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Prix Nobel : cette paix à la norvégienne qui aurait tout intérêt à une bouffée d’air venue d’ailleurs
©DR

Autre époque

Cette année, c'est l'ICAN qui a été récompensé pour son action contre les armes nucléaires.

Antoine Jacob

Antoine Jacob

Antoine Jacob est journaliste et travaille dans les pays nordiques et baltes depuis une quinzaine d’années. Ancien correspondant de l’AFP puis du Monde à Stockholm, il couvre l’Europe du Nord en indépendant depuis 2007. Il a publié Les Pays baltes. Un voyage découverte (éd. Lignes de repères, 2009) et a également écrit  Histoire du prix Nobel (éd. François Bourin). 

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Entre Henri Dunant, fondateur de la Croix-Rouge et premier lauréat du Prix Nobel et l'ICAN, association pour l'abolition des armes nucléaires, lauréate de 2017, ce sont deux associations suisses qui sont primées en 118 ans, dans des contextes très différents mais toujours centrés sur la questions des conflits guerriers. En quoi le prix Nobel est un reflet majeur des tensions internationales d'une époque ?

Antoine Jacob : Le comité de cinq Norvégiens qui décernent le prix Nobel de la paix cherche à mettre à profit sa renommée pour, grosso modo, tenter d'améliorer les choses. Il n'a qu'un prix à donner par an. Il est logique qu'il tente alors de repérer le ou les lauréats (trois maximum par édition) symbolisant le mieux, selon lui, la cause la plus urgente ou les efforts les plus méritoires en vue de résoudre un conflit important, une crise majeure ou une injustice flagrante. Parfois, le Comité Nobel agit à chaud, en pleine période de négociations (le Vietnam en 1973, le conflit israélo-palestinien en 1994, etc.) ou de sortie de crise politique (l'Afrique du sud en 1993, l'Irlande du Nord en 1998, etc.). Ce sont des choix risqués, ces processus pouvant encore dérailler. Parfois, en revanche, le Comité récompense des personnalités ou des organisations pour "services rendus" (l'ONU et certaines de ses agences, l'Américain Jimmy Carter en 2002, le Finlandais Martti Ahtisaari en 2008). Des prix souvent jugés plus consensuels.

Quels sont les ennemis que combattent ces hérauts de la paix primés par le Prix Nobel ? La guerre ? La misère ? L'autoritarisme ? La violence ? Lequel de ces ennemis vous semble s'imposer en ce début de XXIe siècle ?

Dans son testament rédigé en 1895 (à Paris), le savant suédois Alfred Nobel avait stipulé que le prix devait aller à « la personnalité qui aura le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des congrès pacifistes ». Mais le Comité Nobel norvégien a vite pris des libertés avec cette volonté. Par exemple, en récompensant des dissidents politiques (dès les années 1930). Puis en adaptant ses choix au monde qui l’entoure. Celui de l’après-Hiroshima, ou de la guerre froide, ou du dérèglement climatique, n’a rien à voir avec le monde de la fin du 19ème siècle. Certains puristes regrettent cette évolution, la jugeant peu respectueuse du testament. Sans elle, toutefois, le prix Nobel serait moins en prise avec le monde actuel. Il est intéressant (mais pas réjouissant) de constater que le péril nucléaire s’invite à nouveau sur le devant de la scène. A l’avenir, il semble évident que les migrations et les changements climatiques représenteront des dangers croissants pour la paix et la stabilité et ce, un partout sur la planète.

Quelle sont selon vous les limites de cette vision internationale ? Existe-t-il un tropisme ou biais lié aux statuts propres qui définissent cette récompense ?

Le fait est que les Norvégiens du Comité Nobel sont des représentants du monde occidental, si c’est ce à quoi vous faites allusion. Ce monde occidental a beau s’ouvrir sur l’extérieur et interagir avec lui de plus en plus, il véhicule des valeurs et des références qui marquent inévitablement la façon de penser de ces cinq Scandinaves, plutôt à l’abri des tourments planétaires dans leur bonne ville d’Oslo. C’est Alfred Nobel, le fondateur des prix, qui l’a voulu ainsi. Il a aussi demandé à ce que ces membres du Comité soient désignés par le Parlement norvégien. Chaque grand parti du royaume envoie donc un ou deux « heureux élus » siéger dans le comité pour des périodes renouvelables. Ces personnalités ne sont pas nécessairement les mieux informées quant à l’évolution des confits mondiaux. Certains, en Norvège et ailleurs, suggèrent donc d’ouvrir le Comité Nobel à des experts en affaires internationales et/ou à des personnalités non-norvégiennes. Pour, en résumé, mieux représenter la diversité planétaire. Cela n’a rien donné pour l’instant. Il est vrai que si une telle ouverture avait lieu, se poserait la question des équilibres à trouver : entre continents, entre spécialités d’experts, entre orientations politiques, etc. Le tout pour un comité de cinq personnes. A moins d’élargir ses rangs et d’en faire une petite ONU… 

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