Pourquoi énergie renouvelable ne signifie pas forcément énergie bon marché<!-- --> | Atlantico.fr
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La Cour des comptes publie ce jeudi un rapport sur les énergies renouvelables.
La Cour des comptes publie ce jeudi un rapport sur les énergies renouvelables.
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Eco-illusion

La Cour des comptes publie ce jeudi un rapport sur les énergies renouvelables. Ces dernières puisqu'elles sont renouvelables sont trop souvent considérées comme économiques, parfois à tort.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : La Cour des comptes publie ce jeudi un rapport sur les énergies renouvelables. Quelles sont parmi elles celles qui sont exploitées en France et quel est leur bilan économique ? Quelles sont celles qui sont moins connues et qui mériteraient plus d'attention ?

Stephan Silvestre :La première énergie renouvelable exploitée en France reste le bois, qui représente près de 4% du bouquet énergétique national. Cette filière connaît un renouveau depuis le début des années 2000 grâce à l’essor des chaudières à granulés. Le principal handicap de cette ressource reste les émissions nocives lors de la combustion (monoxyde de carbone, composés organiques, particules fines), mais les améliorations techniques récentes les ont notablement réduites.

Ensuite, vient l’hydroélectricité (environ 2% du bouquet énergétique). Cette filière cumule les avantages : très faible coût, impact environnemental quasi-neutre, production d’électricité instantanée et sur demande. Hélas, presque tous les sites exploitables en France sont déjà équipés et sa part dans la production nationale ne pourra guère augmenter.

La troisième filière est celle des agrocarburants (1% du bouquet). Si on considère ce qui existe aux États-Unis, au Brésil, ou même en Allemagne, cette filière dispose encore d’un très fort potentiel de croissance. Cependant, la migration vers les produits de deuxième, puis de troisième génération est un enjeu majeur, dont toutes les contraintes techniques et économiques ne sont pas encore levées. Si les agrocarburants présentent certains atouts environnementaux sur leurs homologues fossiles, il ne faut pas se polariser sur cette question. Leurs principaux attraits sont ailleurs : ils permettent d’améliorer l’indépendance énergétique des pays qui les exploitent, mais aussi ils génèrent une activité économique appréciable dans certaines régions. Leur place dans le mix énergétique national relève donc avant tout des politiques publiques (françaises et européennes).

Enfin, la filière éolienne commence à émerger (moins 0,5% du bouquet). Son développement tient surtout au soutien économique de l’État via les tarifs avantageux de rachat des kWh produits. Les nombreux inconvénients de cette énergie (coût, intermittence, éloignement des centres de consommation) la rendraient sans intérêt industriel sans ce soutien artificiel.

Les autres sources (photovoltaïque, géothermie, biogaz, incinération des déchets) restent marginales et cantonnées à un usage local. Parmi elles, la géothermie sera probablement appelée à se développer, au moins pour le compartiment chauffage de l’énergie. La R&D dans ce domaine mériterait d’être soutenue.

Faut-il définitivement se débarrasser de l'idée qu'une énergie parce qu'elle est renouvelable permet de faire des économies ?

En aucun cas le caractère renouvelable d’une énergie implique un bas coût. Le coût d’un kWh produit résulte de trois composantes : le combustible (ou ressource), le coût opérationnel (fonctionnement et maintenance) et le coût d’amortissement des investissements. Or, il s’avère que, hormis l’hydroélectricité, les énergies sans combustible affichent les coûts d’investissement par kWh les plus élevés. Certes, on ne paye pas le vent ni le soleil, mais il faut bien remplacer les équipements. En cela, la notion de renouvelable est très relative. En réalité, les énergies les moins chères sont celles qui sont produites à la plus grande échelle, comme le nucléaire. À l’autre extrémité, le photovoltaïque est hors de prix car chaque équipement ne s’amortit que sur une très petite production.

Ces énergies sont-elles condamnées à être onéreuses, et si non, dans combien de temps peut-on tabler sur un prix compétitif du kilowatt-heure "renouvelable" ?

