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Politique : La soif du pouvoir plus forte que les idées
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Quel est le sens profond de la distinction entre la gauche et la droite ? Quelles sont leurs valeurs respectives ? Pourquoi voter à gauche ou à droite ? Dans son livre "On ne parle pas de politique à table !", Sylvain Bosselet explique pourquoi la vie politique est un vrai champ de bataille. Extraits (2/2).

Sylvain Bosselet

Sylvain Bosselet

Sylvain Bosselet est agrégé de philosophie et docteur en psychologie. Il a dirigé un séminaire sur la critique freudienne de la philosophie au Collège international de philosophie.

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Pourquoi les gens tiennent-ils absolument à avoir raison, à imposer leur point de vue dans les discussions ? Un relativisme douteux, ajouté à un principe de tolérance approximativement appliqué, nous fait souvent dire « à chacun sa vérité ». S’il en allait vraiment ainsi, pourquoi s’énerver quand l’autre pense différemment ?

Une hypothèse simple pourrait dénouer ce petit paradoxe. Ce ne serait pas tant là une question de vérité, abstraite, que d’action, concrète. Détenir une vérité entraîne certains actes. Avoir raison permet d’imposer son choix d’action. Celui qui détiendrait la vérité devrait légitimement décider, en particulier pour les autres, puisqu’elle reste identique pour tous – quoi qu’en disent les relativistes, qui se contredisent eux-mêmes à stipuler que « tout », absolument tout est relatif.

Il ne s’agit pas seulement de chercher une explication au fait que les esprits s’échauffent quand on parle de politique. La réponse dans ce cas réside surtout dans le fait que le choix politique met en jeu des structures inconscientes très sensibles, avec des pulsions basiques et un complexe d’Œdipe brûlant. La politique touche en nous de l’infantile profond.

L’idée que celui qui détient la vérité devrait logiquement choisir les actions à entreprendre revêt une importance cruciale pour ce qui est des décisions politiques. Que ceux qui prétendent gouverner les peuples soient tenus de connaître quelque peu leur affaire semble logique. Est-il possible de diriger un État sans un bon niveau de compréhension de la psychologie des individus, du comportement des groupes, des préférences anthropologiques, des mécanismes économiques, du sens philosophique des valeurs qui nous guident, du fonctionnement de la nature, etc. ?

Or, comment sont formés la plupart de nos dirigeants ? Quelle est leur motivation profonde ? Nous n’entrerons pas ici dans une analyse psychologique de leurs mobiles réels, quitte à manquer quelques pépites. Pour s’en tenir plus prudemment aux apparences, supposons qu’ils soient mus par la « soif du pouvoir ». Dans ces conditions, avoir raison devient pour eux un simple moyen. Au lieu de venir en premier, comme condition d’action, la vérité se subordonne à leur but dernier, détenir le pouvoir.

Quoi d’étonnant alors à ce qu’ils se rabattent « au feeling » sur l’une des deux options politiques, la gauche ou la droite, sans interroger en profondeur leurs présupposés ? Ils se contentent de reproduire des clichés. Leur souci est ailleurs. Leurs formations l’attestent suffisamment en France, où ils sont pour la plupart issus des études de sciences politiques et de l’ENA. Ils en apprennent infiniment plus sur les joies des administrations que sur le bonheur des individus. Ils se délectent plus des finesses de rouages institutionnels que des délicates interactions entre l’économie humaine et l’économie de la nature. Ils raffolent autrement plus des myriades de lois existantes que des complexités de la sociologie. Ils sont plus friands de l’histoire de leurs prédécesseurs, sans doute par identification basique, que des dernières hypothèses scientifiques concernant l’avenir de notre espèce.

Le XVIIIe siècle de l’assemblée constituante avait au moins l’excuse de ne pas encore disposer de sciences humaines développées. En outre, ce siècle avait montré un bel exemple, en tâchant de nous guider avec les Lumières de la raison. Les hommes politiques d’aujourd’hui n’évoquent plus les philosophes des Lumières que pour exalter une gloire française bien révolue, quand ce n’est pas pour se crisper sur des droits censément universels. Ces derniers nous servent plutôt de prétexte pour imposer nos intérêts partout dans le monde.

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Extraits deOn ne parle pas de politique à table ! de Sylvain Bosselet, Bréal (novembre 2011)

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