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Ismaïl Haniyeh (tout à gauche) à Gaza, le 27 mars 2017, est assis au côté de Yahya Sinouar, qui tient sur ses genoux l'enfant d'un combattant du Hamas tué
Ismaïl Haniyeh (tout à gauche) à Gaza, le 27 mars 2017, est assis au côté de Yahya Sinouar, qui tient sur ses genoux l'enfant d'un combattant du Hamas tué
©MAHMUD HAMS / AFP

Mouvement islamiste

Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas, s’est rendu au Caire, où sont pourtant interdits les Frères musulmans. Officiellement pour négocier un cessez-le-feu. S’agit-il de plus voire d’un lâchage du Hamas de Gaza par le Hamas de Doha ?

David Khalfa

David Khalfa

David Khalfa est co-directeur de l'Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient et consultant, spécialiste du Proche-Orient. David Khalfa est en charge des "Rencontres géopolitiques" de la Fondation Jean-Jaurès.

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Quelles sont les discussions qui vont être menées entre l’Egypte et Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas installée à Doha au Qatar ? Une simple trêve ou beaucoup plus ?

David Khalfa : Cette visite au Caire s'inscrit dans un cadre plus large. Elle démontre qu'il y a des dissensions entre la branche du Hamas à Gaza et celle du Hamas au Qatar. Historiquement, c’est la branche du Hamas au Qatar qui incarne la stratégie en matière de conception des alliances sur le plan régional. Cependant, il y a eu comme un renversement de ce rapport de force au profit du Hamas à Gaza qui est la branche la plus dure. C’est elle qui a joué un rôle fondateur dans la création de la branche armée. 

Ce que l'on peut dire, c'est qu'il y a de la friture entre dans la communication entre Ismaël Aniyeh et Yahwa Sinwar, le chef du Hamas à Gaza. Il y a des divisions internes sur les discussions en cours en Egypte entre la branche politique du Hamas et le Fatah. Ces discussions portent sur l’après-guerre. Le bureau politique du Hamas à Doha anticipe l'après-guerre, un effondrement potentiel et notamment l’incapacité du Hamas, à l'avenir, à diriger seul la bande de Gaza. D’où ces négociations pour que le Hamas rejoigne l’OLP. Cela permettrait aussi de concrétiser les promesses de réconciliation inter palestinienne qui sont anciennes. 

Le Hamas de Gaza est-il sur une ligne plus dure? 

Il y a clairement deux stratégies, deux visions du mouvement qui s'affrontent. 

Yahwa Sinwar est dans une posture jusqu'au boutiste. Il considère que la guerre n'est pas terminée et qu’elle n'est pas perdue tant que le Hamas ne rend pas les armes et que le mouvement ne se disloque pas totalement. Tant qu'il est encore en mesure de rendre des coups à Israël et de tendre des embuscades aux forces israéliennes, alors la guerre n'est pas terminée. Il considère également que les otages dont il dispose sont des atouts stratégiques et que leur libération est une carte qu’il abattra à la fin du conflit lorsqu'il aura obtenu un cessez-le-feu permanent et non pas simplement une trêve temporaire. 

Ismaël Aniyeh considère que c'est la survie du Hamas qui est en jeu comme force politico-militaire et que le Hamas doit accepter les compromis pour réintégrer le jeu politique palestinien. Il veut enclencher un processus de réconciliation car il a compris que le Hamas ne pourrait plus gouverner seul la bande de Gaza après les massacres du 7 octobre.  Pour lui, le Hamas ne peut jouer un rôle que dans le cadre d'un processus de réconciliation inter palestinienne d'où ces négociations en Egypte qui anticipent l'après-guerre. 

Il y a comme une méfiance voire une détestation mutuelle entre Aniyeh et Sinwar. Yahwa Sinwar considère que le Hamas de Doha s’est embourgeoisé. C’est un Hamas qui fréquente les grands palaces qui se compromet dans le luxe, dans une espèce de confort matériel incompatible avec la vision extrêmement puritaine et austère qu'il a du mouvement islamiste. Par ailleurs, il considère aussi que les dirigeants du Hamas qui résident à Doha sont éloignés des réalités du terrain et ne devraient pas avoir une influence supérieure à la branche politico-militaire de Gaza puisque c’est elle qui est en prise avec l'ennemi sioniste. Il y a une rivalité évidente entre les deux hommes qui débouche aussi sur un choc des intérêts et des visions. Au fond, Yahwa Sinwar est persuadé que la raison d'être du Hamas est la lutte armée contre Israël. Il pense qu'une guerre totale, même dans la longue durée, viendra à bout de l'Etat d'Israël, cassera la résilience de sa société et provoquera l'effondrement de son Etat. Il est prêt à sacrifier jusqu'au dernier Gazaoui pour parvenir à son objectif. 

S’il n’est pas question pour le Hamas de Doha de reconnaître Israël, il y a des dissensions avec le Hamas de Gaza sur la stratégie pour atteindre les objectifs et sur le mode de gouvernance que doit exercer le Hamas. Les dirigeants du Hamas à Doha ont fait le constat de l’échec de la gouvernance du Hamas à Gaza sur le plan social et économique. Pour le Hamas à Doha, le rapport de force militaire entre Tsahal et le Hamas à Gaza démontre l'inanité de la stratégie jusqu'au boutiste de Sinwar. 

Où va le Hamas ?

C'est très difficile à dire parce que ça dépendra assez largement de la confrontation entre le Hamas à Gaza et les forces armées israéliennes. Ce qui est certain, au-delà des redondances de Netanyahou et de sa coalition, c’est que l'armée n'a jamais parlé d'élimination du Hamas mais de démantèlement de son infrastructure politico-militaire.  Voilà ce que les stratèges israéliens veulent obtenir comme résultat et cela va prendre du temps. Ils le savent. 

D'ici un mois au plus tard, les Israéliens vont rentrer dans une nouvelle phase, la troisième de ce conflit, qui sera de moindre intensité et qui fera appel davantage à des forces spéciales pour éliminer les leaders politico-militaires comme Yahwa Sinwar. Le Hamas est en mode survie. Il n'est plus vraiment capable de mener des opérations car ses brigades sont largement diminuées et affaiblies. Il résiste en tendant des embuscades et en optant pour des stratégies tacites de guérilla face à l'armée israélienne.

Ce qui est très clair c'est que, dans les prochains mois, le Hamas ne sera plus en mesure de gouverner la bande de Gaza. C'est déjà le cas dans le nord de la bande de Gaza parce qu'il y a un effondrement de son infrastructure politique même s'il y a des poches de résistance. Dans le sud, ce sera probablement le cas d'ici quelques semaines, un mois peut-être. C'est la nature même du mouvement, sa capacité à exercer le pouvoir dans la bande de Gaza qui sera très largement diminuée, voire anéantie, au terme de cette phase intensive de combats. C’est pour ça qu'il y a ces discussions actuellement. 

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