Nice, le traumatisme d’une ville : l’attentat du 14 juillet 2016 a fait proportionnellement plus de victimes que le 11 septembre à New York ou que n’importe quel autre attentat dans une grande ville occidentale ces dernières années<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Nice, le traumatisme d’une ville : l’attentat du 14 juillet 2016 a fait proportionnellement plus de victimes que le 11 septembre à New York ou que n’importe quel autre attentat dans une grande ville occidentale ces dernières années
©Reuters

Trauma

Traditionnellement, l'impact d'un attentat dépend de plusieurs facteurs : le nombre total de morts, l'importance de la ville touchée dans la hiérarchie urbaine internationale, la nature de la cible et le nombre d'attaques.

Dans ce cadre, parmi les principaux actes à caractère terroriste qui ont touché l'Occident, c’est-à-dire l’Europe et l’Amérique du Nord, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington ont été logiquement les plus médiatisés, concernant deux villes globales, la capitale et la plus grande agglomération des Etats-Unis, faisant le plus grand nombre de morts (2733 + 184), soit largement plus que n’importe quel autre attentat (le plus meurtrier à l’époque était l’explosion d’une bombe dans le vol Air India 182 au-dessus de l’océan Atlantique le 23 juin 1985, qui avait fait 327 morts), frappant deux cibles emblématiques, le World Trade Center à New York, symbole de la puissance financière américaine, et le Pentagone à Arlington, temple de la puissance militaire états-unienne, et, enfin, le mode opératoire correspondant à quatre attaques simultanées par l’intermédiaire de détournements d’avions transformés en « missiles »

En deuxième position, viennent probablement les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, qui ont été plus médiatisés que ceux de Madrid du 11 mars 2004, pourtant plus meurtriers, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les attaques de Madrid venaient moins de trois ans après le 11 septembre 2001, donc leur ampleur paraissait bien moindre, d’autant qu’elles étaient revendiquées par la même organisation, Al Qaïda (la réalité de son implication directe demeure cependant encore floue aujourd’hui). Ensuite, dans la hiérarchie urbaine internationale, Madrid est une métropole de rang inférieur à Paris et les cibles, les transports en commun, n’étaient pas particulièrement symboliques, contrairement à Paris avec le Stade de France et le Bataclan. Enfin, les attentats du 13 novembre 2015 se déroulent dans un autre contexte géopolitique, étant l’attaque la plus meurtrière perpétrée en Occident par l’Etat Islamique, qui a émergé en 2014 au Moyen-Orient.

Par ailleurs, même si notre propos ne vise pas ici à faire une hiérarchie exhaustive du traitement médiatique de chaque attentat majeur, on constatera aussi le très fort impact international de la fusillade de Charlie Hebdo de janvier 2015 à Paris, alors que son nombre de morts (une douzaine) a été relativement faible par rapport à d’autres attentats de masse. L’importance, qui lui a été accordée, s’explique par la cible, des journalistes tués pour ce qu’ils dessinaient, entraînant mécaniquement la compassion, légitime, de tous les journalistes de la planète, qui s'y sont identifiés.

Cependant, cette hiérarchisation médiatique des actes terroristes ne prend jamais en compte l'impact local, c’est-à-dire le nombre de personnes réellement touchées par l'attentat dans l'agglomération concernée. Or, cet impact local permet de mieux comprendre la gravité de l’acte terroriste, au-delà de sa plus ou moins grande portée symbolique, qui fait que des attaques, aux nombres équivalents de victimes, ont des traitements médiatiques différenciés.

Pour répondre à cette interrogation, nous proposons donc dans cet article la constitution d'un indicateur d'impact local d'un attentat, qui repose sur le calcul d’un rapport en pourcentage entre le nombre de victimes (c’est-à-dire les morts et les blessés, ces derniers étant bien souvent oubliés des statistiques, alors qu'ils vont en porter toute leur vie les traces) et le nombre d'habitants de l'agglomération au moment de l'attaque.

Appliqué aux principaux attentats qui ont touché l'Occident, excluant donc la Russie, leur hiérarchie (à l’exception, bien évidemment, des explosions d’avion en vol qui sont « déterritorialisées ») apparaît sensiblement différente de leur médiatisation. Par exemple, l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 a un indice d'impact local légèrement supérieur aux attentats du 11 septembre 2001 à New York, ce qui montre l'ampleur sous-estimée de cet acte terroriste et justifie grandement les récriminations de ses habitants vis-à-vis des médias, qui l'ont minimisé par rapport aux attentats parisiens, car le nombre de morts était moindre, l'attaque était le fait d’un seul homme et Nice se présentait comme une ville moindre que Paris dans la hiérarchie symbolique mondiale. Or, son indice d'impact local, 0,058 % de la population touchée, est 10 fois supérieur à celui du 13 novembre 2015. Parmi les 14 attentats de masse ayant fait plus de 100 victimes en Occident, Nice est le troisième attentat pour son indice d'impact local par rapport à la population totale.

Tab. Indice d’impact local des principaux attentats de masse en Occident : 

Il est devancé par seulement deux autres attentats. Le premier est l'attaque à la voiture piégée d'Omagh en Irlande du Nord, commis le 15 août 1998 par des indépendantistes catholiques irlandais, qui, s'il a fait moins de victimes (249) qu'à Nice, étant donné la faible population de la ville au moment des faits, n’en a néanmoins pas moins touché plus de 1 % de la population locale, soit un taux effarant, près de 29 fois supérieur aux attentats du 11 septembre 2001 à New York. Le second est celui d’Oklahoma City, avec un indice de 0,087 %, lui aussi occasionné par un homme seul, par l’intermédiaire d’un camion piégé, dans une ville secondaire de l’intérieur des  Etats-Unis. Cet acte terroriste d'extrême-droite peut être considéré comme le pire attentat entrepris par un individu isolé (848 victimes) en Occident. 

Cet indice d’impact local d’un attentat, que nous avons conçu, pourrait éventuellement servir aux autorités publiques chargées de la prise en charge des victimes pour mieux mesurer l’impact d'un attentat sur un territoire et entreprendre les actions nécessaires pour remédier au traumatisme des populations locales. Il pourrait aussi servir aux journalistes concernant l’importance du traitement à réserver dans leurs lignes aux actes terroristes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !