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Les pervers sont-ils des malades ?
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Psychiatrie

Après avoir examiné le pervers narcissique sur toutes les coutures, Jean-Charles Bouchoux répond maintenant à la question que tout le monde se pose. Le pervers narcissique est-il malade ou est-il pleinement conscient de son comportement ? "Les pervers narcissiques", nouveaux extraits.

Jean-Charles Bouchoux

Jean-Charles Bouchoux

Jean-Charles Bouchoux est psychanalyste et formateur en institut dans la région d'Arles et Montpellier

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Il faudrait d’abord définir ce qu’est une pathologie. Lorsque nous étudions les psychopathologies, nous passons beaucoup de temps à travailler sur la différence entre le normal et le pathologique. J’invite le lecteur à y réfléchir. Certains proposent que l’on définisse la pathologie comme ce qui nous amènerait à la souffrance. Or, nous l’avons vu, la souffrance peut faire partie intégrante d’un processus qui nous conduit vers la résilience, comme dans le processus de deuil.

 Ne pas confondre symptôme et maladie

Parfois, nous confondons le symptôme et la maladie. Par exemple, si nous ingérons un poison, notre corps va peut-être nous faire vomir. Si nous considérons le vomissement comme la maladie, nous prendrons un antivomitif. Si nous prenons le poison comme origine du mal, au contraire, nous prendrons un vomitif. Peut-être que la pathologie pourrait être une rupture du lien. Si notre corps ne reconnaît pas le poison, il ne nous fera pas vomir et nous tomberons malades. Le schizophrène se sent chaotique, alors il se coupe de son intérieur puis du monde extérieur. Ses délires sont des projections de son intériorité afin de recouvrer un état sans tension lorsque ses pulsions le débordent.

 Non content d'être malade, il rend malade

Pour en revenir au pervers narcissique, c’est un vomisseur. Il expulse son chaos et rend malades les autres. Peut-être nous est-il arrivé, après avoir subi une tension imposée par un tiers, au travail ou ailleurs, de rentrer chez nous et de prévenir : « Attention, je suis de mauvaise humeur ! » En clair, je suis prêt, à la première occasion, à expulser mon chaos. Peut-être même que cela est arrivé et que nous avons été à l’origine d’une dispute. Souvent, à la fin de la dispute, nous nous sentons mieux, mais notre entourage se sent mal. Il se peut même qu’alors, nous ayons joué les conciliateurs et pris le beau rôle : « Allons, il faut se calmer… » Voilà une situation perverse narcissique. Ponctuellement, ça ne fait pas de nous des pervers, mais il est important de le remarquer et de travailler dessus afin que cela ne se reproduise pas.

 Sans remords ni souffrance

Le pervers narcissique « accompli » est structurellement pervers. Il ne connaît ni souffrance, ni remords. Il n’est pas malade. Rapidement, c’est son entourage qui devient malade. Si par exemple, un soir, nous rentrons à la maison et que nous mettons l’autre mal à l’aise parce que nous n’allons pas bien, le lendemain quand nous allons nous réveiller, nous nous sentirons mal et nous aurons honte. Nous allons en souffrir, culpabiliser et pour sortir de notre souffrance, nous irons présenter des excuses. Nous sommes alors plutôt du côté de la névrose que du côté de la perversion. Le pervers narcissique, lui, ne souffre pas, c’est nous qui souffrons à sa place. C’est quelqu’un de fragile, c’est quelqu’un qui devrait souffrir énormément, mais qui, par un système de projection et notamment d’identification projective, se dédouane : « à cause de toi… » C’est lui la cause de l’erreur ou du problème, mais il attribue à l’autre son propre travers.

 Un mécanisme de défense

Le bénéfice qu’il retire est tel (échapper à sa souffrance et à sa folie) qu’il ne pourra pas se remettre en question. En revanche, il existe des personnes qui utilisent fréquemment ces mécanismes lorsqu’elles sont en difficulté. Quand elles reviennent à un état normal, si le déni n’est pas suffisant, elles doivent faire face à leur culpabilité, elles peuvent alors ressentir des angoisses d’abandon du fait de leurs passages à l’acte et des conséquences que l’autre pourrait leur faire payer. Elles risquent de régresser à nouveau et de réutiliser les mêmes mécanismes pervers. Ces personnes sont en grande souffrance. Elles pourront peut-être faire un travail personnel et s’en sortir. Ce qui sera long, mais qui n’est pas impossible. Paul-Claude Racamier dit : « C’est quand ils ne le sont pas assez que les pervers narcissiques consultent ». Le thérapeute devra alors faire attention de ne pas accompagner son patient dans ses perversions, car on s’en doute, ces mécanismes sont difficiles à repérer dans le discours de quelqu’un qui se pose en victime, et il devra veiller à ne pas le déculpabiliser mais au contraire à l’amener à réfléchir sur ce que pourraient être ses valeurs.

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Extraits de "Les pervers narcissiques", de Jean-Charles Bouchoux, Eyrolles (Juin 2011)

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