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Nous ne serons plus jamais vieux comme avant : voilà ce que la technologie va changer à nos vieux jours
©AlloCiné / Warner Bros. France

Exosquelette

Voiture autonome, exosquelette, verre d’eau connecté… De nombreuses opportunités en termes d'assistance pour les personnes âgées ou à mobilité réduite voient le jour aujourd'hui. Il y a cependant de nombreux éléments, notamment structurels, à imaginer et à développer pour permettre à ces grandes technologies d'assistances de fonctionner correctement.

Alain Goudey

Alain Goudey

Alain Goudey est conférencier, chercheur et professeur en marketing sensoriel, digital et technologies disruptives. Il a beaucoup travaillé sur la question robotique.

Son site : http://alain.goudey.eu/

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Philippe  Metzenthin

Philippe Metzenthin

Philippe Metzenthin est président du groupe MEDeTIC et administrateur de la FFD en charge du développement de la filière Silver Economie.

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Jean-Louis Constanza

Jean-Louis Constanza

Jean-Louis Constanza est directeur développement chez Wandercraft, société innovant dans des technologies d'exosquelettes pour personnes handicapées.

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Atlantico : La voiture intelligente capable de conduire toute seule, la Google Car, est sur le point d'être lancée, et avec elle s'ouvrent de nombreuses opportunités en termes d'assistance pour les personnes âgées en particulier. Quelles opportunités cette Google Car ouvre-t-elle concernant la technologie d'assistance pour les personnes âgées ou handicapés ?

Alain Goudey : Elle va résoudre une question fonctionnelle importante pour les personnes âgées en permettant de rompre l’isolement et le cloisonnement. Très souvent, quand Monsieur ne peut plus conduire, Madame se retrouve en difficulté lorsqu’elle souhaite faire des trajets de longue distance. La Google-Car va permettre de redonner du rayon d’action à ces personnes qui physiquement ne sont plus en mesure de conduire mais qui gardent néanmoins une soif importante de découverte, d'interaction et d’exploration. Il y a cependant deux obstacles. Le premier, c’est de s’habituer à l’autonomie du véhicule, notamment en termes de confiance car on met sa vie entre les mains de l’ordinateur de la voiture autonome capable d'interagir avec son environnement (lecture des panneaux et repérage des obstacles par exemple) et d’aller à plus de 130/h sur l’autoroute. Cela crée un effet étonnant car on a plus besoin d'interagir avec cette voiture.

Le deuxième frein : adopter ou acheter ce genre de technologie peut renvoyer à une manifestation claire et nette de la dépendance. De nombreux témoignages d’utilisateurs mettent en avant le fait que posséder un produit de ce type-là va créer une relation de dépendance à la machine et de nombreuses personnes feraient le choix de ne pas en avoir chez elles. Pour les seniors, la question de ces objets intelligents est plutôt tournée vers l’anticipation de ce phénomène pour éviter toute dépendance. Il existe plusieurs types de voitures autonomes et différents niveaux. Par exemple, au niveau 3 la voiture se gare toute seule. Au niveau 5 : la voiture est totalement autonome, ce qui crée de nombreux soucis concernant la réglementation car une voiture est tenue d’être équipée d’un volant et la responsabilité en cas d’accident incombe à la personne qui se situe derrière le volant.

Phillipe Metzenthin : Le développement d'une voiture autonome est un axe de progrès évident pour des personnes dépendantes. En revanche, avant de développer un objet autonome, il faut prendre en compte l’aménagement de ce type d’objet. Si on ne travaille pas l’équipement, l’environnement et l’enveloppe du produit, aussi intelligent soit-il, on ne peut pas aboutir à l’objectif qu’on s’est fixé et les personnes ne pourront pas s’en servir. Si on regarde comment les automobiles sont conçues aujourd’hui, on s’aperçoit que de nombreuses personnes avec des capacités physiques qui vont en s'amenuisant, ne peuvent pas s’en équiper. La Twingo a par exemple connu un grand succès car elle était pratique à utiliser, aussi bien dans sa conception (grandes portes, sièges assez haut) que dans son interface. D’ailleurs, si on met une technologie d’assistance dans une enveloppe pas adaptée à la catégorie d’individus que l’on cible, l’électronique ne servira à rien.

Quelles sont les autres innovations majeures mises au point, ou sur le point d'être lancées dans un futur proche, capables d'améliorer et de faciliter la vie de personnes âgées ou à mobilité réduite ?

