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Po-si-ti-vez… ou pas ! Cette étude scientifique montre à quel point accepter ses émotions les plus sombres est essentiel pour maîtriser angoisse et dépression
©Pixabay

Mauvaise humeur

Une récente étude montre que réussir a accepter ses idées négatives est une étape pour se soigner et aller mieux. Il s'agit peut-être d'une piste pour prendre en charge la dépression.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Une étude publiée dans le Journal of Personnality and Social Psychology montre que le fait d'accepter ses émotions et ses pensées noires permet de mieux se sentir dans sa peau. Comment interpréter ces résultats ? En quoi sont-ils novateurs pour la recherche en psychologie ? 

Catherine Grangeard : Accepter ses émotions, y compris les plus noires aide à aller mieux,… Enfin, un peu de bon sens ! Oui, car s’accepter soi-même tel que l’on est et non tel que l’on voudrait être, être honnête avec soi-même y compris avec le « dark side of the moon », c’est se faciliter la vie. Qui plus est, s’accepter globalement y compris sous les aspects les moins glorieux pour éventuellement les améliorer, c’est la voie qui permet de (se) dépasser. Nous y reviendrons.

On peut penser que l’on sort (enfin !) de cette injonction à la psychologie positive, à cette escroquerie qui serait de sourire, toujours sourire, même dans les situations les plus désespérantes. « Voir le bon côté des choses ! » … Est-ce réconfortant pour un déprimé ? Est-ce plutôt au contraire l’enfoncer puisqu’il ne cesse de ressasser des éléments le perturbant, qu’il n’arrive pas à faire autrement ? Il y a là le signe d’une société qui a peur de ses terreurs, qui est trop faible pour accepter des gens en souffrance et leur fait subir une injonction à aller bien.

Les psychanalystes n’ont jamais cessé de rappeler que le déni de la réalité, y compris psychique, n’est pas très sain. Le retour du refoulé se fait de mille manières car se tromper soi-même est voué à l’échec. Donc, cesser de se mentir à soi-même, et affronter ses idées sombres c’est une avancée pour retrouver un peu de sérénité intérieure. L’énergie psychique dépensée contre les moulins à vent peut se mobiliser pour contrer les causes des idées noires. C’est un soulagement !

Je me souviens d’un petit garçon, d’une dizaine d’années environ, me disant « je ne savais pas que j’avais le droit de pleurer » après le suicide d’un oncle dont il était très proche… Bien sûr qu’il avait des idées noires ! Un être proche choisissait de se donner la mort… Déjà la perte de cet oncle mais en plus une mort décidée ! Pour se sortir de ces « idées noires », il faut déjà se les avouer, on ne peut combattre que ce que l’on définit comme existant… y compris dans des situations comme « pourtant j’ai tout pour être heureux… Y’a plus malheureux que moi… »  il est plus positif en réalité de se dire « bon, ça ne va pas…. Qu’est ce qui se passe ? Qu’est-ce que je peux y faire… » . C’est en cela que c’est un grand progrès que de l’affirmer. Est-ce novateur que de rappeler ces évidences ?

En quoi, accepter ces pensée noires et une bonne chose pour mieux comprendre et soigner la dépression ? Le professeur Ford, l'un des auteurs de l'étude, explique que l'acceptation fonctionne pour les émotions négatives. Quel est le fonctionnement du mécanisme d'acceptation d'une émotion négative ? 

Plusieurs temps sont nécessaires. Par exemple, commencer par sortir de l’idéal de soi-même incontesté, car celui-ci est contraignant, une contrainte interne à laquelle on ne peut évidemment pas se soustraire et qui donne une bien piètre image de soi-même incapable d’être à la hauteur face à ces émotions que l’on désirerait ignorer… La sévérité de ce jugement dépendant de nombreux facteurs, ayant à voir avec l’enfance.

