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Nationalisations, la seule solution ?
©Reuters

Unique solution ?

Face au confinement et à la propagation du COVID-19 sur notre territoire l’économie réagit et plonge en chute libre. Bruno Lemaire l’a annoncé, le gouvernement est au chevet de celle-ci et toutes les mesures pourront être prises pour sauver l’économie y compris la nationalisation.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Certaines sociétés sont plus touchées que d’autres et Air France va réduire ses vols de 70 à 90 % pour une période d’au moins deux mois. La nationalisation est-elle la meilleure façon de préserver l’entreprise durant sa phase d’hibernation ? Est-ce vraiment la solution pour sauver les entreprises en difficulté ? 

Jean-Paul Betbeze : Le COVID-19 est un grave choc d’offre d’abord, la production plonge avec les arrêts des usines et des transports, et de la demande, avec des ménages et des entreprises qui vont arrêter ou réduire leurs achats, brutal, massif et mondial. Air France souffre ainsi de l’arrêt de nombre de voyages professionnels ou touristiques, et de la baisse du fret. La compagnie n’a pas d’autre solution que de se mettre en quasi arrêt, ce qui diminue une bonne part de ses coûts fixes, pour réduire ses pertes. La nationalisation, totale ou partielle sera donc utilisée : pour Air France, l’état augmenterait sa part dans le capital. Pour Alitalia, il s’agirait plutôt d’une nationalisation complète. Partout dans le monde, les compagnies d’aviation seront ainsi soutenues, et la liste des activités va s’étendre.

Nationaliser s’impose pour éviter la faillite et le gâchis de capital humain, commercial, technique et financier qu’elle implique. Air France est une marque qui vaut aujourd’hui bien plus que sa capitalisation boursière : moins de 2 milliards d’euros. La laisser choir est donc une erreur au strict plan économique : il ne s’agit pas d’Etat Providence, mais d’Etat rationnel, dans la crise actuelle.

Aujourd’hui, il semble que la meilleure solution soit le déficit budgétaire. Pourquoi nationaliser va nous permettre de se sauver du krach boursier ? 

Face à ce choc général, il n’y a pas grand choix de solution. « Laisser tomber » comme on le disait en 1929 ferait tout empirer. Vendre aujourd’hui, c’est donner ; c’est une énorme perte patrimoniale, publique ou privée. Les solutions mises en œuvre, déficit budgétaire et soutien monétaire, sont là pour atténuer le choc, le temps que la propagation du virus culmine puis baisse, et que se trouvent des médicaments plus efficaces que ceux actuellement utilisés (Paracétamol notamment). Les déficits budgétaires vont partout se creuser, on parle de 50 milliards d’euros pour la France, mécaniquement avec la baisse d’activité (moins de TVA et d’impôts), volontairement avec les politiques actuelles de soutien (prise en charge de dépenses salariales d’entreprises touchées par exemple). A cela s’ajoutent les politiques monétaires de baisse des taux, d’augmentation des achats de bons du trésor, voire d’obligations d’entreprises et d’assouplissement des normes bancaires.

Nationaliser est donc un aspect mineur d’une politique budgétaire, elle-même comprise dans des actions juridiques ou légales (par exemple report de la mise en œuvre de la réforme des retraites).

Il s’agit donc de modérer le krach boursier, d’autant plus que les vendeurs vendront d’abord les valeurs qu’ils jugent les plus fragiles, dans les pays et sur les bourses où elles sont les moins soutenues.

La nationalisation peut aussi être une excellente opération car c’est acheter en solde. Quels exemples dans l’histoire pouvons-nous suivre pour sortir vainqueur de tout cela ? 

La nationalisation totale ou partielle est une bonne opération financière, même si ce n’est évidemment pas sa raison. Car les économies rebondissent toujours. Il faut donc montrer aux investisseurs inquiets qu’ils n’ont pas de raison de l’être. Le déficit budgétaire peut continuer à se creuser et sera financé sans problème si cela fait sens : le rendement du bon du trésor à 10 ans français est à -0,3%, preuve que la signature est toujours jugée bonne, puisque on finance à perte ! La politique monétaire peut continuer, avec des achats d’obligations privées, voire d’actions d’entreprises. Ceci a eu lieu à Hong Kong, et s’est révélé une excellente opération !

Le COVID-19 n’est pas le subprime : oui le choc boursier est plus fort, car il pèse plus et sur l’offre et sur la demande. Mais il ne naît pas dans la finance et se résoudra, par les nouveaux comportements de chacun et les médicaments bien plus vite, dans quelques mois. Regardons le nombre de personnes atteintes qui plafonnent en Chine, avec 81 900 personnes atteintes, 68 800 rétablies, 9 000 hospitalisés et 3 200 décès. La France qui a été moins atteinte bien sûr et avec retard compte 6 600 personnes atteintes, 12 rétablies, 6 480 sous traitement et 148 morts (mardi 17 mars à 20 heures). 

Il ne s’agit pas de crier victoire, loin de là. C’est un drame, mais il est porteur de leçons sur les comportements sanitaires de chacun, sur les stocks d’urgence à avoir et, à moyen terme, sur le raccourcissement et la simplification des chaînes de production. N’oublions pas : les Coronavirus sont dans la nature. Le COVID-19 en est un, pas le dernier. Nous allons gagner, mais d’autant mieux si nous pensons au futur.

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