Procès pour génocide : la décision que personne n’attendait… et qui pourrait aider Israël <!-- --> | Atlantico.fr
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La CIJ ordonne à Israël d’empêcher tout éventuel acte de « génocide » à Gaza.
La CIJ ordonne à Israël d’empêcher tout éventuel acte de « génocide » à Gaza.
©YIANNIS KOURTOGLOU / POOL / AFP

CIJ

La Cour internationale de justice a demandé à Israël d'empêcher tout éventuel acte de « génocide » et à permettre l'accès humanitaire à Gaza. La CIJ n'a en revanche pas appelé à un cessez-le-feu.

Denis Charbit

Denis Charbit

Denis Charbit est professeur de science politique à l'Université ouverte d'Israël. Son dernier livre publié : « Israël et ses paradoxes » (éditions du Cavalier Bleu en 2023).

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Atlantico : La plus haute juridiction de l'ONU, la CIJ, a ordonné à Israël de prévenir et punir l'incitation au génocide suite à la saisie de la juridiction par l'Afrique du Sud qui exigeait l'arrêt immédiat de la campagne à Gaza. Comment cette décision peut être reçue en Israël, au sein de la société israélienne ?

Denis Charbit :Examinée à l'aune de la revendication sud-africaine, la décision de la CIJ a suscité en Israël un grand soulagement tant dans la société  que dans la classe politique israélienne.  Elle oppose un non cinglant à l'éventualité d'un cessez-le-feu décrété au nom de la prévention d'un génocide. La Cour de justice n'a pas à se prononcer sur un cessez-le-feu pour des raisons politiques, stratégiques, mais seulement humanitaires. Or, comme il n'y a pas d'intention génocidaire, il n'y aura pas de cessez-le-feu immédiat. La perspective de l’arrêt des combats était redoutée en Israël.

Les autorités israéliennes auraient sans doute refusé de s’y plier. Le Conseil de sécurité de l’ONU aurait voté une motion pour blâmer Israël, laquelle aurait été suivie d'un veto américain. internationale de justice. Israël étant un Etat de droit, il aurait été plus que gênant d'être rangé parmi les pays qui ne tiennent pas compte d'une décision de la CIJ. 

Le fait que la Cour de La Haye ait rejeté l'intention génocidaire et la demande d'un cessez-le-feu évite une confrontation avec la Cour internationale de justice. Pour les Israéliens qui se sentent incompris, une décision plus radicale de la Cour aurait été un avertissement de plus de la solitude d'Israël. Cette solitude n'est pas une bonne chose pour Israël.

Cette décision démontre que la Cour internationale de justice n’est pas soumise à des intérêts idéologiques.

Mais cela ne veut pas dire que la Cour internationale de justice ne réclame rien d'Israël. Elle exige des autorités israéliennes d'ouvrir une enquête auprès des ministres et députés dont les déclarations ont pu être perçues comme une incitation au génocide à Gaza.  Israël a tout intérêt à extirper de la classe politique celles  et ceux qui se sont livrées à des déclarations de ce genre alors mêmes qu'ils avaient été priés de s'abstenir de toute déclaration destinée à flatter les instincts de leur électorat. Il est important qu'un appel au génocide, fut-il indirect, soit stigmatisé et je ne suis pas mécontent que les hommes politiques ayant prononcé de telles paroles en rendent compte à la justice israélienne.

Par principe, la CIJ considère qu'elle doit elle-même instruire une enquête lorsque la justice du pays concerné n'est pas indépendante. En demandant à la justice israélienne de procéder à cette enquête, elle déclare par là même sa confiance à la justice israélienne. C'est une revanche sur la tentative du gouvernement de limiter les prérogatives de l'appareil judiciaire au printemps 2023. Cette période avait été marquée par un immense soulèvement contre un ensemble de réformes visant à réduire l'indépendance de la Cour suprême. Si ces réformes avaient été adoptées par le Parlement, la CIJ aurait retiré sa confiance à la justice israélienne. Nous l'avons échappé belle.

La purification du discours politique de discours nauséabonds et la reconnaissance de l'indépendance de la justice israélienne sont, en quelque sorte, le dernier clou sur le cercueil de la réforme judiciaire.

Netanyahou a exigé de ses ministres de ne pas commenter la décision de la CIJ.

Le volet humanitaire de la décision de la CIJ est aussi très important. Israël devra agir en conformité avec une exigence humanitaire.

La décision de la CIJ est une manière de raccorder Israël à la famille des nations alors que les Israéliens avaient le sentiment, après le 7 octobre, d’être abandonnés et pointés du doigt.

La décision de La Haye est équitable, quand bien même celle-ci prie Israël de veiller à ne rien faire qui puisse aller dans le sens d'une intention génocidaire. Elle l'absout de toute intention concernant ce qu'Israël a fait à Gaza jusqu'à présent. Il est vrai que la décision exprime un soupçon pour ce qu'Israël est susceptible de faire ensuite. A cette exception près, la décision de la Cour reste favorable.

Est-ce que des personnalités dans la vie politique israélienne pourraient réellement prendre en compte les décisions de la CIJ et faire évoluer la situation ?

Un petit nombre d'irresponsables politiques ont tenu des propos indignes sur Gaza. Ils seront poursuivis et apprendront à leurs dépens ce qu'il en coûte de flatter une base électorale au mépris des lois, au mépris du droit. Ils doivent en payer les conséquences. Netanyahou ne va pas les limoger parce que cela mettrait en péril sa coalition. Il n'en reste pas moins significatif de sanctionner de telles dérives verbales.

La décision n'aura aucun effet direct sur la composition de la coalition. Mais les Israéliens vont « régler leur compte » avec ce gouvernement, une fois la guerre terminée. Il a trahi la confiance des citoyens. Le gouvernement n'a su ni prévoir ni réagir immédiatement. Les Israéliens ne l'oublieront pas.

Il y a un volet humanitaire dans la décision de la CIJ. Est-ce que cela peut permettre d’obtenir des avancées dans ce domaine ?

La décision de La Haye en la matière converge avec une demande explicite des Etats-Unis en avec l’usure des soldats israéliens. Des avancées sur le plan humanitaire étaient attendues avec l’ouverture de points de passage supplémentaires et l’apport d’une aide en plus grande quantité pour venir en aide aux populations civiles. Si Israël s'est montré réticent sur l'extension de cette aide, c'est que le Hamas parvient à mettre la main sur ces convois humanitaires.

Les enjeux humanitaires restent prioritaires : le sort des otages suscite toujours beaucoup d’inquiétude en Israël. Il est bon que l'arrêt ait rappelé l'agression et l'invasion du 7 octobre commise par le Hamas et exigé la libération des otages. 

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