Présidentielle 2022 : pourquoi notre pays connaît-il tant de crises récurrentes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jamais une élection présidentielle ne s’est déroulée dans un contexte si particulier, si incertain et si lourd.
Jamais une élection présidentielle ne s’est déroulée dans un contexte si particulier, si incertain et si lourd.
©CRÉDITLUDOVIC MARIN / AFP

Démocratie

La démocratie ne semble plus inspirer aux Français que de la déception et le sentiment de l’inefficacité. La campagne présidentielle que nous vivons porte le témoignage éloquent de cette confusion.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Quarante jours avant le premier tour de la présidentielle. Jamais une élection présidentielle ne s’est déroulée dans un contexte si particulier, si incertain et si lourd. La guerre en Ukraine est venue percuter de plein fouet une campagne électorale qui peinait à décoller et une déclaration de candidature d’Emmanuel Macron qui tardait à venir. Elle projette la campagne électorale dans une autre dimension, sans équivalent dans l’histoire de la présidentielle depuis 1965 : le terrible drame qui se joue en Ukraine, à quelques encablures des frontières de l’UE, semble renvoyer nos débats politiques internes à des péripéties secondaires.

UNE CRISE POLITIQUE QUI S’INSTALLE

Parvenu au terme de son mandat, Emmanuel Macron n’aura finalement passé qu’un an et demi, entre l’été 2017 et l’automne 2018, de présidence « normale ». C’est à l’automne 2018 que tout a commencé à partir dans une autre direction, celle d’une présidence de toutes les crises : crise des Gilets jaunes, crise des retraites, crise sanitaire et finalement guerre sur le sol européen. De toutes ces crises, ressort une situation très incertaine. Le sentiment de confusion perdure dans l’électorat, une série d’interrogations et de doutes qui n’ont pas trouvé leurs réponses : pourquoi notre pays connait-il régulièrement autant de crises ? Pourquoi avons-nous de nous-mêmes une vision si clivée et pessimiste ? Sommes-nous toujours une communauté nationale unie, une puissance qui inspire le respect ?

Cette série d’interrogations jalonne la crise qui surplombe toutes les autres : celle de la politique, du système politique et du système partisan. Le « nouveau monde » de 2017 n’a pas permis de réparer un système politique français profondément marqué par la défiance politique, l’affaiblissement des organisations partisanes et le sentiment d’une impasse. La démocratie ne semble plus inspirer aux Français que de la déception et le sentiment de l’inefficacité. La campagne présidentielle que nous vivons porte le témoignage éloquent de cette confusion. La sociologie politique nous enseigne que pour se repérer dans l’univers complexe de la politique les citoyens ont besoin de balises idéologiques. C’est normalement l’un des rôles des campagnes électorales que de poser ces balises en envoyant aux citoyens des signaux simples à décoder, en leur redonnant l’occasion de se définir politiquement. Où en est ce balisage, à quarante jours du premier tour et dans le contexte d’une campagne qui est brutalement passée de l’atonie au choc des images de guerre ? Pour répondre à cette question, on dispose de la richesse des données de la vague 7 de l’enquête « Les Français et l’élection présidentielle » réalisée par BVA pour Orange et RTL.

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UN CLIVAGE GAUCHE / DROITE TOUJOURS PRÉSENT…

Cette enquête permet d’analyser de quelle manière les Français se situent dans les grandes dimensions idéologiques, au premier rang desquelles le classement gauche-droite. Les données collectées par BVA nuancent beaucoup l’idée d’une disparition de ce classement. Sur une échelle de 0 à 10, qui va de la gauche à la droite, très peu de sondés refusent en fait de se positionner. Les variations des positions politiques sont importantes en fonction du statut socioéconomique mais les différenciations sont moins marquées que par le passé et ne vont pas nécessairement dans le sens attendu : les catégories populaires ne sont pas forcément les plus à gauche et les patrons ou cadres supérieurs ne sont pas forcément les plus à droite. Le balisage du champ politique par les notions de gauche et de droite s’est maintenu mais il n’aligne plus parfaitement les Français selon les catégories sociologiques !

…MAIS DE PLUS EN PLUS NUANCÉ

La sympathie partisane continue, en revanche, d’être assez bien corrélée avec le positionnement gauche-droite mais ne répartit plus les Français en deux seuls blocs (la gauche et la droite). Quatre blocs apparaissent à présent: les sympathisants de toutes les gauches (se situant en moyenne entre les notes 0 et 4 de l’échelle gauche-droite), les sympathisants du Modem (situés pile au centre, sur la note 5), les sympathisants du centre-droit (ceux de LREM et de l’UDI situés en moyenne sur la note 6), les sympathisants de toutes les droites (DLF, LR et RN, situés entre les notes 7 et 8 de l’échelle gauche-droite). Il se confirme que, loin d’avoir disparue, la dimension gauche-droite perdure mais avec des nuances au sein des quatre blocs et notamment à gauche. On pourrait presque penser, qu’à des nuances près, les données de notre enquête vont dans le sens de ceux qui appellent de leurs vœux l’union des gauches et la fusion des droites….  C’est aller bien vite en besogne comme nous allons le voir !

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UNE NOUVELLE SÉPARATION SE DESSINE ENTRE CONSERVATISME / PROGRESSISME ET LIBÉRALISME / INTERVENTION ÉCONOMIQUE

Nous avons également demandé aux Français de quelle manière ils se définissaient sur deux autres dimensions: une dimension de conservatisme/progressisme et une dimension de libéralisme / interventionnisme économique. Si les sympathisants de toutes les droites sont assez unis par un faible niveau de progressisme (la fameuse « droitisation de la droite » en matière de conservatisme culturel) des différences apparaissent sur leur libéralisme économique : les sympathisants LR sont plus économiquement libéraux que ceux du RN. Quant aux sympathisants de toutes les gauches, s’ils sont assez unis par leur fort niveau de progressisme (la gauche de la « tolérance culturelle »), chez eux également apparaissent des différences en matière de libéralisme économique : les sympathisants du PS sont plus proches de ceux de LREM sur l’économie que de ceux de LFI. Même les centristes sont en position inconfortable : en matière de progressisme, les sympathisants du Modem et ceux de LREM sont plus proches de ceux du PS que de ceux des LR mais ils s’en éloignent en matière économique et retournent alors à droite. Pas simple tout ça !

PRÉSERVONS LA DÉMOCRATIE ET LA PAIX !

Résoudre toutes ces contradictions et les démêler ne peut se faire sans réponses fortes à la crise de confiance des Français dans la politique et sans une série de réformes profondes de notre système démocratique. On ne peut continuer comme cela, avec toutes ces tensions non résolues et cette confusion politique intenable. La démocratie et la paix sont des biens fragiles comme la guerre en Ukraine vient de nous le rappeler brutalement. Mettons tout en œuvre pour préserver notre bien le plus précieux et être dignes des valeurs suprêmes de la protection des droits et des libertés, de la démocratie et de la paix. Soyons dignes de Maïdan !

Cet article a été publié initialement  sur le site de BVA Group : cliquez ICI

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