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Pourquoi nous devrions nous inquiéter que l’Etat veuille pousser à une hausse des salaires (alors même que la question se pose bel et bien)
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Pression

Le gouvernement et Emmanuel Macron font pression sur les entreprises pour que les salaires soient augmentés. Si l’augmentation générale fait rêver tous les salariés, est-ce que le gouvernement ne vend pas là un rêve inatteignable ?

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico.fr : Le gouvernement a récemment demandé aux entreprises de faire en sorte d'augmenter les salaires de leurs employés. Une mesure vue comme apte à relancer la croissance.

Le gouvernement fait pression sur les entreprises pour l'augmentation des salaires. Pourtant il ne revient pas sur le gel du point d'indice de la fonction publique. Cette pression n'est-elle alors pas plus politique qu'économique ?

Mathieu Mucherie : Je crois qu'il y a une première remarque qui consisterait a noter que le gouvernement et le président élus en 2017 s'étaient présentés sous une étiquette libérale. C'était à la limite du libéralisme affiché, ce qui est assez rare en France. Emmanuel Macron était quelqu' un qui n'hésitait pas a dire qu'il venait du privé. Il parlait de réformes structurelles. Il adoptait une attitude pro-business et pro-marché.

Aujourd'hui le naturel mercantiliste revient au galop ! Tout comme la tentation réglementaire. Dans sa grande sagesse, le président explique maintenant au secteur privé qu'il doit augmenter les salaires qui manifestement, dans sa grande distraction capitaliste, n'est pas capable ou n'avait pas conscience que c'était nécessaire. C'est du niveau des Schtroumpfs ou des Shadoks... .

C'est la même chose quand on nous demande d'innover et d'investir... Comme si nous n'avions pas conscience de l'importance de l'innovation ! Il n'y a en fait pas plus anti-secteur privé que ce gouvernement et notamment Bruno Le Maire.  Ils sont tellement éloignés du monde réel. On aimerait bien les voir à l’œuvre.  En revanche la plupart des promesses de simplifications administratives, douanières, fiscales, réglementaires : là on les attend les toujours. Alors même que cela fait partie de la solution au problème. Tout sera fait pour mettre des bâtons dans les roues du secteur privé et de l'économie réelle.  

Cette injonction est un comportement déplacé du gouvernement qui n'est pas en mesure de donner des leçons. En revanche il devrait s'occuper du secteur public dont la mauvaise gestion rejaillit sur la compétitivité du secteur privé. Il donne depuis des années des leçons au secteur privé sans se soucier de sa mauvaise gestion de son propre périmètre. Et je ne vous parle pas de leur morgue.

L’Etat n'a-t-il pas d'autres moyens de relancer la croissance ? Pourquoi tant de bruit pour une mesure que beaucoup jugent inapplicable ?

Ce qui dépend du gouvernement c'est le salaire après impôts: mais là il faudrait faire de vrais efforts fiscaux. Même chose pour la simplification administrative: il faut y aller au laser mais pas dans la portion congrue!  Et ne parlons pas de l'importance de la restructuration de la dépense publique: en France la dépense publique représente 55% du PIB soit plus de 1110 milliards d'euros! Ce qui signifie que sous la barre des 20 milliards d'euros, un projet étatique n'a aucune incidence macro-économique ni aucune répercussion dans le portefeuille du contribuable ordinaire.  

Mais pour des raisons structurelles profondes et de grandes rigidités internes, le gouvernement refuse de s'y attaquer. Tout comme ce gouvernement se refuse à se libérer de son sur-moi germanique : se décorréler de l’Allemagne et de sa stratégie budgétaire, monétaire et stratégique. Il faudrait sortir totalement de ce cadre franco-allemand. L'Etat voudrait des résultats mais il s'est lié les mains et demeure piégé. Qu'il balaye devant sa porte avant de s'en prendre au privé.

Pourquoi tant de bruit? Parce que l'agence de communication qu'est devenu le gouvernement, plutôt qu'accompagner la hausse des salaires en faisant pression sur la BCE,  en baissant la pression fiscale et en encourageant les entreprises par le canal de la simplification administrative, préfère faire dans l'agitation médiatique sans lendemain en taxant les GAFA ou en interpellant le secteur privé sur la hausse des salaires. Le gouvernement a besoin de victoire : il sait qu'il risque de ne pas emporter Paris et il sait que l'impopularité du Président pourrait lui coûter sa réélection. D'où son raidissement sur la réforme des retraites et ainsi passer pour un courageux réformateur.

On répète souvent que la hausse des salaires entraînerait mécaniquement la hausse des prix et in fine l'achat de produits étrangers à plus faible valeur ajoutée, détruisant ainsi des emplois nationaux : une politique protectionniste et douanière serait-elle en mesure de casser ce cercle vicieux ?

C'est la courbe de Phillips et ça ne marche pas du tout! Les banquiers centraux comptaient et comptent encore dessus. Mais c'est faux depuis 40 ans! C'est la monnaie et pas les salaires qui font l'inflation. Ce sont les salaires qui s’adaptent à la monnaie et non l'inverse. Dans la moitié des pays de l'OCDE c'est le plein emploi, on y note même un légère de hausse des salaires de 3-4%, et pourtant il n'y a pas 4 points d’inflation. Et on ne relancera pas les salaires et les prix en taxant des produits chinois. Car cela fera baisser le pouvoir d'achat. 

Une autre solution passerait par la détente monétaire. Mais la la France n'a plus la main sur sa monnaie! C'est la BCE qui pourrait l'envisager et cette dernière ne s'y dirige pas. Et le gouvernement renonce à mettre la pression sur ce type d'institution monétaire.

C'est heureusement un gouvernement politiquement et idéologiquement trop médiocre pour tenter de remédier à cette situation par des mesures vraiment dangereuses ou risquées et qui ne va heureusement jamais au bout de ses opinions négatives. Il est composé de  trop de girouettes Dieu merci! Et comme il est incapable de créer les conditions nécessaire à une augmentation des gains de productivité, dont dépend la hausse des salaires, ou bien à la création d'un nouvel environnement monétaire: on ne peut avancer.

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