Alain Goudey : De nombreuses innovations technologiques sont mises au point tous les jours. Une des technologies sur laquelle on s’attarde à l’Institut Smart Products & Consumption (SPoC) de NEOMA Business School est la robotique, notamment domestique, avec les robots compagnons, aspirateurs etc… Ce sont des technologies qui, selon les industriels, permettent facilement d'améliorer le bien vieillir et le maintien à domicile. Pas tant au niveau d’un robot capable de réaliser des tâches ménagères mais plutôt compagnon robotique capable d’interactions sociales, comme de jouer, d'interagir ou d’apprendre des choses.

C’est un pan de technologie à surveiller car on n’y est pas encore (nombreuses difficultés techniques persistantes), mais cela progresse extrêmement rapidement. D’autres versions plus simples existent, comme les robots aspirateurs, qui apportent une aide non négligeable au ménage et qui fonctionnent quant à eux parfaitement. Un autre pan existe, découlant de tout ce qui se fait en robotique et qui correspond à ce qu’on appelle les exosquelettes. Ce sont des combinaisons à enfiler avec des bras articulés et des moteurs électroniques qui permettront de marcher, de porter des charges plus lourdes ou de se déplacer plus facilement.

On peut aussi envisager de connecter des verres de lunettes, comme l’a fait Google avec ses Google Glass, qui permettront à la personne de recevoir des informations, de décrire des scènes pour les personnes avec des déficiences visuelles, d’apporter de l’information supplémentaire ou complémentaire à ce que la personne perçoit visuellement. Des verres d’eau connectés aussi peuvent aider la personne à surveiller sa consommation d’eau et à s’assurer qu’elle boive suffisamment : c’est une application particulièrement intéressante dans les structures d’accompagnement des personnes âgées, surtout en période de canicule. Pour l’instant, ces innovations sont à des stades assez précoces de type Start-up mais de nombreux pans de ces technologies tournent autour d‘objets connectés qui pourront aider les personnes âgées. Plus globalement, l’appartement connecté sera équipé de capteurs et d’équipements pour accompagner et veiller au bien-être de ces personnes au quotidien, avec de la surveillance de chute ou des actions en cas de malaise.

Jean-Louis Constanza: Le numérique a changé notre vie, mais pas celle des gens en situation de handicap moteur. Pour les utilisateurs de fauteuil roulant, l’espoir créé par les exosquelettes ne se réalisera que s’ils sont utilisables sans béquilles et dans un environnement réel : chez eux et dans la rue. L’environnement réel : le domicile, la ville, les transports, les enfants à l’école… Donc des sols inégaux, des trottoirs, des escaliers. Les exos concurrents nécessitent des béquilles ; ils ne sont pas stables et sans béquilles, ils tombent.

Wandercraft a créé une première disruption en développant et commercialisant le premier exosquelette de marche autonome, sans béquilles mais encore limité à un environnement contrôlé, dans des centres de soins. 5 ans de R&D, une équipe exceptionnelle (25 ingénieurs dont 7 PhDs, plusieurs médailles d’or européennes ou meilleures thèses européennes…), mise en œuvre des technologies robotiques les plus pointues. Nous venons de vendre notre premier exosquelette à un centre de soins de la région lyonnaise (alors que nous n’avons pas encore démarré les ventes). Les essais cliniques vont démarrer à l’automne. Pour la première fois, des handicapés vont pouvoir marcher sans béquilles. Aucun concurrent ne propose la marche autonome, et a fortiori ne semble en mesure d’aborder l’environnement réel. La technologie nécessaire est réellement longue et difficile à mettre en place. Wandercraft va étendre les capacités de cet exosquelette pour aborder l’environnement réel, permettant d’atteindre, d’ici peu de temps, une bonne partie des utilisateurs de fauteuils roulants : paraplégies basses, maladies neuromusculaires, suites d’EVC, scléroses en plaques.

Phillipe Metzentin : La vie des personnes âgées ou à mobilité réduite est rythmée par un certain nombre de risques qu’elles encourent au quotidien. Parmi ces risques, on peut compter la désorientation, la chute et la dénutrition. La dénutrition est le facteur le plus important car on perd de la masse musculaire à mesure que l’on vieillit, que les magasins de proximité sont souvent de plus en plus éloignés, qu’on perd la capacité de pouvoir monter des étages ou transporter des courses lourdes. Et la tendance chez la personne âgée, c’est de se nourrir de plus en plus mal. Cela crée un risque, celui de perdre des forces ou de ne plus tenir sur ses jambes et de chuter.

