Pénurie de bois : les arbres morts sont devenus l’une des matières premières les plus convoitées de la planète <!-- --> | Atlantico.fr
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Du bois du Gabon attend d'être utilisé sur le site de l'usine Plysorol à Lisieux le 26 mars 2010.
Du bois du Gabon attend d'être utilisé sur le site de l'usine Plysorol à Lisieux le 26 mars 2010.
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Forêts fragilisées

Le prix du bois connaît une importante hausse. La demande de bois est élevée en cette période malgré la pandémie de Covid-19, notamment aux Etats-Unis dans le cadre de la construction de logements et de maisons. Face à cette demande accrue et au regard de l'état des forêts, une pénurie de bois est-elle à redouter ?

Dominique Audrerie

Dominique Audrerie

Dominique Audrerie est un expert indépendant des questions environnementales.

Il est également docteur en droit de l'environnement et ancien directeur du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (en 1993).

Il est avocat à la Cour et maître de conférences.

Il est l'auteur de Petit vocabulaire du patrimoine culturel et naturel (Confluences, 2003).

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Atlantico : La demande de bois d'œuvre durant cette pandémie a explosé. Alors que certains expliquaient cette hausse de la demande - et donc du prix- du bois par la prolifération des méthodes DIY (do it yourself) durant la pandémie, et l’arrivée à la trentaine d’une génération Y -notamment aux Etats-Unis d'Amérique- qui avait déjà fait gonfler le loyer des appartements urbains dans les années 2010, et qui souhaite construire sa propre maison, quelles sont concrètement les plus grandes sources de demandes en bois à l’heure actuelle ? 

Dominique Audrerie : Aujourd’hui, les demandes viennent surtout du fait que l’on redécouvre les qualités du bois. Après avoir largement utilisé du ciment, des matériaux qui ne respirent pas, on revient vers un matériau, le bois, qui est plus souple, plus noble, plus traditionnel, et plus écologique. En effet, si les besoins ont augmenté, la mode du bois est également une donnée importante. Et si l’on s’inquiète de l’augmentation de la demande, il convient également de s’inquiéter de la ressource. Concernant la ressource, il y a une ambiguité importante : les surfaces boisées en France augmentent, mais elles sont souvent constituées de résineux, qui ne constituent pas le bois le plus utile pour des constructions, des œuvres de qualité. De plus, le résineux modifie les sols et les écosystèmes ; la qualité du boisement et des forêts n’est pas telle qu’elle pourrait l'être. Ceci étant, le bois en tant que ressource est une source d’énergie renouvelable importante et peut donc répondre à un certain nombre de besoins sans altérer définitivement l’environnement, à condition que lorsqu’on coupe, on reboise avec des essences de qualité, selon un respect des arbres qui n’est pas la norme actuellement. Dans nos pays occidentaux, la question est clairement posée mais en Amérique la déforestation devient une catastrophe, car on vend du bois pour des usages inappropriés sans forcément replanter ces arbres. A l’échelle planétaire, on coupe beaucoup plus d’arbres que l’on n’en replante.

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Au regard de cette augmentation des demandes, les forêts restent fragiles, que ce soit en Colombie britannique où les dendroctones sont présents depuis les années 1990 ou en France où les scolytes menacent les forêts et la qualité du bois : risque-t-on d’arriver à une pénurie de bois d'œuvre ? Comment y pallier ? 

Ce sont des risques très importants, car de leur fait certaines espèces d’arbres ont disparu. Ces maladies ont plusieurs origines, à savoir le réchauffement climatique ou la mal-exploitation de certaines espèces, la conséquence étant que ces arbres malades non seulement ne produisent plus de bois de qualité mais appauvrissent les forêts. La cause n’est pas la prolifération de virus ou de nuisibles, c’en est une cause, mais c’est le fait qu’au sein des exploitations agricoles ces dernières années on ait répandu des grandes quantités de produits chimiques qui ont entraîné une modification de la faune et la flore ; ainsi certains oiseaux ont-ils disparu, et, leur nourriture étant ces insectes qui attaquent les arbres, les espaces forestiers s’en sont vu considérablement affaiblis. Il faudra certainement du temps pour que de nouveaux équilibres se fassent. Pour ce faire, il faut qu’il y ait une culture raisonnée, un équilibre entre ce que l’on coupe, ce que l’on plante, et la qualité de ce que l’on plante. Ce qui vient compliquer cela, c’est qu’il va vraisemblablement falloir accompagner cette recherche d’équilibres de produits chimiques venant compenser l’absence de prédateurs naturels, et venir ainsi rétablir un équilibre naturel disparu au sein des écosystèmes : il faut des interventions humaines très importantes, car les déséquilibres sont là.

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Au regard de la qualité du bois, il faut impérativement modifier ce que l’on plante. Si la rotation de production/plantation des résineux est beaucoup plus rapide, ils acidifient les sols et le bois qu’ils produisent n’est pas un bois noble, dont on peut faire des œuvres de grande qualité, et qui tiennent dans le temps.  

Comment envisager l’évolution des demandes et production de bois dans les années à venir ?

Au regard de l’évolution des demandes, le bois est envisagé comme une énergie renouvelable pour remplacer le pétrole, le nucléaire, et la demande en bois risque d’augmenter très rapidement. C’est également le cas concernant les constructions, mais également pour se réchauffer. Ici il va falloir également penser à une production raisonnée, car les ressources en bois ne sont clairement pas suffisantes si la demande augmente trop rapidement, ce qui est le cas dans certaines régions. Le bois est une matière première renouvelable, il faut néanmoins que sa production soit faite de manière raisonnée en fonction des sols, des besoins, mais la ressource ne sera pas suffisante si la demande ne cesse d’augmenter de manière irraisonnée, dans le cas du chauffage par exemple, ou de l’isolation, et que comme dans certaines régions du monde actuellement, on coupe sans replanter.

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