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Prêts étudiants aux États-Unis : 
une bombe à retardement 
aussi grave que les "subprimes" ?
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Danger, bulle ?

Le processus de désendettement se poursuit aux États-Unis avec la baisse des crédits accordés aux ménages depuis la crise financière de 2007. Restent les prêts étudiants (904 milliards de dollars), en hausse constante du fait de l'augmentation des coûts de scolarité, qui faute de débouchés professionnels pourraient alourdir la dette américaine. Pire, occasionner l'éclatement d'une nouvelle bulle financière.

Thomas Julien

Thomas Julien

Thomas Julien est économiste "États-Unis" chez Natixis. Il contribue également aux colonnes économiques du Figaro.

 

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Le processus de désendettement, qui dure depuis maintenant près de trois ans aux États-Unis, se poursuit. Les ménages continuent d’assainir leurs bilans et leur dette totale s’est réduite de 129,1% du revenu disponible brut en fin 2007 à 109,2% au premier trimestre 2012.

Cette tendance de fond est largement induite par le désendettement hypothécaire, dont la hausse importante au cours des années 2003-2007 s’est avérée être le vecteur principal de la crise. En parallèle, les crédits à la consommation se sont également contractés. Toutefois, de manière surprenante, on a observé un rebond de ces derniers début 2010.

Une répartition plus détaillée montre que les crédits à la consommation regroupent principalement trois types de prêts : les prêts automobiles, les cartes de crédits et les prêts étudiants.Selon les données du bureau de la Réserve fédérale de New York, ce rebond, est principalement attribuable aux prêts étudiants, dont l’encours a atteint 904 milliards de dollars au premier trimestre 2012 (soit environ 6% du PIB), devant les autres types de prêts à la consommation.


On constate sur le graphique ci-dessous la baisse de l'ensemble des
crédits à la consommation, exception faite des prêts étudiants. Au premier
trimestre 2012, le montant de ces derniers s'élève à 904 milliards de dollar.


Pourquoi une hausse continue des prêts étudiants ?

Tout d’abord, la hausse continue des coûts de l’éducation, dont la progression est nettement supérieure à celle de l’inflation, a nécessité une augmentation de l’endettement des étudiants. De plus, la crise a entraîné dans son sillage une augmentation considérable du nombre d’étudiants (une hausse du chômage implique en général une hausse du nombre d’étudiants).

La présence d’un aléa moral peut être également avancée, pour expliquer la hausse continue de l’endettement des étudiants. Effectivement, les procédures actuelles d’octroi pour ce type de prêts n’impliquent pas de vérification de la solvabilité des emprunteurs, la décision finale se basant sur des critères sociaux.Cette situation d’aléa moral affecte de manière générale la performance des prêts. En effet, il est impossible de savoir ex-ante si le candidat pourra trouver un travail et rembourser son prêt à l’issue de ses études. La garantie du gouvernement sur la majorité des prêts étudiant (même octroyés par les établissements financiers privés) renforce également cet aléa moral.

Cette quasi-absence de sélection et les conditions de crédit favorables permettent de faire un parallèle avec les procédures d’octroi des prêts « subprimes » au cours de la formation de la dernière bulle immobilière. En effet, la titrisation des « subprimes » permettait aux banques d’assouplir les conditions de crédit même pour les emprunteurs insolvables à long terme. 

Attention aux risques multiples : les taux de défaut aux crédits restent importants

Les taux de défaut sur les crédits à la consommation restent considérablement élevés aujourd’hui : en ligne avec la vague de défaut sur les prêts hypothécaires en 2007, les défauts sur les autres types de prêts ont également augmenté (les ménages qui font défaut sur leur emprunt immobilier sont plus susceptibles de faire défaut sur leurs autres prêts). Cependant, on observe depuis le premier trimestre 2010, un ralentissement du taux des défauts hypothécaires suivi par une baisse généralisée des défauts sur les prêts à la consommation. Mais, une fois de plus, les prêts étudiants affichent ici une tendance inverse, avec un taux de défaut qui se stabilise actuellement autour de 9%.

