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Des policiers dans le quartier de la Cité Pablo Picasso à Nanterre, le 30 juin 2023, ciblés par des tirs de mortiers d'artifice lors de débordements à la suite de la mort du jeune Nahel.
Des policiers dans le quartier de la Cité Pablo Picasso à Nanterre, le 30 juin 2023, ciblés par des tirs de mortiers d'artifice lors de débordements à la suite de la mort du jeune Nahel.
©ZAKARIA ABDELKAFI / AFP

Mort de Nahel

Le moment est venu de cesser de nous concentrer uniquement sur les symptômes pour traiter, avant qu’il ne soit trop tard, les causes profondes de la crise d’autorité de l’Etat sur certains territoires.

Jad Zahab

Jad Zahab, essayiste, est diplômé de l'école des affaires publiques de Sciences Po Paris. Militant associatif engagé en faveur de la participation des jeunes à la vie politique, il est sensible aux sujets liés à l'immigration, aux valeurs de la République, à la refondation du pacte social et à la lutte contre les inégalités, marqueurs de son engagement. Il intervient régulièrement dans les médias pour analyser l'actualité politique et sociale. Il est entre autres l’auteur de "Retrouver la république" (Cherche Midi Éditeur). 

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Une fois encore (de trop ?), la France s’est réveillée cette semaine abasourdie par la mort d’un adolescent de dix-sept ans, tué par un policier après avoir refusé d’obtempérer. Les nuits qui ont suivi ce drame ne sont pas sans rappeler, toutes proportions gardées, les émeutes urbaines que notre pays avait connues en 2005. De toutes parts de l’échiquier politique, les instrumentalisations fusent, depuis. Sous aucun prétexte l’émotion ne saurait nous pousser droit dans l’abîme populiste. Pour autant, feindre de ne pas voir, comme nous l’avons trop longtemps fait, ne peut plus suffire.

Dans notre pays, Etat de droit certes perfectible mais Etat de droit tout de même, rien ne saurait justifier la mort, pas même une infraction à la loi. En notre démocratie, seule l’institution judiciaire peut condamner, certes. Tout en respectant la présomption d’innocence à laquelle a le droit le policier qui est, à cette heure, mis en examen pour homicide volontaire, notre responsabilité est de nous élever contre la tentation, parfois à l’œuvre dans le pays, de dépassement de nos institutions au service de la vengeance ou, tout simplement, de la violence généralisée. Aussi nombreux que nous sommes, parce que poussés par l’émotion, d’attribuer les responsabilités avant la Justice elle-même, nous commettrions une faute morale ce faisant. Pour autant, un homme est mort. Tué par un représentant de l’Etat. Nous ne devons jamais nous y résoudre.

Si certains contestent l’autorité de la puissance publique, force est de constater que cette dernière ne se décrète pas telle la parole divine tombant du ciel : l’autorité n’est pas l’autoritarisme, elle se construit par la confiance, la transparence et le respect des individus, fussent-ils en uniforme ou non. Dès lors, aussi fautif qu’elle ne soit, et aussi légitime que puisse être la sanction qu’elle mérite, toute personne qui enfreint la loi, lorsqu’elle fuit un membre des forces de l’ordre, fuit l’Etat qu’il représente. Que les choses soient claires car le sujet est trop grave pour ne pas en appréhender toutes les dimensions : nous avons besoin d’une Justice et d’une police (au sens large du terme) fortes. Pour autant, nous ne répondrons pas à la crise du consentement à l’autorité de l’Etat uniquement par le régalien, mais bien, aussi, via l’ensemble des domaines d’intervention de la puissance publique, au premier rang desquels la politique éducative, culturelle, mais encore celle du logement ou de l’emploi, entre autres.

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En des temps comme celui-ci, nous devons refuser la facilité du manichéisme qui pourrait nous conduire à opposer membres des forces de l’ordre et personnes civiles. C’est parce que nous sommes collectivement attachés à l’Etat, à la République et donc à la défense de ceux qui, en uniformes, risquent tous les jours leurs vies pour protéger les nôtres – y compris ces dernières heures-, que nous devrons sans ambiguïté aucune, condamner avec la plus grande fermeté la dérive ici constatée, si elle venait à être confirmée par la justice.

Le moment est venu, enfin, de cesser de nous concentrer uniquement sur les symptômes pour traiter, avant qu’il ne soit trop tard, les causes profondes de la crise d’autorité de l’Etat sur certains territoires. La promesse républicaine est-elle tenue partout ? Quelle place pour les citoyens dans le dispositif de solidarité nationale ? Quel lien police-citoyens demain ? Quelle politique de lutte contre les inégalités et les discriminations ? Quels moyens pour la Police et la Justice ? Quelle police, quelle justice, quelle école, pour quelle société ?

Naturellement, nous ne saurions justifier, accepter ni même tolérer les indignes dégradations, pillages et exactions qui ont eu lieu en France ces dernières heures et qui, au-delà même de salir l’émotion et les revendications parfois légitimes, sont une insulte à la République et à la Nation. Ceux qui s’adonnent à de tels agissements devront être traduits devant la Justice.

Alors que le risque d’embrasement est grand, si le retour au calme semble un préalable essentiel – auquel toute la classe politique devrait souscrire -, durablement nous nous grandirions collectivement à poser les bonnes questions. Notre pacte social et républicain brûle et nous regardions ailleurs : il est encore temps !

Jad ZAHAB

Essayiste

Auteur de « Retrouver la République » (Cherche-Midi Éditeur)

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