Prudence ou paranoïa ? Ces juristes américains qui préparent un plan pour résister à un coup d’Etat militaire si Donald Trump était réélu <!-- --> | Atlantico.fr
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Donald Trump lors d'un meeting électoral aux Etats-Unis.
Donald Trump lors d'un meeting électoral aux Etats-Unis.
©Sean Rayford / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Bâtons dans les roues

Des experts juridiques ont l'intention de limiter le pouvoir de Donald Trump, notamment l'utilisation de l'armée, s'il est réélu en novembre.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Selon des informations de Newsweek, des experts juridiques envisagent de s'opposer aux efforts potentiels de Donald Trump visant à étendre son pouvoir et le recours potentiel à l'armée pour faire avancer son programme au cas où il serait réélu en novembre. En quoi cette pratique de la part des experts juridiques s’apparente à de la paranoïa ou de la prudence ? Est-elle légale et démocratique ?

Gérald Olivier : Cela apparaît surtout comme une forme d’ingérence post-électorale et de déni de démocratie dans la mesure où il s'agirait d'empêcher le président légitimement et démocratiquement élu de gouverner. Cela constituerait aussi une négation des principes même de la République américaine, car il s’agirait de créer un contre-pouvoir non élu susceptible et capable de s’opposer aux trois autres branches du pouvoir, (judiciaire, législatif et exécutif) dont les représentants sont tous élus sauf pour les neuf juges de la Cour Suprême. Les institutions américaines sont solides et parfaitement capables de gérer et contrôler une personnalité aussi imposante que celles de Trump. L’Amérique n’a pas besoin de ces juristes et justiciers auto-proclamés.

Si l’on veut en sourire on peut qualifier ces intentions de paranoïa qui illustrent ce que les Américains  appellent en anglais le « Trump derangement syndrome », une sorte de dérangement mental observé chez les adversaires de Donald Trump.

Malheureusement ces intentions ne prêtent pas qu’à sourire. Elles relèvent pour moi d’une forme d’autoritarisme et d’arrogance de la part de certaines élites qui estiment savoir mieux que le peuple ce qui est dans l’intérêt du peuple, et qui sont donc prêtes à bafouer la démocratie pour imposer leur vision, tout en dénonçant leurs adversaires comme de supposées menaces contre la Démocratie. C’est précisément la stratégie mise en place par Joe Biden et les Démocrates pour remporter l’élection présidentielle de novembre contre Donald Trump.

C ‘est aussi cette façon de penser qui avait poussé certains membres de l’administration américaine, du Pentagone au FBI en passant par le DHS (la sécurité intérieure) et les Transports ou l’Education, à agir en opposition aux décisions du président durant le premier mandat de Donald Trump. Il existe aujourd’hui aux Etats-Unis un « Etat dans l’Etat », qui s’estime au-dessus du débat démocratique et dont les juristes que vous évoquez sont une des personnifications.

En novembre 2023, le Washington Post a publié un rapport décrivant les prétendus projets de Trump et son souhait d'invoquer l'Insurrection Act dès le premier jour de son hypothétique deuxième mandat à la Maison Blanche, lui permettant d'utiliser la force militaire pour réprimer les manifestations contre sa présidence. Ces projets attribués à Trump sont-ils réels ? Est-ce une dérive ou une forme de paranoïa du camp démocrate ?

Le programme électoral de Donald Trump et les mesures d’urgence qu’il serait susceptible de prendre s’il revenait à la Maison Blanche sont détaillés dans un document appelé « Agenda 47 » (car il serait le 47e président) consultable sur Internet. Invoquer l’Insurrection Act n’est mentionné nulle part.

Pour rappel l’Insurrection Act est une série de statuts remontant aux premières années des Etats-Unis qui autorisent le président à avoir recours à l’armée pour rétablir l’ordre public, ou imposer des décisions fédérales. Il a été régulièrement invoqué dans les années 1950 et 1960 pour imposer la déségrégation dans les Etats du Sud. Très peu depuis, sauf lors de catastrophes naturelles.

Par contre lors des émeutes qui avaient suivi la mort de Georges Floyd en 2020, Donald Trump avait menacé d’invoquer cette loi si les autorités locales se montraient incapables de rétablir le calme.

Ce que les Démocrates et les adversaires de Donald Trump envisagent clairement c’est que sa possible victoire, au matin du 6 novembre, ne soit contestée dans la rue, par des groupuscules Antifas, ou des militants de Black Lives Matter et même des radicaux pro-Hamas, encouragés en douce, voire manipulés par des autorités locales pour installer le chaos sans que Trump puisse s’y opposer  sinon en invoquant des pouvoirs « dictatoriaux ».

C’est plus que de la paranoïa et cela ignore le fait que même s’il est élu le 5 novembre, Trump ne prendra pas ses fonctions avant le 21 janvier 2025 et n’aurait aucune autorité pour invoquer quoi que ce soit jusqu’à cette date.. 

De toute façon, Donald Trump n’a jamais évoqué cette possibilité autrement que dans le cadre d’émeutes comparables à celles de 2020. Par contre il a dit que dès son premier jour, comme tous les présidents prenant leur fonction, il signerait un certain nombre de décrets (« executive orders » en anglais) pour résoudre des question urgentes, sur l’immigration ou l’énergie notamment.  Cela n'a rien à voir avec l'insurrection Act.

En agitant cette menace, le camp démocrate ne cherche-t-il pas à déstabiliser la campagne et à diaboliser Trump ? Cette judiciarisation de la vie politique américaine n’est-elle pas néfaste pour les électeurs et la démocratie ?

Si bien sûr ! La volonté première de ces supposées mises en garde est une diabolisation du personnage. Il s’agit de maintenir dans l’opinion publique américaine l’idée que Trump est un dictateur en puissance et que son élection verra les chars de l’armée défiler dans les rues des villes américaines, comme au Chili sous le général Pinochet ou à Pékin lors des massacres de Tian an men Square.

Au-delà de cela on constate aussi une forme de judiciarisation de la vie politique par les Démocrates. Ce qu’ils ne parviennent pas obtenir par les urnes ou par le Congrès, ils l’obtiennent par les juges et les tribunaux. Ce n’est pas nouveau. C’est la stratégie qu’ils ont mise en place depuis cinquante ans pour contourner le Congrès sur des grandes questions de société comme l’avortement ou le mariage homosexuel. Aujourd’hui il se plaignent des pouvoirs de la Cour Suprême parce que la majorité de ses juges a basculé dans le camp conservateur, mais ils ne s’en plaignaient pas quand ils avaient la majorité pour eux.

En ce qui concerne la campagne présidentielle, on constate aussi que, plutôt que de laisser les électeurs décider par eux-mêmes, ils préfèrent chercher à invalider la candidature de Donald Trump et à l’interdire de se présenter. Le Colorado et le Maine ont agi ainsi. C’est aussi ce que  demande le procureur Jack Smith, nommé par le ministre de la justice du président Biden.

Pour l’instant c’est une stratégie qui ne fonctionne pas et qui se retourne plutôt contre les Démocrates. Trump est toujours candidat et plus il est poursuivi par la justice plus sa cote de popularité augmente.

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