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Pourquoi le catholicisme ne peut pas être considéré comme une minorité parmi d'autres
©Reuters

Bonnes feuilles

À l'échelle planétaire, et bientôt même en Occident, face aux intégrismes, la sécularisation recule. Celle-ci n'est qu'une hérésie chrétienne : empruntant à la foi "l'autonomie du temporel", qui est inconnue ailleurs, elle méconnaît l'altérité radicale de Dieu, qui révèle que la vraie liberté réside non dans la maîtrise, mais dans l'accueil et l'imitation de Celui qui se donne.C'est pourquoi le catholicisme ne peut s'installer dans un ghetto. Extrait de "Le catholicisme minoritaire ? Un oxymore à la mode" de Jean Duchesne, aux éditions Desclée de Brouwer 1/2

Jean Duchesne

Jean Duchesne

Jean Duchesne a enseigné l'anglais en khâgne et math spé. Cofondateur de la revue Communio, il est l'exécuteur littéraire du cardinal Lustiger et du théologien Louis Bouyer, dont il a été proche. Il est membre de l'Académie catholique de France et de l'Observatoire Foi et Culture de la Conférence des évêques de France.

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Les débats contemporains portent sur des questions pratiques : faut-il autoriser, voire protéger le recours à telle ou telle technique ou comportement ? On n’utilise des arguments théoriques que si le calcul comparatif des avantages et des inconvénients ne suffit pas. Et on se contente du pouvoir incantatoire de mots comme égalité, justice, liberté, science, progrès, etc. Si l’on va chercher plus loin ou plus profond, on prend un risque, car on se rattache à une école soupçonnée de vouloir s’imposer. Et du coup, on se reconnaît minoritaire, même si l’on est persuadé d’avoir raison. On compte simplement qu’on finira bien par être reconnu créatif, c’est-à-dire qu’on aura été des pionniers, une avant-garde.

Dans cette perspective, il faut être net : les catholiques ne constituent pas une minorité. Ils n’ont pas une idéologie qui donne réponse à tout ni une solution toute faite à chaque problème. Si l’on regarde au niveau le plus spéculatif, l’Église n’a pas de philosophie spécifique ni unique : elle a reçu la pensée hébraïque, bien sûr ; mais elle a aussi emprunté aux Grecs (platonisme, aristotélisme, stoïcisme même), et la synthèse thomiste du Moyen Âge n’a pas empêché au XXe siècle l’ouverture à la phénoménologie.

Entretemps, on ne peut ignorer que Descartes, Kant, Hegel et bien d’autres ont élaboré des systèmes qui entendaient non pas substituer la « modernité » à la foi, mais l’y intégrer, conformément à ce que Newman a appelé le « pouvoir d’assimilation de la vérité ». Qu’ils n’aient pas réussi entièrement, et même que leur pensée ait pu être utilisée contre le christianisme, prouve seulement qu’ils en avaient négligé des aspects essentiels (notamment la chute et le salut). Cela ressemble fort à des hérésies, mais ce n’en est pas, puisque rien n’est contesté de la révélation, même si des pans entiers en sont oubliés. On est dans l’ordre de la pensée qu’elle stimule et libère sans pour autant la rendre infaillible. 

La foi dans son intégrité demeure donc une instance critique des développements spéculatifs aussi bien que pratiques qu’elle peut susciter. Ainsi, par exemple, « l’autonomie du temporel », c’est-à-dire du monde créé, s’avère une étroitesse de vue si, trop occupée d’elle-même, elle oublie et bientôt nie l’Autre qui la fonde et sans lequel elle n’est distincte et indépendante que par rapport à rien. Il en va de même dans le domaine des sciences, de la politique, de l’économie, etc. : il n’y a pas de science, de politique, ni d’économie catholique. On peut parler d’art ou de littérature catholique, dans la mesure où il s’agit d’y exprimer la foi. Mais celle-ci ne revendique aucun monopole ni de l’art ni de la littérature, et reconnaît sans difficulté la beauté de telle ou telle œuvre qui ne se réfère pas du tout à elle. C’est de même qu’elle ne conteste pas les découvertes scientifiques.

Le catholicisme ne peut donc pas se considérer comme une minorité parmi d’autres, tout en prétendant être plus créatif. Il convient de parler, plutôt que de créativité, d’originalité paradoxale. Celle-ci consiste non pas à tenir une position séparée proclamée meilleure, mais à être motivation de recherches et ouverture à celles qui, dans le cadre de l’autonomie du créé, n’ont pas besoin de relation explicite à Dieu. Et en même temps, elle donne de résister à toute systématisation totalitaire ou à courte vue. Un savoir peut en effet être tenté de régir absolument tout (c’est le cas des idéologies), et (comme on l’a vu) une compétence technique peut faire oublier ses présupposés et ses conséquences. Dieu donne la liberté, mais il vaut mieux rester branché sur lui (ou du moins ne pas l’exclure a priori) pour ne pas la perdre – ce qui arrive quand on s’enferme dans un système ou qu’on se laisse gouverner par les techniques disponibles.

Extrait de Le catholicisme minoritaire ? Un oxymore à la mode de Jean Duchesne, aux éditions Desclée de BrouwerPour acheter ce livre, cliquez ici

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