Toutes ne sont pas si onéreuses. L’hydroélectricité affiche un coût inférieur à l’électronucléaire : 3 à 5 centimes le kWh, contre 6 à 8 pour l’éolien, 5 à 15 pour la biomasse, 20 pour la géothermie et 40 à 70 pour le photovoltaïque. Ces prix tendent à baisser, plus ou moins vite, grâce à l’effet de volume. L’éolien (terrestre) commence à être compétitif. Pour que son prix baisse encore, il faut des éoliennes de plus en plus puissantes (donc grandes), regroupées dans des centrales de plus en plus importantes. Mais, comme pour l’hydroélectricité, la pénurie de sites commence à se faire sentir. Reste l’offshore, mais à des coûts bien supérieurs en raison de la difficulté à rapatrier l’électricité produite.

Dans le compartiment transport, il faut citer les agrocarburants qui, eux aussi, deviennent de plus en plus compétitifs vis-à-vis du pétrole. La deuxième génération reste plus onéreuse à produire. Mais des avancées prometteuses voient le jour grâce aux biotechnologies et devraient bénéficier à la filière industrielle sous une  à deux décennies.

À plus long terme (fin du XXIe siècle), la fusion thermonucléaire devrait permettre une réelle rupture. Même si elle est peu populaire dans les mouvements écologistes, elle doit être considérée comme une énergie renouvelable puisque sa ressource – des isotopes de l’hydrogène – est infinie à l’échelle humaine.

Plus largement, devons-nous accepter l'idée que le prix de l'énergie va croitre quels que soient les efforts mis en œuvre ?

Tous ces progrès devraient, en principe, conduire à une énergie moins chère. Ce qui renchérit en permanence le coût de l’énergie, et singulièrement de l’électricité, c’est tout le reste, à savoir les coûts d’acheminement (réseaux), les prélèvements obligatoires, les normes et règlementations toujours plus contraignantes, etc. Sur les 12 c/kWh payés par le consommateur, seuls 4 rémunèrent la production d’électricité. Ce qui va continuer d’augmenter, ce sont les coûts d’acheminement car les nouvelles énergies sont produites dans des lieux éloignés des zones de consommation, ce qui oblige à tirer de nouvelles lignes. De surcroît, le caractère intermittent des énergies renouvelables oblige à élaborer des architectures de réseaux de plus en plus sophistiquées (smartgrids), donc onéreuses.

Une fois ces équipements amortis (dans 20 ans), on serait en droit d’attendre  une baisse des prix. Mais qui sait quelle nouvelle contrainte se présentera alors…

Quels sont les pivots, économiques et technologiques, sur lesquels jouer pour rendre ces énergies rentables ? Cela relève-t-il du rôle des Etats ou de celui du marché ?

En premier lieu, l’effet de volume, lorsque c’est possible. Pour baisser les coûts, il faut des centrales plus puissantes. Il s’agit-là d’une logique purement industrielle qui ne devrait relever que des opérateurs. Idem pour la R&D. Elle aussi relève de la compétence des opérateurs. Cependant, l’État peut l’encourager via divers mécanismes, comme le crédit d’impôt recherche. Ensuite, il y a les investissements dans les réseaux. Les exploitants français (RTE et ERDF) sont des filiales d’EDF, elle-même détenue par l’État. La volonté de celui-ci est donc primordiale pour déclencher de nouveaux investissements. Cependant, l’État français étant au bord du gouffre, on ne peut guère compter sur lui pour mettre la main à poche. Il faudra bien qu’il fasse appel au marché. C’est ce qu’il s’apprête à faire en cédant une nouvelle tranche d’EDF au marché.

Enfin, l’un des grands enjeux technologiques est le stockage de l’électricité (direct ou indirect). C’est lui qui permettra réellement l’essor des nouvelles énergies. D’importants investissements en R&D sont nécessaires et l’État doit les favoriser. Le mieux qu’il puisse faire serait d’encourager des startups à se lancer dans la bataille. Pour cela, il faudrait déjà mettre à un terme à la fiscalité confiscatoire qu’offre la France… 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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