Personne ne sait expliquer la hausse du taux de cancer chez les 20-35 ans dans les pays du G20. Voilà quelques pistes<!-- --> | Atlantico.fr
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Des médecins traitant un patient, Photo d'illustration AFP
Des médecins traitant un patient, Photo d'illustration AFP
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Santé publique

Plusieurs pays du G20 font face à résurgence du taux de cancer chez les jeunes de 20 à 35 ans. C'est également le cas de la France. Certains scientifiques pointent du doigt un mode de vie à risque, mais on ne peut se contenter de cette seule explication.

Alain Toledano

Alain Toledano

Le Dr Alain Toledano est cancérologue radiothérapeute au centre de radiothérapie Hartmann, Spécialiste du cancer et des modalités thérapeutiques modernes et Directeur chaire Santé Intégrative, Conservatoire National Arts & Métiers

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Atlantico : Dans les pays du G20, les chercheurs observent une importante progression du taux de cancer chez les jeunes de 20 à 35 ans. Il s’agit d’un phénomène sans précédent depuis 30 ans, qui ne semble pas toucher les autres catégories de la population. Que sait-on à ce sujet ?

Alain Toledano : Il faut d’abord rappeler qu’il existe plusieurs causes au cancer. Certaines sont inconnues, c’est un état de fait, et nous sommes encore en train de chercher. Il y a aussi des facteurs génétiques, que l’on connaît assez bien et qui apparaissent relativement stables, d’autres que nous sommes en train de découvrir au fur et à mesure, à l’aide de nos outils. Mais il faut aussi mentionner les facteurs comportementaux et environnementaux. Nous savons actuellement qu’ils sont responsables d’au moins 40% de cancers qu’il aurait théoriquement été possible d’éviter. Pour cela, il faudrait normalement travailler sur la consommation de tabac, d’alcool, sur la sédentarité et le surpoids, par exemple. En somme, c’est bien sur le mode de vie occidental qu’il faudra travailler.

Le surpoids et la sédentarité constituent des facteurs identifiés de cancer. Cela étant dit, il faut aussi prendre en compte l’environnement, qui peut à la fois désigner celui dans lequel nous évoluons mais aussi l’environnement intérieur, que constitue la flore intestinale. On parle alors de microbiome.

Il ne faut pas non plus oublier les facteurs extérieurs, tels que la pollution, par exemple.

Nous n’avons pas encore identifié assez de facteurs pour permettre d’affirmer pourquoi ce sont les jeunes de 20 à 35 ans qui sont touchés par cette hausse du taux de cancer. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le cancer est systématiquement multi-factoriel, y compris pour cette tranche de la population. Il ne suffit pas d’afficher un certain type de flore intestinale pour forcément attraper un cancer ! Chaque individu est différent, présente des résistances et des immunités différentes. C’est pourquoi, à consommation égale d’alcool on n’a pas non plus les mêmes conséquences. Les mécanismes de défenses diffèrent. 

Quand on met en place des politiques de prévention, on essaie évidemment de jouer sur plusieurs facteurs à la fois.

D’aucuns pointent du doigt le mode de vie européen - ou, au moins, occidental - et soulignent les dangers provoqués par la sédentarité quand celle-ci s’accompagne d’un régime alimentaire défaillant et d’une forte hausse de l’obésité. Peut-on se satisfaire de ces seuls éléments de réponse ou faut-il, selon vous, aller chercher d’autres pistes ? 

Il faut évidemment continuer à chercher d’autres facteurs. La recherche ne doit jamais s’arrêter. C’est précisément parce qu’elle ne s’est pas arrêtée, que nous ne nous sommes pas contentés des explications que nous avions déjà que nous avons pu avancer sur la question de la flore intestinale ou du système immunitaire, par exemple.

Quels sont les cancers les plus communément observés chez les 20-35 ans ? La France est-elle particulièrement concernée ?

Je ne crois pas que l’on puisse dire de la France qu’elle est particulièrement touchée par ce phénomène. La hausse des taux de cancers concernant les générations entre 20 et 35 ans qui y est constatée est assez comparable à ce que l’on observe dans les autres pays occidentaux.

Du reste, on observe différents types de cancers chez ces populations. C’est souvent le cas du cancer côlon-rectum, mais aussi beaucoup de cancer du sein chez la femme jeune ou des cancers de la tyroïde. Il existe évidemment d’autres cancers : les hommes jeunes peuvent aussi souffrir de cancers des testicules qui, s’ils restent rares de façon globale, demeurent plus courants chez l’homme jeune que chez l’homme âgé. Certains cancers sont dépendants des hormones et il faut donc envisager une approche multifactorielle, une fois encore.

Cela veut dire, dans un cas comme dans l’autre, qu’il faudra arrêter de fumer, faire du sport… afficher une meilleure hygiène de vie, en somme.

Quelles réponses est-il possible d’apporter pour limiter, tant que faire se peut, la propagation d’un tel mal ? Outre le traitement des malades, est-il encore possible de revoir nos modes de vie ?

Rappelons, pour commencer, que les pays d’Afrique qui se rapprochent le plus de nos standards en matière de modes de vie (c’est-à-dire qui se sédentarisent, tendent à manger comme nous le faisons, à faire moins de sport ou en tout cas à moins bouger qu’auparavant) rejoignent aussi des profils de cancers comparables aux nôtres. La question de l’hygiène de vie est donc importante pour prévenir la propagation des cancers.

Pour limiter le mal, il va falloir développer nos méthodes d’éducation et de prévention : apprendre à faire davantage de sport à l’école, enseigner les rudiments du bien manger, par exemple. Tout cela est important.

Si l’on dit que 40% des cancers sont évitables, il faut aussi rappeler que 80% des maladies cardio-vasculaires le sont aussi. Moins de 3% de nos budgets sont alloués à la prévention… Le plaidoyer évident, c’est donc d’investir dans la recherche, dans la prévention dans l’éducation. C’est aussi une question de politique, faire preuve de proactivité.

Les réflexions, pour l’heure, vont bon cours. La prise de conscience est bonne.

Le docteur Alain Toledano est président et co-fondateur de l'Institut Raphaël.

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