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Programme des Républicains pour la Culture : au-delà de la rationalisation de l’audiovisuel public, une ambition nouvelle qui pourrait s’avérer payante
©REUTERS/Ints Kalnins

Entre libéralisme et gaullisme

Réorganisation de l'audiovisuel public, développement de l'éducation artistique, mise en valeur du patrimoine culturel français, etc. : telles sont les grandes orientations du programme culturel des Républicains, présenté ce jeudi par Nicolas Sarkozy, qui conçoit la Culture comme un moyen de répondre à la crise identitaire et économique de la France.

David-Hervé Boutin

David-Hervé Boutin

David-Hervé Boutin est chef d’entreprise dans le secteur culturel et ex-Secrétaire national Les Républicains pour la Culture et les médias. 
 
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Atlantico : Ce jeudi ont été présentées les grandes orientations du programme culturel des Républicains. Peut-on considérer qu'avec cette réflexion, la droite cherche à reprendre la main sur un domaine où François Hollande n'a pas brillé au cours de son quinquennat (trois ministres successifs, aucune réforme d'envergure, plusieurs projets abandonnés, etc.) ?

David-Hervé Boutin : Je ne sais pas si l'expression "reprendre la main" est celle qui convient ; en tout cas, ce qui est sûr, c'est que Nicolas Sarkozy a montré ce matin à quel point la culture est un sujet auquel il est attaché et auquel il a réfléchi. Il l'a affirmé à plusieurs reprises : la Culture est un remède non seulement à la crise identitaire mais également à la crise économique que traverse notre pays. Elle ne peut être sacrifiée par des arbitrages au nom de la crise !  Sur ce dernier point, nous nous inscrivons donc en faux face aux baisses budgétaires - inédites depuis 1978 (!) notamment sur le patrimoine – décidées par François Hollande, trois années de suite !

Nous avons, en outre, tenu à  rappeler que la Culture n'est pas simplement - comme certains aimeraient à se l’imaginer - une administration et un guichet à subventions. La Culture, en France, ce sont aussi de très nombreuses industries et entrepreneurs culturels (dans le cinéma, la musique, l’édition, les jeux-vidéos, l’animation, l’évènementiel et les festivals, etc.) et de nombreux médias (radios, chaines de télévision, sites, applications, etc .) qui fonctionnent bien localement et participent aussi au rayonnement international de notre pays. Le poids du secteur culturel élargi représente plus de 108 milliards d’euros d’apports directs et indirects à l’économie nationale, et les activités culturelles représentent 57,8 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit sept fois le poids du secteur automobile et autant que celui cumulé de l’agriculture et de l'agro-alimentaire, soit 3,2 % du PIB national, 670 000 personnes employées et 2,5 % de l’emploi actif en 2010 !

Ainsi, et je ne peux que m’en réjouir, la Culture ne sera pas traitée cette fois-ci en bout de course, comme cela a pu être le cas parfois hélas par le passé.Nicolas Sarkozy a d'ailleurs rappelé qu'il souhaitait que la Culture soit placée au cœur du futur programme des Républicainsau même titre que les autres domaines relevant du domaine régalien. En effet, le ministère de la Culture, compte tenu de son trop faible périmètre économique, se doit, par essence et pour être entendu, d’être soutenu directement par le président de la République. De 2007 à 2012, un certain nombre de grands dossiers (la Philharmonie, le Louvre-Lens, le Beaubourg-Metz, le Mucem notamment) n'auraient pu être lancés sans son intervention directe. De même, Jack Lang n'aurait pas pu faire ce qu'il a fait s'il n'avait eu en son temps le soutien de François Mitterrand.

La réorganisation de l'audiovisuel public occupe une place importante dans ce programme, qui propose notamment le regroupement, sous une même holding, de France Télévisions, l'INA, Radio France et France Medias Monde. Dans quelle mesure ce regroupement parait-il réalisable ? Faut-il craindre cette concentration et un retour à des médias publics inféodés au pouvoir politique ? 

Si l'on considère l'historique de l'ORTF - auquel il est souvent fait allusion - celui-ci a été éclaté en 1974 à un moment où l'Etat considérait qu'il n'y aurait jamais de chaînes TV privées en France. La concurrence a été organisée sciemment en conséquence au sein du secteur public et cette situation continue peu ou prou de prévaloir aujourd'hui…hélas pour le contribuable. Or, le numérique est passé par là et la concurrence du privé et des chaines et sites internationaux a explosé. On se retrouve donc actuellement avec cette singularité française : des sommes engagées pour l'audiovisuel public toujours plus importantes (quasiment autant que pour la BBC) alors que son audience (-32% de part d'audience pour France 2 depuis 2002, et -40% pour France 3) et la qualité de sa programmation s'amoindrissent. Je rappelle tout de même que l'audiovisuel public emploie plus de 17 000 personnes et a perçu plus de 4 milliards d'euros en 2015 consacrés pour près de 60% à des frais de fonctionnement, contre 40% pour les programmes (à l’inverse de nos voisins européens).

