Pourquoi les sondages sur le sexe sont forcément biaisés<!-- --> | Atlantico.fr
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Un jeune sur dix se serait déjà filmé pendant ses rapports sexuels.
Un jeune sur dix se serait déjà filmé pendant ses rapports sexuels.
©Reuters

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Une enquête Ifop-CAM4 révèle qu'un jeune sur dix se serait déjà filmé pendant ses rapports sexuels. La question des pratiques intimes est toujours sensible, peut-on vraiment se fier à ces sondages sur le sexe ? Pourquoi est-ce que nous trafiquons la réalité ?

Pascal De Sutter

Pascal De Sutter

Pascal de Sutter est psychologue-sexologue et enseigne dans plusieurs universités de France et de Belgique, dont Lille et Metz. Il est l'auteur, avec Catherine Solano, de plusieurs ouvrages sur la mécanique sexuelle des hommes aux éditions Robert Laffont : La mécanique sexuelle des hommes : l'éjaculation. Il organise également des séminaires d'épanouissement conjugal, voir le site les sens de l'amour Il est le co-fondateur du site ma santé sexuelle.

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Atlantico : Un récent sondage rapporte que près d'un jeune sur dix a déjà fait une "sextape". Ce chiffre parait peu probable et surtout invérifiable. Peut-on vraiment se fier au sondage lorsqu'il s'agit des questions sur nos pratiques sexuelles ? Pourquoi faut-il se méfier de ces résultats?

Pascal de Sutter : De façon générale les sondages expriment ce que les gens pensent qu’il faut dire à un moment donné. C’est un phénomène psychologique nommé la "désirabilité sociale". Les gens répondent à un questionnaire en fonction de ce qu’ils pensent juste de répondre. Ils ne mentent pas volontairement. Les réponses témoignent d'une image idéalisée de nous-mêmes, ce que l'on aimerait être plutôt que ce que nous sommes vraiment, ce que l'on devrait faire plutôt que ce que nous faisons réellement.

Ce phénomène est d’autant plus visible lorsque l'on touche à un sujet intime comme la sexualité, la marge d’erreur augmente. Par exemple, dans un sondage, une femme célibataire répondra qu’elle a plusieurs partenaires sexuels, non pas parce que c’est la réalité, mais parce qu’elle pense que c’est la bonne chose à dire.

Concernant ce sondage précis, il y a deux possibilités : ou bien les jeunes trouvaient que c'est à la mode, que c'est excitant de dire qu’ils ont déjà réalisés une "sextape", on a alors un faux positif. Ou alors l’effet inverse, un faux négatif : les jeunes n’osent pas avouer qu’ils ont déjà eu recours à la vidéo. La seule indication valable, c’est qu’aujourd’hui un jeune sur dix estime qu’il est bien dans un sondage de dire qu’il a déjà fait une "sextape".

Que signifie cette tendance à mentir sur nos pratiques sexuelles ?

Il y a plusieurs facteurs dans la désirabilité sociale. Tout d'abord, la recherche de normativité : la volonté être comme tout le monde, c'est notre côté moutonnier. Par exemple, si la tendance est à la masturbation, et qu’on a l’impression que tout le monde le fait, les gens vont dire qu’ils se masturbent - sous-entendu comme tout le monde. Face à un groupe, il y a une certaine honte à avouer toutes les vérités, comme le fait d’être arrivé(e) vierge au mariage.

Enfin, la désirabilité sociale c'est également la volonté de plaire à la personne qui nous interroge. Nos réponses vont varier selon qui et comment on nous questionne. Pour être caricatural : sur un sujet comme les relations extra-conjugales, la réponse sera différente si c’est l’Église anglicane qui vous le demande, ou si c’est un site de jeunes branchés. 

Comment expliquer que malgré la levée de la plupart des tabous sur la sexualité et une société plus compréhensive, il soit encore si compliqué de parler de notre sexualité sans complexe ?

C’est un mythe de dire que nous sommes dans une société où il n’y a pas de tabous, au contraire il y en a certainement plus que dans les années quatre-vingt. Pour preuve les restrictions excessives du CSA. En France, il y a un néo-puritanisme qui créer plus de tabous aujourd’hui qu’il y a 20 ans, mais si les modes évoluent.

La sexualité dans son expression est encore quelque chose de très délicat, on ne se débarrasse pas de plusieurs milliers d’années de répression de la sexualité (féminine surtout) aussi aisément. Cela vient de notre éducation, de nos codes, on bride notre sexualité. Si on a une vie sexuelle qui n'est pas celle de la norme, c'est difficile d'assumer socialement. Il y a quelques années encore, les femmes divorcées étaient ostracisées, aujourd’hui ce sont d'autres comportements sexuels qui ne sont pas ceux de M .et Mme Tout-le-monde qui sont mal vus.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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