Moins de 5 heures de sommeil par nuit, le point de bascule pour votre santé<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour une durée de sommeil inférieure ou égale à cinq heures, il y a un risque bien supérieur de multimorbidités.
Pour une durée de sommeil inférieure ou égale à cinq heures, il y a un risque bien supérieur de multimorbidités.
©TOSHIFUMI KITAMURA / AFP

Multimorbidités

Des chercheurs et des universitaires ont publié une nouvelle étude sur le manque de sommeil et ses conséquences sur l'organisme.

Séverine Sabia

Séverine Sabia

Séverine Sabia est Chercheur épidémiologiste à L’inserm.

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Atlantico : Vous avez publié une étude, Association of sleep duration at age 50, 60, and 70 years with risk of multimorbidity in the UK: 25-year follow-up of the Whitehall II cohort study. Quel était l’objet de vos recherches ? Et votre protocole ?

Séverine Sabia : Nous voulions savoir si la durée du sommeil était liée à la survenue de plusieurs maladies chroniques en même temps, au moins deux, ce qu’on appelle multimorbidités. On cherchait aussi à savoir si l’âge à la mesure du sommeil avait un impact sur l’association entre sommeil et survenue de multimorbidités. Pour répondre à ces questions, nous avons utilisé les données d’une cohorte britannique. Ces personnes ont été suivies depuis 1985 et ce jusqu’en 2019. Tout au long de cette période, ils ont répondu à des entretiens tous les 4 ou 5 ans, accédant ainsi à de nombreuses informations comme la consommation de tabac, d’alcool et aussi le sommeil, etc. La question était de savoir combien d’heures en moyenne dormez-vous la nuit. Les réponses étaient « cinq heures ou moins », « six heures », « sept heures », « huit heures » ou « neuf heures et plus ». En parallèle, nous avions accès à leurs données électroniques de santé qui permettait de suivre l’évolution de la survenue de maladie chronique. A partir de ces données, nous avons pu extraire la durée de sommeil à des âges spécifiques : 50, 60 et 70 ans.

Ce que vous observez, c’est que pour une durée de sommeil inférieure ou égale à cinq heures, il y a un risque bien supérieur de multimorbidités. Est-ce exact ?

Par rapport à une personne qui dort sept heures, une personne qui dort cinq heures ou moins voit augmenter d’environ 30 % la survenue de multimorbidités. Nous avions une liste de 13 maladies chroniques. Et nous avons pu voir que les résultats n’étaient pas spécifiquement corrélés à une maladie. Nos données étant très stables si l’on en retirait une de la liste.

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Et les personnes ayant de manière chronique des nuits courtes à 50, 60 et 70 ans ont un clair risque de multimorbidités. Celui-ci est d’autant plus fort que l’on observe une chronicité de ces nuits courtes.

Comment être certain que c’est le facteur sommeil qui entre en jeu ?

Nous sommes dans une étude observationnelle, donc on ne peut exclure le biais de causalité inverse. Mais nous avons fait en sorte de diminuer ce biais autant que possible. Nous avons pris en compte de nombreux autres facteurs liés à la multimorbidités : les habitudes de vie, les facteurs sociaux, le poids, etc. Donc nos observations se font en dehors de tout autre facteur connu. Et pouvoir commencer l’étude dès 50 ans nous a donné une bonne vision des choses. Nous avons d’ailleurs exclu les personnes souffrant déjà d’une maladie chronique à 50 ans.

Qu’est-ce qui explique que le fait de dormir cinq heures ou moins soit si néfaste pour la santé ?

Il est recommandé de dormir 7 à 8 heures par nuit. De nombreuses études montrent que c’est associé à des paramètres de santé plus favorables. Et notre étude montre une dégradation en dessous de cinq heures. Les raisons qui pourraient l’expliquer sont plurielles. D’abord, pendant la nuit, de nombreux processus se mettent en place : une régulation des hormones différentes, idem pour le métabolisme, le cerveau est nettoyé de ses toxines pendant la nuit. Réduire la durée du sommeil entrave donc les processus physiologiques nécessaires et peut entraîner la survenue de maladie chronique.

Entre la recommandation de 7 à 8 heures et le seuil néfaste de 5h, qu’en est-il entre 5 et 7h ?

Nous n’avons pas trouvé de surrisque particulier chez les personnes dormant six heures. Il y a un petit risque augmenté de mortalité mais il est de l’ordre de 8 ou 9% sans évidence forte. C’est surtout à cinq heures ou moins que le phénomène devient marquant.

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Faire des nuits très longues apporte-t-il quelque chose ?

Les résultats chez ceux qui dorment longtemps sont à prendre avec précaution car très peu de personnes dans notre échantillon dormaient 9h ou plus. 120 personnes environ. Ce qui est apparu, c’est un surrisque de multimorbidités à 60 et 70 ans, mais principalement chez les personnes ayant déjà une maladie chronique. La longue nuit serait donc plutôt la conséquence de la première maladie chronique plutôt que la cause de la survenue de la seconde.

Quelles sont les préconisations à retirer de votre étude ? Dormir sept ou huit heures et pas moins de cinq ?

Oui, mais on sait que cela n’est pas toujours évident. En cas d’insomnie, il faut essayer de suivre des thérapies, médicamenteuses ou non. Par ailleurs, on voit qu’au fil des années, les personnes ont naturellement tendance à moins dormir. Mais il est temps que les gens réalisent que le sommeil fait vraiment partie d’une fonction vitale et qu’il faut en prendre soin. Il faut bien manger, faire de l’exercice, mais il faut aussi se coucher lorsqu’on est fatigué. Il faut essayer de trouver les habitudes favorisant un bon sommeil : avoir une routine du sommeil, se coucher à des heures plus ou moins proches d’une journée à l’autre, éviter de s’exposer aux écrans dans l’heure qui précède l’endormissement et se mettre dans un environnement de lumière basse. Tout cela doit nous permettre de préparer le corps à l’endormissement.

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