On est donc en droit de se demander si un regroupement ne permettrait pas de faire des économies, notamment en matière de production d'informations tout en augmentant sa qualité et sa visibilité. En effet, aujourd'hui sur les chaînes publiques, vous avez du personnel de grande qualité qui produit des contenus d’informations (reportages, documentaires, etc.) qui ne seront - pour la grande majorité - jamais diffusés ! Il y a donc un vrai gâchis en cette matière pourtant très onéreuse. Par ce regroupement, nous proposons donc une autre réflexion en matière de management autour de nouvelles synergies éditoriales et industrielles tout en gardant la spécificité internationale des rédactions de FMM. Ces moyens dégagés permettraient de rendre aux chaînes les moyens de leur développement et de répondre à un cahier des charges plus exigeant et différent de celui du secteur privé.

A l’inverse, en dépit des difficultés, des nombreux autres challenges à relever et du désir contraire des contribuables, il a été décidé - à quelques mois de la fin du mandat présidentiel - de la création d'une chaîne info publique supplémentaire alors que nous sommes le pays qui en dispose déjà le plus… 

Enfin, cette holding ne changerait en rien le caractère inféodé au pouvoir de celle-ci.  En l'état, on peut dire que les patrons de chaîne sont nommés de manière peu transparente, pour ne pas dire plus…Cessons donc cette hypocrisie : le lien avec le pouvoir politique a toujours existé et il nous semble qu’un contrôle démocratique (à la majorité des commissions parlementaires culturelles) serait plus légitime compte tenu des sommes publiques en jeu.

Développement de l'éducation artistique (sorties culturelles, doublement des places en conservatoires, etc.) et du budget consacré à l'entretien du patrimoine : le programme culturel des Républicains paraît également ambitieux sur le plan financier. Comment ces mesures coûteuses seraient-elles financées ? 

Du point de vue philosophique, l'approche du groupe qui a travaillé sur ce programme a été construite autour de deux axes : un axe libéral, car nous croyons dans la liberté de créer et d’expression des artistes, mais aussi dans la libération des énergies créatrices tellement puissantes dans notre pays ; et un axe gaulliste ancré dans une volonté historique (depuis Malraux), de participation et de rayonnement culturels.

Pour en revenir précisément à la question posée, nous avons donc voulu trouver au-delà de la manne publique, des solutions beaucoup moins descendantes que celles envisagées aujourd'hui, afin de propager la Culture et faire participer les citoyens, le secteur privé, les fondations, etc. Le numérique, grâce notamment au crowdfunding et le mécénat, offrira de nouvelles possibilités à ce titre. Il y aura donc, bien évidemment en outre, une remise à niveau budgétaire par rapport à ce qui a été supprimé durant le quinquennat Hollande et nous arbitrerons au sein du budget global de l’Etat en défaveur de secteurs moins porteurs en termes de sens et de prospérité.

Les Républicains ont affirmé leur "attachement au principe de l'intermittence, volet consubstantiel de l' "exception culturelle française" ". N'y-a-t-il pas là une rupture dans le positionnement traditionnel de la droite vis-à-vis de ce régime particulier ?

Le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, a dit ce matin qu'il était très attaché à ce statut, qui est extrêmement favorable à la création en l'état mais qui coûte très cher aux salariés et contribuables français. De ce fait, il ne peut pas être offert à tous. Ce statut doit être réservé, à côté de celui d’autoentrepreneurs culturels, à des personnes dont c'est véritablement le métier. Il a été, par exemple, dénoncé lors de nos tables rondes le recours par France Télévision (du fait souvent de la rigidité des statuts et du coût du travail induit) aux intermittents alors qu'ils n'auraient pas nécessairement leur place dans une société publique. Il a également été rappelé qu'il fallait lutter contre les abus, notamment de la part de personnes qui profitent d'un système auquel, a priori, ils n'appartiennent pas, dans l'objectif de repositionner et de conserver ce statut qui est vital pour de nombreuses personnes qui n'ont pas d'autres alternatives pour vivre de leur art. Solidarité mais aussi responsabilité devront donc être nos maitres mots en la matière.

Propos recueillis par Thomas Sila

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