Pendant qu'on se demande si la politique est encore de gauche ou déjà à droite, les marchés et les agences de notation nous dégradent …<!-- --> | Atlantico.fr
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Fitch a baissé la note de la France
Fitch a baissé la note de la France
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Dérives du débat

Alors que la presse, la classe politique ou encore les intellectuels se demandent de quel bord est la politique gouvernementale actuelle, les agences de notation elles, ne perdent pas de vue le principe de réalité économique de notre pays... Triple A+ il y a encore 5 ans, elle est aujourd'hui tombée au double A par Fitch. Un indicateur qui espérons-le, ramènera à la réalité des débats aujourd'hui hors-sols.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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La classe politique française, les medias et la presse européenne qui nous regardent se sont plongés depuis deux semaines dans un débat pour savoir si le gouvernement français prenait des mesures de droite ou des mesures de gauche. Surréaliste, ridicule, bête et completement inutile. Personne ne se demande si les mesures peuvent être efficace ou pas. Le monde entier rigole et les agences de notation continuent de nous dégrader comme Fitch aujourd'hui qui a fait tomber la note de la France a AA contre AA+. Il y a 5 ans, la France était encore au niveau nec plus ultra avec son triple A+

La présentation de la loi Macron a déclenché un peu partout en France, dans les partis, les syndicats, les municipalités, les universités, les entreprises, un débat d’une violence inouïe pour savoir si la France faisait une politique de droite ou une politique de gauche. Est-ce que le couple Valls- Macron était socialiste ou libéral.

Et ce débat est tellement violent qu’il a obligé les membres du gouvernement à faire le grand écart... A Bruxelles, Emanuel Macron a beaucoup expliqué que les mesures de libération de l’économie, sa loi sur la croissance étaient libérales mais à Paris devant le groupe socialiste, il a confirmé que ces mesures dont l’objectif est de renforcer le potentiel industriel était bien des mesures de gauche. Ce n’est pas la première fois qu’un membre du gouvernement se déclare favorable à l’entreprise quand il est à Berlin, qu’il plaide pour l’investissement quand il est à Londres et défend le pouvoir d’achat dès qu'il rentre à paris. Alors quand cela reste au niveau du discours ça passe encore, mais dès que ça impacte les faits et les décisions ça coince. Mais combien de députés tiennent un discours responsable à Paris et un autre beaucoup moins quand ils sont en Province. Banal. Classique. Le système et la lâcheté des hommes le veulent ainsi.

François Hollande est completement coincé entre l’offre politique qu’il a présenté au moment des présidentielles et qui comportait essentiellement des promesses marquées à gauche et la réalité des marchés financiers et des entreprises qui réclament des mesures capables de générer des marges.

Les agences de notation savent bien que la France est coincée et ne s’en sort pas. Entre les promesses politiques et les contraintes économiques, la France fait le grand écart. Et si toutes les agences de notation nous ont dégradé comme un pays en voie de développement, Fitch la denier vient de suivre Moody’s et Standard and poors, c’est qu'elles considèrent que nous ne sommes pas sérieux.

La France bénéficie de financements très avantageux (1% maxi) mais ce n’est pas grâce a ses performances ou à ses garanties c est grâce a la solidarité européenne. L’Allemagne nous apporte la garantie de son triple A que nous n'avons plus depuis 5 ans. D’où la nécessité d’accepter les conditions que nous impose la commission de Bruxelles. La France ne peut pas se dérober aux règles qu’elle a elle-même fixées. Et échapper aux demandes de ses banquiers.

Apres avoir payé son élection pendant la première année de son mandat,en augmentant les impôts, il doit maintenant sécuriser sa trésorerie en promettant des mesures qui pourraient générer des recettes, de l'activite et des emplois

La raison de toutes ces difficultés est élémentaire. Traditionnellement, la politique de gauche est dominée par une ingénierie de la redistribution. La redistribution ne fonctionne que s’il y a production. Or aujourd hui, il n y a plus rien à redistribuer puisqu’il n’y a pas de production. On peut toujours vouloir redistribuer du crédit, de la liquidité artificiellement créées par les banques centrales, ou par des hausses nominales de revenus très supérieures à la productivité, toutes ces techniques reviennent a imprimer de la monnaie de singe qui n’a pour effet direct que d’alimenter la spéculation sur le prix des actifs. Les financiers sont aux anges, les industries descendent en enfer et les salariés au chômage.

L’équipe Macron-Valls a obtenu du président la mission de gérer une politique de l’offre, c’est à dire une politique qui doit, par des réformes de structures importantes relancer l’activité industrielle et entrepreneuriale par une offre de produits et de services innovants qui vont créer leur marché et le solvabiliser. Si cette offre n’existe pas, la solvabilisation du marché ne sert qu’à gonfler les livrets d’épargne et à investir dans les obligations d’Etat. Si on autorisait la Banque centrale à racheter de la dette d’état on ne ferait qu’accélérer la circulation et gonfler la bulle obligataire qui finirait comme toutes les bulles par éclater.

