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Mondial de l’auto : Carlos Ghosn parie sur la révolution électrique mais ne dit pas tous les obstacles qu’il va devoir surmonter
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Pour Carlos Ghosn, le Mondial de l’automobile marque l’an 1 de la révolution électrique. Mais les obstacles qui s’opposent à cette mutation paraissent insurmontables...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le Mondial de l’automobile qui vient d’ouvrir ses portes à Paris marque pour tous les constructeurs présents le départ de la révolution électrique qui va découvrir un nouvel eldorado. Carlos Ghosn, patron numéro 1 dans le monde de l’automobile, en tête. 

La mutation paraît inéluctable, sauf que les plus pointus des experts savent que les obstacles au développement sont pour l’instant insurmontables. Les besoins en électricité seront considérables, les capacités de stockage de l’énergie sont encore moyenâgeuses, les risques écologiques sont aussi importants que les risques actuels liés aux émissions de CO2. Enfin, la généralisation de l’électrique dans l’automobile peut donner encore un peu plus de pouvoir aux fournisseurs de technologie digitale, les fameux GAFA. 

Malgré ça, Carlos Ghosn, le président de l’alliance Nissan-Renault est d’un incorrigible optimisme. Avec une production de 11 millions de véhicules par an, il considère avoir mis son groupe à l’abri des aléas conjoncturels et des ruptures structurelles. Son groupe automobile porte les couleurs de la maison France sur tous les marchés du monde. 

« La grande modification depuis 2016, explique-t il au journal Les Echos, c'est l'éruption de technologies permettant d'envisager des voitures beaucoup plus connectées ou autonomes, et surtout des services de mobilité... Nous sommes plutôt en avance sur la concurrence. »

Mais le grand changement passera aussi selon lui par le développement de l’électrique.

« Si on lit les déclarations des uns et des autres, dit encore le président de Renault, on ne sait pas très bien qui est en tête et qui est derrière. Mais il suffit de compter les voitures sur le terrain. Nous sommes devant les autres en termes de ventes et de rentabilité, c'est la réalité. Nissan Leaf et Renault Zoé se partagent la première place en Europe, Leaf est la voiture électrique la plus vendue dans le monde, Kangoo ZE est numéro un des ventes européennes d'utilitaires électriques, et beaucoup d'autres produits arrivent, comme la K-ZE en Chine à partir de l'an prochain... Fin 2022, 50 % de l'offre de l'Alliance (y compris celle de Renault) sera électrifiée. Et plus de 10 % de nos ventes seront faites en pur électrique ». 

Carlos Ghosn ne peut pas se permettre de douter que sa stratégie est la bonne, à l‘heure où les rapports concurrentiels sont en train de basculer en sa faveur et où l’industrie automobile allemande, secouée par les scandales autour du diesel, marque le pas. 

La stratégie du tout électrique, qui paraît partagée par une grande partie des marchés de la planète, n’est pourtant pas sans obstacles. Certains sont pour l’instant insurmontables. Et les innovations technologiques sur lesquelles tout le monde travaille d’arrache-pied (sans grands succès pour l’instant) ne sont pas les seules inconnues. La technologie est loin de pouvoir répondre à une demande de masse. Les forces politique sont loin de pousser dans le sens de ce progrès-là.

1er obstacle, la production d’électricité. Il faudra passer au nucléaire et qui veut du tout nucléaire aujourd’hui ? Il est évident que la mutation de tout le système de circulation commerciale et personnelle vers l’électricité demandera une quantité d’’énergie telle qu’aucun modèle ou équipement n’est en mesure de satisfaire dans les 20 ans qui viennent. Il faudrait multiplier la production électrique mondiale par 100, ce qui est proprement impossible. Impossible d’imaginer de produire de l’électricité avec des énergies fossiles (pétrole, gaz ou charbon), d’abord parce qu’on épuiserait très rapidement les réserves naturelles, mais surtout car la fabrication d’électricité produirait plus de gaz à effet de serre que la circulation des voitures à essence ou au pétrole. D’autant qu’on sous-estime beaucoup les progrès réalisés sur le fonctionnement des actuels moteurs thermiques. 

La seule solution économiquement viable et propre est évidemment l’énergie nucléaire. Les projets d’EPR, centrales dernière génération, peuvent satisfaire cette demande mondiale à un coût acceptable pour l’environnement, à condition d’éliminer les risques d’accidents. Ce qui est loin d’être résolu. 

2e obstacle, la faiblesse des batteries. C’est le maillon faible (très faible) de la chaîne de valeur qui participe au développement de l’électricité. La fabrication des batteries a fait quelques progrès, certes, mais on est encore à des années-lumière de savoir stocker de l’électricité pour satisfaire l’essentiel des besoins. Le service de recherche de Google affirme qu’aujourd hui, la voiture électrique, connectée et autonome serait prête à circuler en masse, pour une autonomie de seulement 20 minutes, ce qui la rend inutilisable pour prendre le relais des technologies actuelles. Ce qui consomme le plus, c’est moins le moteur qui permet la propulsion que l’alimentation de tous les capteurs qui permettent de gérer l’autonomie. 

Sauf révolution dans la batterie, les mêmes ingénieurs ne voient pas la généralisation de la voiture autonome électrique avant un demi-siècle. 

En supposant que l’intelligence humaine permette d’accroitre l’autonomie de la batterie, resterait à résoudre la question des matières premières qui rentrent dans la composition des batteries modernes (le lithium) et qui seront rapidement insuffisantes. Enfin, il faudrait aussi résoudre la question du recyclage des batteries usagées qui sont aujourd’hui des objets assez dangereux pour l’environnement. 

3e obstacle : la maîtrise du digital. L’électrification de l’automobile s’accompagnera d’une digitalisation de la voiture. En clair, la part de l’électronique embarquée et des systèmes de guidage va représenter plus de la moitié de la valeur de l’automobile. Ce jour-là, le fournisseur d’électronique et le gestionnaire d’applications auront beaucoup plus de pouvoir dans le partage de la valeur que le constructeur. 

C’est la raison pour laquelle certains constructeurs se sont engagés dans une course à la taille pour pouvoir négocier avec les grands du digital. Carlos Ghosn estime qu’à moins de 10 millions de véhicules par an, un constructeur n’a pas le poids pour discuter avec Google. Dans ces conditions, il ne restera que 3 ou 4 constructeurs dans le monde. Un français, un allemand et un ou deux chinois.

4e obstacle à surmonter : les forces politiques. Les rapports de force vont évidemment changer. Si les constructeurs traditionnels restent en Europe, mais si les grands du digital sont américains et si les fournisseurs de batteries chinois comme c’est probable, que restera-t-il aux entreprises historiques ? Qui contrôlera les systèmes de guidage, qui contrôlera la fourniture d’électricité ? Sans nouvelle innovation technologique, les progrès de l’automobile électrique se heurteront à des difficultés à surmonter, difficultés qu’il est même impossible de prévoir à l’heure actuelle. 

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