Petit traité sur la famille recomposée : portrait robot du beau-père moderne<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, 250 000 enfants connaissent chaque année la séparation de leurs parents.
En France, 250 000 enfants connaissent chaque année la séparation de leurs parents.
©Reuters

Bonnes feuilles

En France, 250 000 enfants connaissent chaque année la séparation de leurs parents. On dénombre environ 720 000 familles recomposées au sein desquelles la majorité des enfants vit avec un parent et un beau-parent. Ces métamorphoses de la famille sont désormais bien ancrées dans nos sociétés. Elles s’accompagnent d’un ensemble de représentations, de visions catastrophistes ou idéalistes. Mais qu’en pensent les principaux concernés ? Extrait de "L'enfant de l'autre - Petit traité sur la famille recomposée", de Claudine Paque et Catherine Sellenet, publié chez Max Milo (2/2).

Claudine Paque

Claudine Paque

Claudine Paque enseigne la communication et les métiers du livre. Elle est co-auteure de L’Enfant préféré (Belin, 2013).

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Catherine  Sellenet

Catherine Sellenet

Catherine Sellenet est professeure des universités en sciences de l’éducation. Psychologue clinicienne, docteure en sociologie et titulaire d’un Master de droit, elle est auteure d’une vingtaine d’ouvrages sur la famille et co-auteure de L’Enfant préféré (Belin, 2013).

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« Et les parâtres ? Ont-ils aussi changé ? Se sont-ils transformés en beaux-pères aimants ?

Autrefois, la recomposition familiale était crainte par les enfants, aujourd’hui elle est présentée comme l’horizon à atteindre, le pays de Cocagne. À tel point que les enfants des contes sont eux-mêmes chargés de trouver le prince charmant à la mère délaissée. Trouver Un papa sur mesure[1], tel est le rôle dévolu à l’enfant qui fait passer un casting sans concessions aux prétendants au mariage. Comme une agence matrimoniale, l’enfant délimite l’aire des possibles, et c’est un homme idéal qui est recherché : grand, fort, sportif, intelligent… « Il faudrait un papa fort, très fort, beaucoup plus fort que les autres papas. Aussi fort que le lutteur masqué à la télé. Il faudrait un papa beau, très beau, beaucoup plus beau que les autres papas. Beau comme un acteur de cinéma avec beaucoup de cheveux… ». La petite fille souhaite également un papa super intelligent, représenté par le cliché d’un mathématicien avec des lunettes. La gentillesse est également une qualité attendue, le papa devra être souriant et joueur et présenter une tête d’ange. Comme l’agence meetic, la rencontre amoureuse est pensée dans la logique du semblable, du même, du « qui se ressemble, s’assemble ». Pas de surprise, ni d’étonnement, l’amour est décliné dans le registre du connu, des affinités partagées, de l’assurance-vie.

Lors du casting, mère et fille sont sur un pied d’égalité, l’enfant participe désormais au choix amoureux et au choix de vie. Etonnant renversement de la place de l’enfant, qui se trouve promu en place de décideur.

Mère et fille éliminent sans trembler les hommes qui se présentent : « pas assez fort… pas assez de cheveux… nul en calcul… ». C’est faute de candidats, et parce qu’il n’en reste qu’un, petit, nul en calcul, l’anti-héros, qu’une recomposition familiale à l’essai, faute de mieux, se met en place. Dans une logique très consumériste, l’auteur choisit l’alliance à l’essai. On pourrait presque l’illustrer de slogans comme « satisfait ou remboursé » ou « essayer c’est l’adopter » voire poster l’annonce sur le site adopteunmec. Mais comme dans tous les livres d’enfants, la morale triomphe. L’enfant apprendra que d’autres valeurs humaines sont essentielles comme l’attention, la patience, la protection. Le beau-père élu n’échappe pas à de nouveaux clichés. Il « est nul en calcul…mais il connait plein de poésies, il aime les animaux, et il sait cuisiner. » Simple, non matérialiste, pro SPA, l’homme choisi n’est que l’exacte anti-réplique de l’homme rêvé.

Dans son article sur les marâtres, Sylvie Cadolle[2] note avec justesse que « les recompositions sont toujours présentées comme préférables à la famille monoparentale. » C'est ce qu'exprime l'enfant-narrateur après la naissance  du bébé de son père, dans Ma demi-petite sœur[3] : « Maintenant, j'aimerais bien que maman me fasse un demi-frère. Mais il faut d'abord qu'elle trouve un amoureux. Ensuite, on verra. Alors moi, j'attends. »

Lorsque la recomposition tarde à venir, l’enfant devient acteur de celle-ci. Il devient entremetteur, acteur du choix du parent additionnel, comme dans Les joues roses, Fiston marie Gros-Papa, Sans sucre merci, Une maman sur mesure, Si on adoptait un papa ?, Madame Campagnol la vétérinaire, ouvrages cités par Sylvie Cadolle. »



[1]               David Cali et Anna Laura Cantone, Un papa sur mesure, Girafon de poche, 2006.

[2]              Sylvie Cadolle, Séparation et recomposition familiale d’après les livres pour enfants in Recherches et prévisions N° 64 - 2001

[3]              Muriele Charlet-Dreyfus, Frédérique Rich, Ma demi petite sœur, 2008

Extrait de "L'enfant de l'autre - Petit traité sur la famille recomposée", de Claudine Paque et Catherine Sellenet, publié chez Max Milo, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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