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Police de sécurité du quotidien : la philosophie confuse qui préside au projet du gouvernement
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Service public

Alors que le président de la République s’apprête à mettre en place, à titre expérimental, dans une quinzaine de villes, une « police de sécurité du quotidien », il nous a paru intéressant de revenir sur quelques questions de fond concernant l’institution policière, à partir de mots-clés.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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La police est un service, un service moins de l’Etat que des citoyens. Un service donc, et pas un pouvoir – même s’il se présente souvent comme tel, dans la pratique de ses agents. La police est en réalité le premier « service public de l’Etat ». Son premier rôle est donc de protection et de secours. « Secours », comme il était inscrit sur les véhicules de police en un temps aujourd’hui révolu. Véhicules alors emplis de ces agents qu’on appelait « gardiens de la paix » (si on les appelle toujours ainsi dans les textes, ils sont avant tout devenus des « agents de l’ordre »). « Police-secours », « gardiens de la paix », la sémantique de ce temps était rassurante. Les pratiques policières l’étaient encore dans leur grande majorité.

Puisque la police est un service, elle est, par essence, une « police de proximité », et ne peut être que cela. Le propre du service est en effet la proximité, contrairement au pouvoir qui, lui, est, de lointaine tradition, et malgré les volontés de changement, dans la distance jupitérienne ou pas. Or la distance est bien ce qui caractérise la relation de la police actuelle avec les citoyens. C’est donc la preuve qu’elle s’est érigée en pouvoir, et n’est plus un service.

En rappelant la nécessaire proximité de la police, Jean-Pierre Chevènement, en 1998, affirmait tout simplement le sens de l’institution., en en rappelant aussitôt la démarche. La « police de proximité » ne patrouille pas, ne pourchasse pas, elle circule au milieu des citoyens, vit au milieu d’eux : c’est son quotidien. C’est une police rassurante qui incarne la « sécurité préventive ».

Le second rôle de la police est de maintien de l’ordre et de répression des infractions. Cette police, regroupée en unités ou brigades, quadrille, elle, un territoire, pourchasse les fauteurs de trouble et les auteurs d’infraction. C’est une police inquiétante, au sens où elle a vocation à inquiéter celles et ceux qu’elle traque. C’est une police de répression, agissant au nom de la loi., qui incarne légitimement la « sécurité réactive ». Cette police porte donc une tenue sombre, d’aspect militaire (symbole de la rigueur et de la discipline), conforme à sa mission.

Ces deux polices doivent impérativement être dissociées. Un même agent ne saurait remplir les deux rôles, de protection et de répression. Il n’est jamais bon d’être dans la « confusion des rôles ». Au premier coup d’œil, le citoyen doit savoir à quel type de police et de policiers il a à faire. Ainsi le « policier de proximité » doit-il porter une tenue uniforme rassurante, comme celle qu’avait inventée pour lui Pierre Joxe, alors ministre de l’Intérieur, dans les années 1980 (qu’il a portée jusqu’aux années 2000).

Mais venons-en à la « police de sécurité du quotidien » (PSQ), voulue par l’actuel chef de l’Etat, police qui a donné lieu à concertation, pendant deux mois, des gendarmes, des policiers, des élus locaux, etc... On sait encore peu de chose de cette police. M. Macron, le 18 octobre dernier, en a tracé cependant la « philosophie ». Le nouveau dispositif, dit-il, doit permettre de « retisser avec les associations, les élus locaux, la police municipale, des formes d’action rénovées ». Cela ressemble à une volonté de « proximité policière », de travail collectif, à ce qu’on appelait jadis le « partenariat », processus dont on sait, hélas, qu’il n’a jamais bien fonctionné nulle part. Cela ressemble aussi à une volonté de « quadrillage du terrain ». Dans les premières déclarations gouvernementales, il est question de « patrouille », d’« unités » (Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur du président Sarkozy avait inventé quelque chose de similaire). Autant dire qu’à première vue, la « police de sécurité du quotidien » exprime, semble-t-il, une philosophie des plus confuses, qui paraît ne pas oser choisir son camp. « Ni complètement préventive ni totalement répressive ». Or, comme en matière politique, où le « ni de droite, ni de gauche » cache à peine un esprit et des orientations de droite, colorés, mâtinés de gauche de ci de là, le « ni ni » en matière policière fait pencher, et risque de faire pencher une nouvelle, la balance du côté répressif, avec juste un maquillage (camouflage ?) préventif.

Sortons au plus vite de la confusion – si confusion il y a dans l’esprit des nouveaux gouvernants (ce qui n’est pas avéré). Une philosophie policière doit être claire : ou préventive ou répressive, et si les deux malgré tout, préférentiellement l’une ou l’autre.

Aujourd’hui, les objectifs politiques, s’agissant du contenu véritable de la PSQ, doivent être plus clairement exprimés. Néanmoins, tout projet policier qui s’écarterait des notions de service et de proximité ne serait, à l’évidence, pas conforme à la vocation de l’institution policière en régime démocratique.

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