La loi macron est un ensemble de mesures qui visent à libérer l’initiative entrepreneuriale. Ces mesures trainent dans les rapports depuis trente ans. La dernière initiative avait été éditée par Jacques Attali à la demande de Nicolas Sarkozy qui ne les avaient pas appliquées. Emmanuel Macron qui a travaillé à la commission Attali a remis le travail sur le métier pour démontrer les rentes de situations (notaires, avocat, huissiers …) ouvrir des secteurs à la concurrence et fluidifier le marché du travail. Faciliter le licenciement pour mieux faciliter les embauches.

Le résultat médiatique et les réactions politiques de la présentation de cette loi est hallucinant. En bref, la droite qui se dit libérale  considère que cette loi est vide, qu’elle ne touche pas à l’essentiel des structures, et que donc elle va la combattre. La gauche elle, estime qu’elle trahit les engagements de gauche, et donc veut l’abattre.

Le résultat est que si ce débat ne se calme pas, on ne fera rien, comme ces trente dernières années, on renoncera à moderniser, a rénover, on renoncera même à ouvrir le chantier.

Alors pourquoi ce blocage systématique ? Parce qu'on touche quand même à une caractéristique forte du système français. Deux raisons:

1e raison.  Derrière chaque reforme, il y a un lobby qui se considère comme perdant, donc il grogne et il mobilise. Parfois il y a une niche et dans la niche  il y a un chien et le chien mord. Derrière chaque reforme il y a des intérêts qui se déplacent et des clients politiques qui sont touchés. Les taxis, la Sncf, les petits commerçants, les grandes surface  etc. etc... Cette semaine tous les chiens sont sortis de leur niche.

2e raison, beaucoup de ces reformes touchent a des marqueurs de gauche qui sont ancestraux. Depuis 50 ans, la gauche protège un certain nombre d’acquis sociaux comme les reliques de la vraie croix alors que le monde a changé, que les technologies ont tout bouleversé et que les intérêts sont ailleurs.

Le débat sur l’ouverture des magasins le dimanche est grotesque. Il a une dimension quasi religieuse. Les arguments de Martine Aubry sont d’un archaïsme caricatural. Tous les commerçants, tous les clients et une grande majorité de salariés veulent la liberté de s’organiser. La liberté ne serait donc pas une valeur de gauche. L’expérimentation d’une mesure nouvelle pour l’appliquer et vérifier qu'elle corresponde à l’intérêt général ne serait pas une valeur de gauche. La meilleure preuve, l’ouverture des magasins, se fera dans les grandes villes parce que les commerçants demanderont le classement de leur ville comme centre international de tourisme. A Lille, Me Aubry cédera face à l’association des commerçants qui veulent recevoir les belges ou les hollandais. Parce que Lille est une belle ville. Lyon et Bordeaux ont déjà demandé cette liberté et c’est tant mieux.  

Ce type de débat n’a aucun sens. Plus grave, il fait le lit du populisme et de l’extrémisme, de la pauvreté. Il prépare l’immobilisme et l’asphyxie. Il fait le jeu de tous ceux qui travaillent à l’extinction du système d’économie de marché. Plus grave il n’est pas démocratique, au nom de quoi, de quelle valeur, un élu déciderait que ceux qui veulent travailler ne pourraient pas le faire. Au nom de quelle religion ?

Le débat n’est pas de savoir si une politique économique et financière est de droite ou de gauche. Le débat est de savoir si elle est efficace ou pas au regard des objectif que l’on se fixe. L’objectif d’une politique économique est de faciliter la production de richesse, donc la liberté d’entreprise, d’innovation, de création etc. etc. et par conséquent de multiplier les emplois.

Le rôle de l’état dans ce cas est de tout faire pour faciliter la croissance par la production, tout faire pour créer un écosystème porteur.

Mais le rôle de l’état est ailleurs, il est de modérer et de gérer le phénomène de redistribution des richesses créées. La production relève du producteur et de l’entrepreneur. La redistribution, la justice, la lutte contre les inégalités relèvent des fonctions régaliennes de l’Etat.

C’est ce débat-là qu'il faudrait défendre en France. Malheureusement la classe politique fonctionne comme un appareil commercial. Elle ne travaille pas à satisfaire l’intérêt général mais l’intérêt du segment de clientèle politique dont elle dépend.

La nouveauté de la loi Macron et la presse étrangère l’a bien repérée, ce sont qu'elle n’est ni de droite, ni de gauche.

Ce qui est frappant c'est que la presse internationale le qualifie d’objet politique nouveau pour la France. Ce qui est frappant c’est qu'en présentant sa loi, il met l’accent sur son impact et son impact est de créer des emplois et de la croissance. Or ni à gauche, ni à droite on peut être contre de tel objectifs.

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