Pour reprendre le jeune garçon dont je parle plus haut, comment cette idée lui a été inculquée ? Si l’envie de pleurer le submerge, non seulement il souffre en raison de la perte, des causes de cette perte mais en plus il a honte d’avoir envie de pleurer, de ressentir cette vague de tristesse…

Il est utile de revenir sur comment s’est construit cet idéal, pour plaire à qui, quelles étaient les exigences des parents, de la famille, du groupe plus tard… Car se juger soi-même demande à interroger comment cela se fait, par rapport à quelle norme, à quel étalon ? Le rôle social, les normes prescrites et attendues face à telle situation dans tel milieu, vous voyez tout cela a un impact sur chaque personne qui rencontre des difficultés. Par exemple, « faire son deuil » comme on dit maintenant, autorise une période de détresse, de tristesse… mais pas trop longtemps. Tout comme les salariés ont un congé pour enterrer un membre de leur famille, variable selon la proximité… Or, tout le monde ne réagit pas pareil parce que tout simplement la réaction à la perte est individuelle, parce que l’attachement est différent, etc… parce que si l’on ne va déjà pas très fort, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, si vous voulez.

Quelles sont ces « qualités » que l’on n’a pas… ? Les émotions négatives ressenties sont-elles vraiment injustifiées ? L’idéologie du bonheur dont j’ai déjà parlé, tout positiver, constitue un déni de la réalité, cela complexe les individus qui ont un ressenti plus intense que celui autorisé socialement. Cela valorise au contraire les personnes coupées d’elles-mêmes, ce qui est pourtant pathologique !

Quel est le travail à accomplir pour réussir à accepter ses pensées négatives ? A quel effort faut-il consentir pour y arriver ? 

Il faut commencer par rappeler les vertus du renoncement qui n’ont rien à voir avec « se résigner ». Le renoncement permet de se distancier de ce qui est une représentation de soi, du monde pour se confronter à la réalité. Refuser de se laisser abattre consciemment ne présage pas de ce qui inconsciemment se déroule. Selon les individus, une force interne se réveille et permet de lutter contre les « idées noires ». Rappeler que camoufler n’est pas éradiquer ! Le faux self entraîne les gens à se tromper sur eux-mêmes et les affaiblit considérablement, on voit des gens s’écrouler, par exemple. Le retour du refoulé, c’est souvent ce qui fait psychosomatiser…. Si mentalement les problèmes ne sont pas réglés, alors ils se déplacent sur le corps. Vous m’avez souvent interrogée sur les problématiques de l’excès de poids à cet égard… Inutile d’en reparler maintenant de ce fait. On peut retrouver les articles ici même.

Pour se sortir de ses idées noires, il faut déjà se les avouer, on ne peut combattre que ce que l’on définit comme étant là… y compris dans des situations comme « pourtant j’ai tout pour être heureux… Y’a plus malheureux que moi… »  il est plus positif de se dire « bon, ça ne va pas…. Qu’est ce qui se passe ? Qu’est- ce que je peux y faire… ? » Est-ce un effort de consentir à s’avouer atteint ? Bien sûr ! Repensez au petit garçon dont j’ai parlé et qui sans aucun doute peut vous rappeler certains épisodes de vos propres vies…

Un rapport différent à ses émotions, moins s’en méfier, accepter d’être un être complexe et non une caricature de sit-coms, voilà un bon début ! Qu’est-ce que je crains en acceptant de me sentir mal ? De dégringoler ? D’aller de plus en plus mal ? Mais a-t-on déjà réfléchi à ce qui se passe à jouer à être une personne autre que soit même, à se fourvoyer ? Cela s’appelle, rouler des mécaniques, marcher à côté de ses pompes… Et en général la chute est douloureuse ! Le pire étant quand cela se réalise à la fin de sa vie…

Le travail interne, psychique nécessaire peut sembler difficile si les idées noires sont très noires… alors, les professionnels sont là pour y aider. L’aide d’articles tels celui-ci est énorme. Diffuser les recherches pour reconsidérer les normes permet globalement d’éviter de croire qu’il est possible d’éviter les moments où ça ne va pas, d’en avoir moins peur en les considérant comme normaux, comme faisant partie de la vie. Je terminerai par le bon sens avec lequel j’ai commencé !

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