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Pénurie de respirateurs, de masques et de tests : suite
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Economie de guerre

Après un premier article publié ce jeudi, l’industriel Loïk Le Floch Prigent a poursuivi ses investigations.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

Voir la bio »

A (re)lire aussi, la partie 1 de l'enquête : Pénurie de respirateurs et de masques : est-il vraiment si difficile de mettre en œuvre une politique industrielle en soutien de notre santé ?

Lorsque j’ai entendu les plus hautes autorités de l’Etat nous dire qu’il fallait continuer à travailler je n’en ai pas cru mes oreilles : depuis une semaine la consigne est de rester chez soi. Mais quand j’ai été destinataire de la circulaire me disant que, bien sûr, ceux qui peuvent bénéficier du chômage partiel doivent appartenir à des entreprises sans contact avec la population mes yeux se sont embués ! Je ne vois pas, alors, pourquoi on a accepté que l’industrie automobile s’arrête. Tandis que des responsables continuent à célébrer le télétravail des bureaucrates, on parle de la nécessité de produire des emballages… Cela ne se fait pas par télétravail messieurs dames. Soyons sérieux.

En ce qui concerne les usines, après la communication effectuée, les salariés veulent être protégés et ils ont peut-être tort, mais pour eux il leur faut des masques, des solutions hydroalcooliques et des tests. Ce sont les salariés, en l’absence de matériel de protection, qui ont exigé les mesures de cessation d’activité. Le maintien de la communication gouvernementale sur l’inutilité des masques de protection ne sert à rien, les images de la Chine, de la Corée du Sud, de Singapour, du Japon, où le mal régresse les convainquent du contraire et il suffirait de quelques minutes sur le terrain pour faire comprendre la situation psychologique de la population. Il faut donc de manière urgente des masques, de l’ordre de 10 millions par jour alors que la fabrication française dopée ces derniers jours peut être portée à seulement 8 millions par semaine. Premier problème industriel à résoudre urgemment, il suffit d’un chef de projet, d’ateliers et d’argent immédiat : économie de guerre. Bien sûr la mise à disposition de gels hydroalcooliques, de savon, de gants… est impérative mais cela devrait encore être plus simple que les masques !

Le deuxième problème pour les salariés est de savoir si leurs collègues ne sont pas porteurs du virus, ils veulent donc des tests. Ces tests sont en plein développement, mais ceux de Bio-Mérieux sont encore en phase laboratoire, c’est-à-dire avec des résultats à travers des mesures strictes dans les six heures : difficile à mettre en œuvre en usine. La compagnie Roche semble être plus avancée pour un test plus rapide et sans doute plus efficace que celui qui a été utilisé en Corée du Sud. Pour reprendre une activité industrielle et obtenir l’aval des CSE, il est clair que les salariés demanderont à être rassurés par des tests, il y a quantité d’initiatives en France actuellement, pas à Paris, mais dans les régions, et il faut impérativement associer la reprise d’activités aux masques et aux tests. C’est possible mais il faut abandonner le déni de réalité, les travailleurs veulent être protégés, les mots ne suffisent pas.

Enfin on a bien compris que le faible pourcentage de ceux qui vont avoir une forme grave de la maladie vont avoir besoin de respirateurs artificiels et que la saturation arrive vite car ces appareils doivent servir en continu et au moins quinze jours par patient. Le fait qu’à Mulhouse l’hôpital ait été rapidement complet, qu’il a fallu envoyer des malades à Colmar et Strasbourg puis à Metz et Nancy, et enfin Marseille par avion des Armées montre bien les limites de notre approvisionnement. Immédiatement après mon intervention, le ministre a déclaré avoir commandé 1132 respirateurs à une « société française », un intermédiaire sans doute puisqu’il n’y a pas de fabrication française !

Néanmoins on a compris que l’hôpital de campagne des Armées d’Alsace allait « bénéficier «  de 30 respirateurs… On est loin du compte : ce sont des milliers de respirateurs dont il faut disposer ainsi que du personnel formé à son utilisation, c’est un défi industriel et médical, mais il est parfaitement possible.

Certes nos amis européens fabriquent des respirateurs, mais ils en gardent la grande majorité pour eux. Les Chinois ont des appareils disponibles, plusieurs milliers chez Aon Med avec un matériel utilisé en France, le Shangrila 510 et 4000 chez Resmed, il suffit de les commander et de les vouloir

Autre approche préconisée par des petites sociétés d’ingénierie « de province », l’utilisation de matériels susceptibles de fournir de l’oxygène avec des volumes et des pressions variables. L’imagination est là , la disponibilité aussi et, en l’occurrence, en Bretagne, ces ingénieurs se proposent de modifier « en économie de guerre » 3000 matériels pour en faire des respirateurs artificiels. En très peu de jours on peut mettre à disposition du matériel de qualité, mais il faut un pilote dans l’avion, des chefs de projet, des volontaires, et un peu de volonté quand même, quelque part…

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