Pénurie en vue : par quoi peut-on remplacer le sable ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le sable est une ressource qui met des centaines de milliers d’années à se renouveler.
Le sable est une ressource qui met des centaines de milliers d’années à se renouveler.
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Chateaux de sable

Disparition de plages ou salification des nappes phréatiques… L’extraction massive de sable n’est pas sans conséquences écologiques. Mais la production du verre, de puces électroniques et surtout de béton armé dépendent du matériau granulaire. Quelle(s) alternative(s) possible(s) ?

Denis  Delestrac et Alain Bidal

Denis Delestrac et Alain Bidal

Denis Delestrac est réalisateur et scénariste. Il est notamment auteur du film documentaire Le sable: enquête sur une disparition

Il a également réalisé le long métrage documentaire Pax Americana.

 

Alain Bidal est le président du collectif  "Le peuple des dunes en Trégor", qui milite pour la révision d'un projet d'extraction de sables en baie de Lannion

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Atlantico : Certains d’entre nous se rappellent avec nostalgie ces moments d’enfance à mouler des pâtés assis sur le sable. Pourtant, il semblerait que les générations futures ne connaissent plus ce plaisir infantile. Quels sont les vrais dangers à venir d’une extraction massive de sable ? Sommes-nous vraiment à l’aube d’une catastrophe écologique en France et dans le monde ?

Denis Delestrac : Sans trop être alarmiste, le sable est une ressource qui met des milliers et parfois des centaines de milliers d’années à se renouveler. C’est une ressource qui à l’échelle géologique est renouvelable – un peu comme le pétrole, mais à l’échelle humaine ne l’est pas car on la consomme dans des quantités très grandes et à un rythme soutenu.

Le sable est disponible à la fois dans les rivières, les carrières et en mer. Dans le monde, beaucoup de carrières sont déjà épuisées. Dans les rivières on s’est rendu compte que cela causait plus de crues, des affaissements de berges, des inondations.

On se tourne vers la mer donc, bien que les quantités de sable au fond des mers ne soient pas illimitées : le fond des mers est recouvert d’une très mince couche de sable. Quand on prend du sable au fond des mers, par l’action des courants, des marées, le sable se retire des plages pour aller combler le trou fait en mer. On observe aujourd’hui des plages en voie de disparition, c’est-à-dire des plages qui reculent et qui ne réavancent plus. Entre 75 et 90% des plages dans le monde reculent. Evidemment si l’on continue à utiliser le sable comme on le fait aujourd’hui, les plages d’ici 2100 selon certains éminents géologues seront de l’histoire ancienne.

Alain Bidal : En ce qui nous concerne ici en baie de Lannion, la Compagnie armoricaine de navigation a pour projet d’extraire du sable d’une "dune hydraulique", à savoir une dune constituée par les courants marins. Cette dune a mis environ 10 000 ans à se constituer, c’est donc une ressource non renouvelable à l’échelle humaine.

Par effet de compensation, le vide laissé par l’extraction sera comblé par le sable des plages proches qui pourrait être attiré. Ces plages viendraient à se "dégraisser", à savoir perdre de leur sable. L’extraction quotidienne de sables marins par des bateaux entraine également le rejet de tonnes de poussières fines, un panache qui se répand comme de la cendre et vient étouffer toute la faune et la flore laissant un fond lunaire.

Par ces nombreuses conséquences écologiques, l’écosystème tout entier est menacé, détruisant le potentiel touristique et les emplois liés à la pêche.

On parle beaucoup de la construction, mais dans quels autres secteurs l’utilisation du sable est-t-elle massive ?

Denis Delestrac : Le sable se retrouve dans bon nombre d’objets du quotidien. Le seul fait que nous nous parlions par téléphone lors de cet interview est permis par des puces microscopiques réalisées à partir de sable. Tout ce qui est en verre provient du sable. Quand on se brosse les dents, le dentifrice est fait de composants siliceux à base de sable. Il y en a dans le vin, les aliments déshydratés… Évidemment cela est une goutte d’eau dans l’océan de consommation de sable. Le gros secteur, c’est la construction, le béton, les routes, les immeubles, les aéroports, les ponts. Il faut en effet par exemple 200 tonnes de sable pour construire une maison de taille moyenne, ou 30 000 tonnes par kilomètre d’autoroute. C’est aussi le remblai pour gagner du terrain sur la mer comme on le fait notamment en Asie.

Quelle(s) alternative(s) au sable existent, notamment dans le domaine de la construction ? Ne pourrait-on pas rendre utilisable le sable du désert (celui-ci, trop fin et trop rond, ne s’agrège pas) ?

Denis Delestrac : Sur la question du sable des déserts, beaucoup de scientifiques se sont penchés sur le sujet, mais cela reste encore très utopique car les grains trop fins ne peuvent s’agréger. Si on le faisait, cela couterait donc trop cher. D’autres alternatives moins onéreuses existent aujourd’hui. Le verre broyé a la même densité et les mêmes propriétés que le sable naturel. On peut broyer les gravas ou le béton récupéré des destructions d’immeubles.

Il y a plus généralement énormément de matériaux susceptibles d’être utilisés, mais il y a des lobbys industriels et des habitudes de construction qui pour l’heure s’imposent, ce qui explique que l’on poursuive dans cette fuite en avant.

Alain Bidal : Il existe également plusieurs alternatives locales pour varier les matières utilisées. Nous avons par exemple la crépidule, coquillage invasif qui se trouve en baie de Saint-Brieuc se multipliant à une vitesse extraordinaire et détruisant les coquilles Saint-Jacques. Il y aussi la tangue du Mont Saint-Michel, une espèce de vase surabondante autour du monument. Des milliers de tonnes de sable pourraient être générées par chacune de ces alternatives.

Une autre solution peut également prêter à sourire : la collecte organisée des coquillages consommés par les consommateurs, qui une fois broyés peuvent fournir des milliers de tonnes de sable. Dans tous les cas, il s’agit d’exploiter les gisements de sable avec raison et en cherchant les sites d’extraction qui limitent au plus l’impact environnemental.

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