Contrairement à cette tendance généralisée au désendettement, l’encours de dette détenue par les étudiants devrait continuer de croître. En effet, la demande pour l’éducation restera élevée ces prochaines années (le BLS ou Bureau américain des statistiques relatives au travail prévoit environ 260 000 étudiants supplémentaires en moyenne chaque année sur les 10 prochaines années). De plus, dans un contexte de consolidation fiscale de la part des collectivités locales (en charge du financement de l’éducation publique), les frais de scolarité devraient continuer d’augmenter pour compenser la baisse des dépenses publiques dans le secteur, ce qui augmentera le besoin d’endettement des étudiants. En 2010, selon le College Board les établissements publics de l’enseignement supérieur ont augmenté leur frais de 8,3%.

Par ailleurs, le taux de chômage des jeunes a considérablement augmenté durant la crise. Certes, le taux de chômage des diplômés est relativement moins élevé, mais les jeunes qu’ils soient diplômés ou non restent fortement touchés. De plus, il existe également un problème de correspondance entre la qualification des jeunes et les débouchés qui existent sur le marché du travail : les formations actuelles restent encore orientées sur les anciens secteurs fortement créateurs d’emplois avant la crise (l’immobilier ou la finance par exemple). Ainsi, il est vraisemblable que les défauts sur les prêts étudiants se maintiendront sur des niveaux élevés, d’autant plus que la croissance anémique attendue ces prochaines années laissera peu de place aux créations d’emplois.

Cette situation crée un risque de surendettement pour certains agents qui pourrait peser sur la situation financière des ménages. Cependant, plusieurs mesures gouvernementales sont actuellement en place  afin de soutenir les emprunteurs étudiants (allégement de la charge d’intérêt sur les crédits et plafonnement des remboursements principalement). De plus, même si récemment le Sénat a rejeté la prolongation de la baisse du taux d’intérêt sur certains prêts étudiants, qui doit expirer en 2013, les deux partis opposés (actuellement fortement polarisés en raison du contexte électoral) n’ont pas de désaccord fondamental sur le principe et devraient pouvoir trouver une solution après les élections en fin d’année. Cette dette devrait toutefois freiner la formation de nouveaux ménages, ce qui pèsera à l’avenir sur le secteur immobilier.

La majorité des prêts est actuellement garantie par le gouvernement : d’après un autre rapport du College Board, ces 10 dernières années environ 83% des prêts étudiants octroyés étaient garantis par le gouvernement. Ainsi, ce dernier supporte majoritairement le risque de défaut des diplômés, ce qui épargne le système bancaire mais pourrait affecter les finances publiques déjà bien dégradées.
Toutefois, le gouvernement dispose de moyens efficaces pour agir en cas de défaut. Il peut par exemple prélever à la source les montants dus par les agents, via l’agence en charge de la collecte des impôts (l’IRS). En parallèle, les jeunes diplômés ayant une chance relativement plus importante de trouver un emploi (par rapport aux personnes non diplômées), un défaut généralisé semble peu probable.

En conclusion...

Au contraire de la crise des « subprimes », le risque se situe plutôt sur les finances publiques, qui garantissent la majorité des prêts étudiants. Le risque de surendettement pour les ménages est également limité mais devrait freiner la formation de nouveaux foyers, ce qui pourrait pénaliser la reprise du marché immobilier, encore fébrile.

Un défaut généralisé des prêts étudiants nous semble toutefois peu probable et l’encours de dette des prêts étudiants n’a rien de comparable avec celui des prêts hypothécaire. En effet, ce dernier représentait environ 9 200 milliards de dollar en 2008 contre seulement 904 milliards de dollar de prêts étudiants aujourd’hui.

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