Où étiez-vous quand… ? L'Histoire des 50 dernières années par ses moments chocs : les années 1970 ou la renonciation de la droite à la bataille idéologique<!-- --> | Atlantico.fr
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L'élection de Valéry Giscard d'Estaing marque la fin de la tradition gaullienne.
L'élection de Valéry Giscard d'Estaing marque la fin de la tradition gaullienne.
©Flickr

1963-2013

La France a connu des bouleversements majeurs dans les années 1970, notamment sur le plan politique. Deuxième épisode de notre série "Les moments chocs de l'histoire".

Philippe Moreau Defarges, ancien diplomate et chercheur à l'Institut Français des Relations Internationales a choisi cinq dates de la décennie 1970 qui selon lui ont marqué une vraie rupture dans l'Histoire de France, commenté par Jean Garrigues. Une décennie qui marque notamment la fin de certaines batailles idéologiques de la droite et de ses valeurs d'alors.

1973 : le premier choc pétrolier

Philippe Moreau Defarges : C’est un choc pour toutes les économies occidentales, donc, bien entendu, pour la France. Notre pays prendra d’ailleurs des positions très différentes des autres États pour faire face à cet événement, car elle refusera notamment de faire partie de la création de l’Agence internationale de l’énergie pour ne pas « s’inféoder » à un mécanisme inspiré par les Américains.

Jean Garrigues : C'est une rupture fondamentale car c'est véritablement la fin des 30 glorieuses de l'économie. Le choc pétrolier entraine une crise durable qui va se traduire par l'inflation et par début du chômage de masse qui va devenir le paramètre essentiel de la politique française. Cela va également conduire à un tournant en matière d'immigration avec "l'incitation au retour" sous Raymond Barre en 1976. C'est la prise de conscience que la croissance n'est pas inéluctable et la naissance du fait migratoire comme une donnée importante du débat français.

1er janvier 1973 : le Royaume-Uni rentre dans l’Europe

Philippe Moreau Defarges : En acceptant l’adhésion du Royaume-Uni (en même temps que l’Irlande et le Danemark), la France renonce à une Europe que j’appellerai « carolingienne » avec uniquement l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas… et donc à une Europe strictement continentale. La France se résigne surtout à l’arrivée d’un pays clairement atlantiste et libre-échangiste, et qui a une vision de l’Europe radicalement opposée à la vision française. 

Jean Garrigues : C'est une rupture dans l'Histoire de la droite française car le Général de Gaulle s' y était toujours opposé. Il voyait la Grande-Bretagne comme un cheval de Troyes des Etats-Unis tandis que son successeur Georges Pompidou au nom d'une conception plus ouverte de la construction européenne a imposé ce choix au barons du gaullisme marquant la fin de siècles de rivalité entre la France et l'Angleterre. Enfin, c'est une étape dans l'appropriation de l'idée européenne par les Français.

2 avril 1974 : mort de Georges Pompidou

Philippe Moreau Defarges : Son décès marque la fin d’un projet colbertiste et industrialiste pour la France. C’est aussi la fin d’un certain souverainisme avec Pierre Messmer comme Premier ministre et Michel Jobert aux Affaires étrangères.

Jean Garrigues : Le jeune garçon que j'étais, comme beaucoup de Français, a été très touché ou ému par cet évènement. L'annonce est passée en direct sur la télévision française. Les programmes ont été brutalement interrompus. Le choc a été violent car la gravité de sa maladie avait été cachée aux Français. Pour beaucoup de Français, cette disparition a été une surprise et un évènement dramatique. Elle a posé pour la première fois la question de la capacité physique, médicale des présidents de la République. C'est aussi la fin de la tradition gaullienne avec l'élection de Valéry Giscard d'Estaing quelques mois plus tard.

17 janvier 1975 : loi Veil sur l’avortement

Philippe Moreau Defarges : C’est une date majeure pour l’évolution des mœurs et le droit des femmes. Pour la première fois, la loi française reconnaît que la liberté des femmes vient au-dessus de l’intérêt démographique. Je vous rappelle que l’avortement était puni très sévèrement, et que la dernière femme exécutée en France – pendant la guerre – l’a été parce qu’elle était une avorteuse. C’est donc vraiment en France un changement majeur dans la décennie.

Jean Garrigues : Date majeure dans l'histoire de l'émancipation des femmes, mais aussi indissociable des choix faits par Valéry Giscard d'Estaing notamment nommer pour la première fois une femme, Simone Veil, à un grand ministère (le ministère de la Santé). Il s'agissait de tenir compte de la naissance du mouvement de libération des femmes au tournant des années 1970. La droite française s'est beaucoup divisée sur cette loi et les principaux opposants à celle-ci étaient dans le camp politique de Valéry Giscard d'Estaing. Si les socialistes n'avaient pas voté cette loi, elle ne serait pas passée. Du coup, la loi Veil, voulue par Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac est paradoxalement restée comme une victoire de la gauche. C'est exemplaire de ce que peut faire une grande loi pour l'unité nationale.

1976 : le million de chômeurs est atteint en France

Philippe Moreau Defarges :Pour la rhétorique de l’époque, une société qui aurait un million de chômeurs serait forcément vouée à l’explosion révolutionnaire. La France était alors un pays qui était habitué au plein emploi, où cette notion même allait de soi. Le seuil atteint cette année-là était donc considéré comme un saut dans l’inconnu qui devait forcément entraîner des troubles graves. 

Jean Garrigues : Il s'agit d'un cap symbolique qui fait entrer la France dans l'ère du chômage de masse qu'on n'avait jamais connu dans toute l'Histoire française. C'est quelque chose qui par la suite va dominer toute la vie sociale et politique et au fond, on n'est jamais sorti de cette période-là. Cette entrée dans le chômage de masse entraîne une remise en cause fondamentale des vertus et des capacités de l'Etat.

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