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Après les Abenomics japonaises, la banque Barclays vient de baptiser la nouvelle politique monétaire chinoise "Likenomics", du nom de son premier ministre chinois, Li Keqiang.
Après les Abenomics japonaises, la banque Barclays vient de baptiser la nouvelle politique monétaire chinoise "Likenomics", du nom de son premier ministre chinois, Li Keqiang.
©Reuters

Nouveauté

Les autorités chinoises veulent remettre une main ferme sur leur politique monétaire pour limiter l’inflation et les risques de bulles immobilières. Une reprise de contrôle aux effets qui dépasseront les frontières du pays.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico : Après les Abenomics japonaises, la banque Barclays vient de baptiser la nouvelle politique monétaire chinoise "Likenomics", du nom de son premier ministre chinois, Li Keqiang. En quoi consiste-t-elle ? 

Mathieu Mucherie : Il faut tout d'abord rester très modeste quant à l'affirmation d'un réel changement du cours de la politique monétaire de la Chine : la banque centrale chinoise est très opaque quant à son fonctionnement et ne communique que très peu sur ses intentions (on est loin de la "forward guidance" !). Communiste, la finance en Chine reste par conséquent très nationalisée, il n’y a pas encore eu de vrai "Big Bang". La banque centrale n'a pas à dialoguer avec un réel "marché", et les grandes banques sont dirigées par des copains du Parti. Quant aux investisseurs non résidents, ils s’en moquent (il suffit de regarder comment sont traités les investisseurs actions).

Si on comprend bien les mouvements récents, la Chine souhaite briser une partie du "shadow-banking" (les segments les moins contrôlés et les plus spéculatifs) et reprendre ainsi le plein contrôle sur sa politique monétaire en obligeant les acteurs du marché à repasser par ses financements à elle, et que ce soient les institutions classiques qui redistribuent le crédit. Il s'agit donc d'une reprise en main, d'une "renormalisation" qui a une visée éminemment politique, le contrôle sur les agrégats monétaires larges.

Quelle est la stratégie de la Chine avec une telle politique monétaire ? Quels sont les effets escomptés ? 

Les dirigeants veulent limiter les bulles immobilières apparues dans certaines villes et plus largement contenir l'inflation, pour des raisons de paix sociale et donc au fond de stabilité politique. Toutes les banques centrales de la planète ont prétendu ouvrir en grand les vannes de l'impression monétaire, mais en réalité seule la Chine l'a vraiment fait à l’hiver 2008-2009, avec une détente massive et un multiplicateur monétaire qui était fort. Mais elle l'a justement tellement fait qu'elle essaye depuis quatre ans de rétropédaler : en laissant sa monnaie s'apprécier à nouveau, en contrôlant les banques et en s'attaquant maintenant au "shadow-banking". Le pays espère ainsi une inflation autour de 2 à 3% comme aujourd’hui, mais en aucun cas retrouver les 5% d'il y a deux ans.

Quels effets pervers peuvent-être issus des Likenomics ? Que risque la Chine, si les Likenomics devaient tourner court ?

Le problème tactique est que la Chine a choisi un moment sensible et peut-être inadéquat pour effectuer ce freinage "contrôlé" : le pays est en plein ralentissement, tout comme le reste du monde. Concernant le front domestique, le risque majeur pour la Chine est de passer sous les 7% de croissance : est-ce que le pacte social chinois résistera à un ralentissement trop net ? Après une croissance autour de 11% par an en moyenne depuis la grande dévaluation de 1994, il parait difficilement concevable que la société chinoise supporte sans broncher une baisse beaucoup plus marquée.

Le problème selon moi est l’interaction avec le reste de l'économie mondiale : si on excepte le Japon (qui tente en solitaire une détente après avoir été un kamikaze monétaire durant deux décennies), nous nous trouvons dans une phase où toutes les banques centrales opèrent un resserrement monétaire plus ou moins revendiqué (la FED qui prépare les esprits à une sortie du QE3, la BCE qui laisse faire une contraction de 450 milliards d’euros de sa base monétaire depuis septembre 2012) sans trop s'occuper de l'effet d'agrégation, des risques.

Quels sont les risques que les Likenomics font-ils courir sur l'ensemble de l'économie mondiale ? 

Actuellement, la croissance mondiale est à son plus bas niveau depuis la reprise post-Lehman Brothers. On est à peine à 3% de croissance globale. C'est un réel refroidissement, la zone euro est contagieuse. La reprise est bien là aux USA, mais elle reste très domestique (rien de plus local que l’immobilier résidentiel), avec un effet d’entrainement limité. La BCE hésite toujours entre l’inaction résolue et la procrastination décidée. Même les Japonais ne semblent pas comprendre que leur détente monétaire est appréciable mais à ce stade très insuffisante pour atteindre l’objectif de 2% d’inflation par an. Avec un resserrement chinois par-dessus le marché, il ne faut pas s'étonner que 2014 ne soit pas une meilleure année de croissance que 2013... Or, il y a des acteurs qui ont impérativement besoin de croissance en raison de leurs dettes écrasantes. Ce resserrement chinois est donc une nouvelle pierre dans le jardin de la zone euro. 

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