Pierre Rabhi, l’icône paysanne des écologistes qui n’a jamais su vivre de l’agriculture <!-- --> | Atlantico.fr
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N'est-ce pas paradoxal que Pierre Rabhi ait été cité en exemple par Europe Ecologie les Verts alors que les écologistes critiquent les agriculteurs depuis de nombreuses années ?
N'est-ce pas paradoxal que Pierre Rabhi ait été cité en exemple par Europe Ecologie les Verts alors que les écologistes critiquent les agriculteurs depuis de nombreuses années ?
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Agroécologie

Pierre Rabhi a réussi à séduire les écologistes sur les enjeux liés à l'agriculture. N'y a-t-il pas des failles dans sa méthode ?

Gérard Rass

Gérard Rass

Gérard Rass est agronome à la retraite.

Membre de STA, Sciences Technologies Action, collectif de scientifiques, ingénieurs, experts et citoyens dont le but est de défendre et promouvoir la Science dans le débat public.

Administrateur fondateur de l’Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable (APAD) et du Global Conservation Agriculture Network (GCAN), associations française et internationale d’agriculteurs en Agriculture de Conservation des Sols.

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Atlantico : Comment Pierre Rabhi a-t-il pu séduire les écologistes sur les questions agricoles ? Comment expliquer qu'il n'ait jamais su réellement vivre de l'agriculture et qu’il ait connu des échecs ?

Gérard Rass : Le modèle d’agriculture prôné par Pierre Rabhi a énormément séduit. Il est devenu une icône paysanne pour les écologistes. J’ai personnellement rencontré Pierre Rabhi lors d'un colloque en Bretagne. Je lui avais demandé à l’époque s’il mesurait l'impact de son message et de son discours sur le monde des agriculteurs, les systèmes agricoles et l'alimentation des Français. Je me suis rendu compte qu'il ne s’était jamais posé la question.

Pierre Rabhi faisait l’éloge de la nature et de sa beauté. Mais ce n’est pas de l'agriculture, il s’agit de la nature. Il avait développé son modèle dans une ferme en Ardèche. Cela reposait sur une philosophie de vie personnelle qui dépassait la simple production agricole. Cette façon de vivre, très à la mode et très philosophique, sauve la nature. Cela repose notamment sur la santé des sols.

Mais concernant la production, les rendements et les techniques agricoles, un problème se pose.

Sa méthode a été théorisée dans le livre, « L’agroécologie une éthique de vie ». Cela s’apparente à du travail de la terre, manuellement en toutes petites surfaces. Techniquement, cela se rapproche de la permaculture. Cette agriculture va s’attacher à la conservation des sols. Le sol ne va pas être travaillé mécaniquement. Cela va s’effectuer sur des petites surfaces avec un important recours à la main-d’œuvre. Cela ne va pas permettre d'avoir des rendements importants.

Pierre Rabhi prêche la sobriété heureuse, approuve le fait de renoncer à la société de consommation, de renoncer aux achats, au luxe, à tout ce qui est superflu. Cela consiste à vivre de sa propre production alimentaire. Lors de son arrivée en France, Pierre Rabhi avait beaucoup fréquenté le monde communiste marxiste. Il est fondamentalement contre le capitalisme, contre la société de consommation et contre les technologies qui vont de pair. Mais son modèle contribue à renoncer à l'idée que l’on va produire des produits agricoles pour d'autres personnes.

En Ardèche, la ferme des Amanins de Pierre Rabhi a été encensée comme un modèle d'agriculture sobre et qui fonctionne. Est-ce qu'il n'y a pas des failles sur le plan scientifique, notamment sur les rendements et les intrants ?

L'essentiel des intrants chimiques, sont utilisés essentiellement dans les grandes cultures céréalières pour venir à bout des mauvaises herbes. A partir des années 50, les pesticides ou produits phytosanitaires ont permis d’avoir une augmentation énorme des rendements. Cela a permis de lutter contre la faim et la malnutrition.

Dans le cadre de la méthode de Pierre Rabhi, le choix est fait de recourir à des engrais organiques. Mais ce type de système ne fonctionne qu’à base de main-d'œuvre. Cette énergie humaine produit moins de CO2 mais le problème est que cela conduit à une société à deux vitesses.

Les travaux pénibles sont remplacés par des machines. Si vous n’avez pas de machines, cela mobilise une importante main-d’œuvre. Cela pose un problème majeur qui est d'abord un problème de développement humain. Cela s’apparente à de l'exploitation de l'homme.

Les grands penseurs du climat viennent expliquer que la solution est de suivre la voie de la décroissance.

Comme pour les exploitations de Pierre Rabhi tout se fait à la main et sans produits, ils considèrent que c'est bien parce que la nature est bonne. Tel est le mythe qui subsiste derrière. C'est pour cela qu'il a réussi à séduire des artistes comme Guillaume Canet, Marion Cotillard, qui vivent dans le monde de l'émotion, dans le monde intellectuel.

Mais la réalité, c'est que l’humanité doit se nourrir. Ces résultats ont été rendus possible grâce à la main d'œuvre. En Ardèche, il y avait énormément de stagiaires non rémunérés ou qui payaient pour apprendre à devenir agriculteurs biologiques.

Au regard de la crise agricole actuelle, n'est-ce pas paradoxal que Pierre Rabhi ait été cité en exemple par Europe Ecologie les Verts alors que les écologistes critiquent les agriculteurs depuis de nombreuses années ?

Il y a eu une vraie convergence des luttes entre les verts et les gauchistes qui étaient anticapitalistes. Cela a débuté à partir de 1981 et cela s’est concrétisé dans les mouvements associatifs à partir de 1985.

L'écologie est une science qui consiste à étudier des écosystèmes, des interactions entre les espèces et les populations au sein d'un milieu naturel ou pas.

L’agriculture ou les milieux humains, la campagne et même les forêts sont des milieux anciennement naturels qui ont été anthropisés.

Pour réussir au sein de son exploitation, il faut appliquer les règles de l'écologie scientifique et pas politique. 

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