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Pourquoi 2019 est bien partie pour être (encore) une sale année pour l’industrie française
©Bryan R. Smith / AFP

Markit

Selon les données publiées par Markit, « La conjoncture se détériore pour la première fois depuis vingt-sept mois dans le secteur manufacturier français en décembre », et ce, dans un contexte européen affichant également une baisse.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : À quoi peut-on s’attendre concernant le secteur manufacturier français pour cette année 2019 ? Quels sont les risques principaux ? 


Michel Ruimy : De manière plus précise, l’indice composite PMI des directeurs d’achats est passé le mois dernier, pour la première fois, depuis 27 mois, sous la barre des 50 points… un seuil qui distingue croissance et contraction de l’activité. 
Sur le terrain, les ventes du secteur manufacturier ont enregistré leur plus forte baisse depuis août 2016, sous l’effet d’un affaiblissement de la demande dans le secteur de l’automobile et des mouvements de protestation des « Gilets jaunes ». Le niveau des nouvelles commandes, quant à lui, a chuté pour le troisième mois consécutif entraînant une importante baisse de la production et des ventes au plus-bas depuis l’été 2016. Dans ce contexte, les fabricants français ont réduit leurs effectifs pour le deuxième mois de suite.
Mais, cette situation n’est pas propre à la France. Le secteur manufacturier de la zone euro a terminé 2018 sur une note de faiblesse et rien ne laisse présager une reprise en ce début d’année 2019. Les enquêtes de conjoncture montrent que l’Italie est restée en zone de contraction où elle a été rejointe par la France. En Espagne comme en Allemagne, la croissance du secteur manufacturier a ralenti. Chez notre voisin allemand, c’est la onzième fois en 2018 que l’indice PMI allemand manufacturier a reculé, traduisant le ralentissement de la croissance de la première économie de la zone euro, dont le Produit intérieur brut s’est contracté au troisième trimestre. Il faut dire qu’après la légère surchauffe de la fin 2017, une correction était inévitable, mais c’est l’ampleur du ralentissement qui est, quelque peu, surprenante. 
Concernant la France, le climat des affaires pour 2019 est morose. Plus que l’optimisme, c’est le pessimisme qui prédomine. Les nuages sont en train de s’amonceler et, ces dernières semaines, les marchés ont joué à se faire peur.
En effet, au niveau interne, nous pourrions notamment nous inquiéter d’une faiblesse prolongée de la demande alors que ce mois-ci est mis en place le prélèvement à la source qui pourrait, en dépit des mesures envisagées en matière de pouvoir d’achat, conduire à une contraction de la demande au cours du premier semestre de l’année. Mais la faiblesse économique que nous observons résulte largement de facteurs conjoncturels. La dynamique pourrait reprendre, une fois ces chocs temporaires résorbés. Mais la prudence est, tut de même, de mise.
Au niveau international, les inquiétudes persistantes autour du commerce mondial avec, en particulier, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, la poursuite d’incertitudes politiques en Europe comme, par exemple, l’impact d’un Brexit désordonné, chaque semaine plus plausible, et le résultat des élections européennes sur l’activité du second semestre de l’année sont quelques interrogations pour les mois à venir… sans imaginer un « cygne noir » (événement,de tout ordre,imprévisible qui a une faible probabilité de se produire et qui, s’il se réalise, a des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle). De quoi faire trébucher une économie mondiale qui, si elle a progressé de 3,7% en 2018, devrait mollir cette année.
Pour autant, le pire n’est pas sûr.
Markit poursuit son analyse en indiquant : « Après une stabilisation éphémère des niveaux de production en novembre, l’activité manufacturière s’est fortement repliée en décembre. Parallèlement, le recul du volume global des nouvelles commandes s’est accéléré au cours du mois, la demande en provenance de l’étranger affichant sa plus forte baisse depuis trente-deux mois ». 

Dans un contexte de dégradation de la demande étrangère, que peut faire le gouvernement ?


En matière de commerce internationale, les difficultés des entreprises industrielles françaisesdepuis des années face à la concurrence s’expliquent,pour partie, par une dégradation de leur compétitivité-coût. Les coûts salariaux unitairesde l’industrie ont progressé plus rapidement en France que dans certains pays, enparticulier l’Allemagne. Les industriels français ont également subi une hausse du coût deleurs consommations intermédiaires de biens et de services. Cette dégradation de leurcompétitivité-coût les a contraints à concéder des efforts de marge importants afin demaintenir leur compétitivité-prix, ce qui a pu contribuer à retarder la modernisation del’appareil productif. 
Les entreprises françaises semblent, par ailleurs, se caractériser parune moindre capacité à différencier leurs produits sur des critères hors-prix (innovation,savoir-faire, réputation), ce qui les rend plus vulnérables à la concurrence internationale.
Dans ce contexte et en réponse à ces difficultés, dont les sources sont à la fois diverses et interdépendantes, le rôle de l'État est d’abord de concevoir un environnement favorable au développementdes entreprises, au travers de deux types de mesures.
Tout d’abord, des mesures« horizontales » et coordonnées touchant, àla fois, au coût du travail, aux conditions definancement, à l’environnement juridiqueet fiscal des entreprises, à la formationscientifique et technique, au soutien à laRecherche &Développement(R & D) ou encore aux innovations nontechnologiques. 
Ensuite, la mise en place depolitiques « verticales » efficientes,visant à pallier les horizons temporels trop courts, l’aversion au risque, les contraintes de liquidité des marchés, destinées à soutenir certaines industries,doit viser à pallier les défaillances demarché propres à chaque secteur(caractère appropriable de la R&D, effetd'entraînement sur d’autres secteurs,difficultés de financement, disponibilité ducapital humain, externalités, situation demonopole naturel à réguler …).
Mais ces mesures prennent du temps avant de prendre effet... Donc, en attendant, l’initiative reste aux entreprises.

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