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Présidentielle : au secours les trotskistes reviennent, 5 candidats sur 11, mais pour quoi faire ?
©CGPME

Atlantico Business

Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Philippe Poutou, Nathalie Arthaud, Jacques Cheminade... 5 candidats à la présidentielle sur 11 plongent leurs racines dans le trotskisme pour leurs discours et leurs programmes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour les observateurs étrangers, cette situation est absolument incompréhensible. Entre Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Philippe Poutou, Nathalie Arthaud et Jacques Cheminade, la France moderne du XXIème siècle est donc capable d’aligner cinq candidats trotskistes à la présidentielle sur 11. Cette situation paraît déjà complètement ubuesque, incroyable.

Mais que l’un d’eux, Jean-Luc Mélenchon, soit désormais dans le groupe des "super favoris", ils n’en reviennent pas.

Pour beaucoup d’étrangers, cette situation est intrigante… et quand ils s’aperçoivent que des trotskistes pourraient accéder au pouvoir, ils paniquent. Parce que le modèle de Trotski est tellement incongru, invraisemblable, que son application même partielle porterait de tels ferments de désordre et d’instabilité que le système deviendrait rapidement ingérable et contagieux.

Pour beaucoup, le trotskisme appartient au conservatoire des reliques historiques et politiques. Un objet d’étude pour les agrégatifs de la révolution.

Le trotskisme a été inspiré par l’œuvre et l’action de Léon Trotski. Un homme politique russe, né en 1879 et mort assassiné en 1940. Il fut le principal collaborateur de Lénine, architecte en chef de la révolution bolchévique de 1917. Léon Trotski est un peu l’intellectuel de la gauche révolutionnaire. C’est lui qui fonda l‘Armée rouge, mais à la mort de Lénine, il fut évincé du pouvoir par Staline, exclu du parti communisme russe en 1927 et expulsé de l’URSS en 1929... Il voyagea beaucoup, il séjourna même à Paris quelques temps (rue d’Assas dans le 6e) et fut assassiné à Mexico City en 1940 par un agent de Staline, avec (a-t-on dit) un pic à glace.

Le trotskisme a été défini lors de la IVème Internationale de 1938 issue d’une scission de la IIIème Internationale. Le motif de la scission est simple. Alors que Staline et Boukharine sont partisans d’instaurer le socialisme dans un seul pays, l’URSS, Trotski défie la révolution permanente et mondiale. Il est alors considéré comme l’aile gauche du parti communiste, critiquant assez violemment la bureaucratisation du parti communiste.

A partir de là, plusieurs générations d’intellectuels formés à gauche, mais dissidents ou étrangers au parti communiste, vont se réclamer du communisme révolutionnaire et vont militer pour mettre un terme au capitalisme mondial, par la lutte des classes.

Sur le plan politique, le trotskisme se réclame donc d’un communisme révolutionnaire pour abattre le système capitaliste, jusqu’à installer le socialisme partout sur la planète.

Voilà le cœur du programme trotskiste.

Alors, Léon Trotski a laissé de nombreux ouvrages sur la façon de lutter pour la révolution. Il a admis la nécessité d’alliances conjoncturelles avec les démocrates (y compris l’entrisme) de façon à améliorer la condition ouvrière, mais tout en créant les conditions d’un renversement du système.

Ce qui est étonnant dans le trotskisme, c’est son côté sectaire. Les groupes d’action étaient secrets ou clandestins jusqu’à très récemment. En mai 1968, par exemple, les trotskistes ont été nombreux à la manœuvre mais sous le secret d’organisations diverses et multiples. Pourquoi cette organisation ? Pour échapper, disaient-ils, à la persécution des Russes et du patronat.

L’image de Trotski, ses utopies aussi, ont séduit beaucoup d’intellectuels français qui ont découvert les horreurs staliniennes sans s’apercevoir qu’il protégeait d’autres horreurs possibles dans cette lutte des classes.

En France, beaucoup de socialistes ont été formés à l’école du trotskisme des années 1960, mais ils ne s’en sont pas vantés.

Le leader du trotskisme français s’appelait Pierre Broussel. Plus connu sous son pseudonyme de Pierre Lambert ou tout simplement Lambert, né le 9 juin 1920 à Montreuil, il est mort à Paris le 16 janvier 2008. C’est à partir de 1953 qu’il deviendra l’un des principaux dirigeants du mouvement trotskiste international.

