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Des territoires palestiniens à la Syrie, la Ligue arabe en quête de légitimité
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En première ligne sur la recherche d'une solution au conflit syrien, la Ligue arabe est une instance régionale complexe. En proie à des intérêts parfois contradictoires, elle a souvent hésité à prendre position tant elle souhaitait préserver l'autorité de ses dirigeants. La Libye et la Syrie ont changé la donne.

Jean-Baptiste Beauchard

Jean-Baptiste Beauchard

Jean Baptiste Beauchard est rattaché à l'IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire), spécialisé dans le Liban et sa région. 

Auteur du blog Géopolitique du Proche-Orient, il est également membre du collectif de blogueurs Alliance géostratégique (AGS).

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Longtemps considérée comme une instance endormie, sans souffle et incapable de porter une action correspondant à une vision commune, la Ligue arabe sort lentement de sa torpeur.

Créée à Alexandrie le 22 mars 1945 pour faire face au projet achémite de construire  un État unifié du « croissant fertile », cette instance régionale  a connu trois phases politiques directement liées aux évolutions stratégiques régionales : un premier mouvement, avec l’affirmation du nationalisme arabe, a vu le jour jusqu’à la guerre de 1967 ; une seconde dynamique s’est polarisée autour de la question palestinienne et enfin, depuis le début des soulèvements révolutionnaires, la Ligue arabe apparaît comme un interlocuteur relativement décisif dans les orientations régionales liées au délitements de certains régimes.

La centralité de la question palestinienne

Dès sa naissance, la Ligue arabe a vu en son sein des rivalités se renforcer progressivement. Reflet des tensions régionales, elle n’a pu fédérer autour d’un projet commun des régimes aussi divers que concurrents. Des monarchies du Golfe empreinte de wahhabisme pour certaines, aux régimes autoritaro-laïcs liés à l’émergence du baathisme, la Ligue arabe n’a pas fait corps avec le nationalisme arabe. Le pan-arabisme porté par Nasser s’est d’ailleurs complètement éteint avec la guerre des 6 jours en 1967.

Dès lors, le seul sujet faisant consensus au sein de la Ligue arabe fut la question palestinienne. En partie instrumentalisée, la « cause palestinienne » a été à l’origine des seules décisions significatives de cette instance régionale, à l’instar de la création de l’OLP en 1964 puis de sa reconnaissance comme seul représentant du peuple palestinien. Jusqu’au plan de paix proposé à Beyrouth en mars 2002, la Ligue arabe a connu deux tournants : les accords de paix israélo-égyptien de 1979, écartant Le Caire de la Ligue pendant 10 ans, ainsi que la décision de la Syrie et de l’Égypte de participer à la coalition internationale contre l’Irak en août 1990. Largement divisée quant à cette intervention militaire contre un pays arabe, la Ligue va retrouver une certaine unité à Beyrouth en 2002. Pour la première fois elle s’investit véritablement dans le règlement du conflit israëlo-palestinien en proposant un plan de paix articulé autour de la reconnaissance de l’Etat d’Israël par tous ses membres en échange d’un État palestinien sur les frontières de 1967. Restée lettre mort, cette initiative fut la dernière mesure fédératrice de la Ligue arabe.

Jusqu’aux soulèvements révolutionnaires de 2011, la Ligue a délaissé la question palestinienne au profit d’une géopolitique régionale polarisée autour de deux axes : l’alliance verticale, nord-sud, entre les régimes arabes et sunnites et une alliance horizontale chiite, est-ouest, allant du Hezbollah libanais à Téhéran en passant par Bagdad, avec comme point d’orgue le nucléaire iranien.

Les soulèvements révolutionnaires de 2011 vont prolonger cette nouvelle configuration géopolitique.

La Ligue arabe et les soulèvements révolutionnaires, reflet d’une nouvelle configuration géopolitique

À deux reprises dans l’histoire de la Ligue, des troupes arabes sont intervenues sur le sol d’un État membre : ce fut au Liban en 1976 avec l’envoi de la force arabe et en 1990 en Irak. Hormis ces deux exceptions, la politique de la Ligue arabe fut toujours dictée par l’impérieux respect de la souveraineté de ses membres, s’opposant ainsi à toute ingérence dans les affaires intérieures et a fortiori à toute intervention militaire.

Le cas libyen marque donc un basculement de cette doctrine dans la mesure où la résolution 1973, autorisant le recours à la force armée en Libye, ne doit son adoption qu’au consentement préalable de la Ligue arabe. Le Qatar et les EAU ont eux participé à l’intervention militaire contre le régime de Tripoli, franchissant ainsi les précédentes limites. Si la Ligue arabe a autorisé une intervention en Libye, elle a tenté une médiation en Syrie.

Le dossier syrien renforce ce basculement de la Ligue arabe pour deux raison : d’une part, les violences commises par le régime syrien sont sans précédent dans les soulèvements régionaux et d’autre part, Damas est au cœur de cette nouvelle configuration géopolitique précédemment évoquée. Principal allié de l’Iran et passerelle vers le Hezbollah libanais, la déstabilisation du régime syrien est une aubaine pour les principaux membres de la Ligue arabe, notamment les monarchies du Golfe.

Ainsi, la Ligue arabe a durci le ton à l’égard de Damas depuis le mois d’août 2011. Durant le ramadan, le régime syrien a intensifié la répression, ce qui a fini d’agréger la Ligue arabe contre lui. Le Qatar, encore une fois, a même proposé l’envoi de troupes arabes sur le sol syrien. Dans ce contexte de durcissement de la situation syrienne, la Ligue a suspendu Damas et a adopté un plan de paix sans qu’aucune clause n’ait été respectée par les autorités syriennes. Cet échec de la médiation arabe a conduit à la suspension de sa mission en Syrie le 27 janvier 2012 et à l’internationalisation du dossier syrien que nous connaissons actuellement.

Les monarchies du Golfe, par le truchement de la Ligue arabe, cherchent à dessiner les contours d’une nouvelle configuration géopolitique. En ce sens, l’activisme des monarchies du Golfe et l’intervention militaire de certaines d’entre elles en Libye doivent s’interpréter comme la recherche d’un soutien réciproque avec les puissances occidentales, notamment en cas de montée des tensions avec l’Iran. De la même manière, la Ligue arabe cherche à isoler l’Iran de son plus important soutien arabe ; la Syrie. Si l’activisme de la Ligue arabe sert pour le moment les desseins géopolitiques d’une nouvelle configuration régionale, on peut néanmoins penser qu’elle connaîtra une nouvelle dynamique plus politique et directement liée à la nature des nouveaux régimes dans les années à venir.

Rappelons, qu’au-delà des ambitions géopolitiques liées à l’Iran, l’Égypte a sévèrement critiqué le régime syrien et jouera dans un futur proche à un rôle moteur au sein de la Ligue arabe. 

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