il y a dix ans, leur pièce « Résister c’est exister », qui évoque les années noires de 1940-44, a été jouée quelque six cents fois. Elle n’avait, jusqu’ici, jamais été montée à Paris.
THEME
Le récit dresse, à travers de courtes histoires – toutes vraies –, le portrait d’hommes et de femmes qui ont choisi de résister à l’occupant nazi. Faibles moyens, gens anonymes : on n’évoque pas la grande Résistance mais « cetteFrance des humbles, des modestes et des sans-grade » qu’Alain Guyard appelle « les soutiers de la gloire ». Des gens prêts à risquer leur vie par dignité, par fraternité, par amour...
Le propos est historique, cependant les auteur l’ont conçu, écrivent-ils, « à la lueur actuelle des fanatismes et des actes barbares, mais également des violences sociales qui endeuillent et désespèrent notre monde… ».
Il s’agit, au fond, de montrer la résistance d’hier pour réveiller celle d’aujourd’hui, d’y puiser, dit François Bourcier, la force « qui transforme le non au fanatisme en un oui à l’honneur de vivre ».
Noble tâche, mais voyons la suite…
POINTS FORTS
La mise en scène est ébouriffante : en un peu moins d’une heure et demie, Bourcier enchaîne une quarantaine de personnages et à peu près autant de costumes. Ceux-là pendent sur des cintres, au bout d’une multitude de chaînes tombant des coulisses, formant sur la scène comme une armée des Ombres.
Le concept est très fort, servi par l’énergie de l’acteur qui bondit d’un manteau à une blouse, d’un bleu de travail à une robe, l’enfile prestement et entame une nouvelle histoire de résistance. Eprouvant physiquement, sans doute, mais diablement efficace.
POINTS FAIBLES
Hélas ! Le propos est lourdement idéologique. Les scolaires a qui la pièce est recommandée (il y a des séances pour eux l’après-midi) sont invités à comprendre que la résistance est consubstantiellement de gauche. « Ceux qui n’ont rien donnent tout », quand les bourgeois, les patrons, bref les vieux ennemis de classe du prolétariat, sont au mieux des planqués occupés à sauver leur fric, au pire des collabos : le risque, comme l’honneur, leur est étranger.
Du point de vue “posé” de l’historien, le propos est déjà discutable ; quand on a de surcroît une histoire familiale aux antipodes de cette caricature, ça vous enrage !
EN DEUX MOTS
Face à toute oppression, on n’existe que si on résiste, on est bien d’accord ! C’est ça ou se convertir- à l’idéologie ou à la religion des méchants, c’est selon. Mais si on comprend bien un de ces “échanges en bord de scène” entre acteur et spectateurs prévus à l’issue du spectacle (en tout cas pour les scolaires) auquel on a assisté, l’adversaire, le vrai, c’est le “populisme”. L’autre, celui qui pose des bombes et mitraille, ne serait donc que son fourrier ? Il est vrai que résister, c’est nommer l’ennemi.
UNE PHRASE
Un anonyme coupe des lignes téléphoniques allemandes – de quoi se faire coller au mur et fusiller – et s’écrie : « J’ai osé ! ».
RECOMMANDATION
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