Son message était fondé sur l’entrisme. Pour mieux abattre le système, il faut entrer à l’intérieur du système, prendre des positions de pouvoir pour mieux le verrouiller.

« Du coup trotskiste un jour, trotskiste toujours. »

Lionel Jospin était allé à cette école et quand il s’est présenté à l’élection présidentielle, il a d’abord nié l’évidence de sa proximité avec Lambert, et ensuite, il a tout fait pour l’oublier. Julien Dray, cadre du parti socialiste, et ami de François Hollande, ne s’est jamais caché de cette formation d’adolescent, puisque lorsqu'il entre à l'université, il rejoint l'organisation étudiante de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). 

Le Secrétaire national du parti socialiste, ou ce qu’il en reste, Jean-Christophe Cambadélis, a été militant d’extrême gauche au sein du courant trotskiste lambertiste, puis président de l’Union nationale des étudiants de France.

Jean-Marie Le Guen fréquentera Broussel, alias Lambert, dans les années 1970... Et la liste est encore longue.

On en arrive aujourd’hui à aligner cinq candidats à l’élection présidentielle porteurs de thèses trotskystes.

Philippe Poutou, Nathalie Arthaud ont pris la succession d’Olivier Besancenot pour le premier et d’Arlette Laguiller pour la seconde. "Travailleurs, travailleuses". Ni le discours, ni les postures, ni les programmes n’ont changé. Pas même la concurrence sévère qui existe entre les différentes chapelles trotskistes que sont Lutte ouvrière ou LCR. Ils diffusent un discours violemment anticapitaliste, appelant même à la guerre des classes au niveau mondial. 
Jacques Cheminade est candidat à la présidentielle pour la 4e fois. Sans parti bien structuré, il obtient, comme ses deux camarades, les parrainages nécessaires, ce qui prouve qu’il y aurait au moins 2500 maires en France qui sont sensibles au discours trotskiste. Sans parler des fans de Mélenchon.

Parce que Jacques Cheminade est un pur. Il prône la guerre sans merci avec le système financier, les banques mondiales et les capitalistes.

De façon plus discrète, Benoît Hamon est un pur produit du parti socialiste ancien régime. Nourri comme ses pères et ses pairs au lait du trotskisme revisité par Lambert. Benoît Hamon a oublié que le trotskisme organisait la concurrence entre ses dirigeants au point de les laisser s’entretuer. Benoît Hamon est mort de cette concurrence-là, entre trotskistes.

Jean-Luc Mélenchon est très certainement le plus malin dans sa stratégie. Aujourd’hui, il a réussi à devenir le chouchou des médias au même titre que Macron, chouchou aussi d’une certaine bourgeoisie bobo pour laquelle il incarne une gauche qui a pratiquement disparu du marché politique. Il a donc adouci son discours, éliminé tous les aspects provocants et violents afin de rassurer les bourgeois.

Jean-Luc Mélenchon a pourtant été un des militants trotskistes les plus virulents pendant sa carrière.

Daniel Condit ne le ménage pas, "son ami Mélenchon " : "Je dirai une chose méchante. Une fois trotskiste, toujours trotskiste. Vous savez, il faisait partie de la secte la plus débile : l’OCI. Il y a des gens qui ont pu être dans leur jeunesse un peu débile. Ça peut arriver à tout le monde, même à moi. Mais lui il n’a pas changé. Il est resté dans la même structure mentale. Et puis il est très désagréable. Mélenchon a une vision autoritaire de la vie et de la politique. Il est scotché dans les années 30.] Mélenchon au pouvoir, il mettrait tous les Mélenchon en taule, ceux qui manifestent, qui disent “Résistance”, etc."

(L’Organisation communiste internationale (OCI), qualifiée de « secte » par Daniel Cohn-Bendit, était l’un des mouvements trotskistes les plus importants des années 1960.)

Aujourd’hui, à deux semaines de l’élection présidentielle où Jean-Luc Mélenchon est entré dans le groupe des favoris, il développe avec beaucoup de talent un propos consensuel, bienveillant et tolérant qui lui vaut l’affection d’une grande partie de l’électorat. Jean-Luc Mélenchon est un showman incroyable qui a réussi à faire oublier un programme quasi-révolutionnaire pour abattre le système mondial dans lequel on est inscrit. Pour ouvrir en France une séquence révolutionnaire et mettre en place la VIème République... comme si une nouvelle Constitution allait régler notre problème de chômage et d’avenir.   

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