Concernant les technologies d’assistance qu’on apporte à ces personnes dépendantes, elles n’ont de sens que si on apporte également avec elles un service associé. On peut avoir la meilleure technologie de détection de chute, si les services associés ne suivent pas dès lors qu'ils se rendent compte que la personne est tombée, cet outil n’aura aucun intêret. Le déploiement de technologie n’a de sens que si l'on y associe des services humains. Les technologies doivent apporter un support à la personne concernée, mais elles doivent aussi apporter de l’information et communiquer avec les personnes susceptibles de vous assister au quotidien.

Quels risques représentent ces technologies ? Quels sont les critères à prendre en compte pour évaluer la sécurité de ces technologies dont dépendent de plus en plus de personnes et qui, comme la voiture actuelle, peuvent potentiellement s'avérer dangereuses pour les utilisateurs ou pour les autres usagers ?

Alain Goudey : Nous avons identifié un prisme assez fort par rapport aux travaux que nous avons effectué à propos des technologies d’aides aux seniors :on imagine trop souvent ces personnes comme étant dépendantes ou fragiles psychologiquement et physiquement. Mais à travers nos projets de recherche, on se rend compte que beaucoup de ces seniors ne font pas parti de ces catégories là et donc la technologie doit aussi permettre d’améliorer l’expérience de seniors en pleine santé et qui ont juste envie de croquer la vie à pleines dents ou de vivre différemment. On est assez loin du prisme du senior qui n’aime pas la technologie.

En soi la technologie n’est ni bonne ni mauvaise. Ce qui va créer de la dangerosité c’est la manière dont on va s’en servir. Un des problèmes concernant la technologie d’assistance, comme la voiture autonome ou les objets connectés, c’est qu’il n’existe pas encore de cadre juridique. Ce cadre n’est pas du tout prévu pour des objets autonomes capables de prendre des décisions dans notre environnement d’humains. En France, il faut obligatoirement un volant dans la voiture et c’est bien la personne derrière celui-ci qui est responsable en cas d’accident, même si la voiture est configurée en mode auto-pilote. On pourrait donc se dire : n’est-ce pas plutôt la voiture, les entreprises à l’origine de sa conception, de ses capteurs, de la mécanique, du logiciel de pilotage, etc... Qui est réellement responsable ? La responsabilité concernant un objet autonome est en fait un sujet assez complexe.

D’ailleurs, de nombreuses questions d’ordres éthiques et morales se posent car rien n’est encore réglementé. Par exemple, lorsqu’on va concevoir l’algorithme qui pilote la voiture, que va-t-on choisir comme règles ? L'algorithme devra-t-il systématiquement choisir de préserver la vie du conducteur ou celles des autres usagers de la route ? Sur ces points, rien n’est encore établi alors que nous sommes sur des questions assez lourdes car une décision du véhicule peut très bien coûter la vie au conducteur ou à l’enfant qui traverse la rue pour récupérer son ballon. Ce n’est qui pas posé non plus, c’est de savoir qui va décider de ces règles-là ? Que va-t-on établir et comment ? Quel contrôle la société peut-elle exercer sur ces « boîtes noires » algorithmiques qui se développent de plus en plus ? Le fait est que la technologie avance tellement vite qu’on apprend en même temps qu’on développe ces objets et une évolution importante et massive de la société commence à s’installer avec l’apparition de ces technologies autonomes dites « intelligentes ».

Philippe Metzenthin : Les technologies ne présentent en soi aucun danger particulier. C’est la capacité de l’usager à les utiliser de manière pertinente et la capacité d’adaptation de l’environnement qui peuvent présenter des risques. Dans le cas de la Google Car, mettre en circulation un véhicule dans un environnement qui n’a pas été conçu pour cela a peu de chances de fonctionner. Il faut adapter la route et les infrastructures, comme des voies conçues spécifiquement pour ces voitures et des indicateurs de couleurs.

Lorsque l’on place une technologie d’assistance dans la vie d’une personne âgée, il va falloir à la fois lui permettre de se familiariser avec ce nouvel environnement, lui apprendre à l’utiliser et s’assurer qu’elle est capable de s’en servir. Il y a aussi toute une éducation à faire, aussi bien pour ces personnes utilisant ce genre de technologie que pour les personnes évoluant autour de celles-ci, comme les autres usagers, pour tenir compte de ces nouveaux modes de fonctionnement.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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