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Mise en cause des CCI par Bercy : la parole est à la défense
©Reuters

Changement profond

Le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Tarbes se dit prêt à réformer sa structure pour permettre des économies d'échelles substantielles.

François-Xavier Brunet

François-Xavier Brunet

Assureur dans les Hautes-Pyrénées à Tarbes et Bagnères de Bigorre. Il est Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Tarbes depuis décembre 2010 et président de l'Association des CCI Territoriales.

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Atlantico: Le dernier rapport de l'IGF, que le quotidien Les Echos a pu consulter (voir ici), épingle la gestion et l'efficacité de l'action des CCI et réclame une réforme structurelle. Que pensez-vous de ces accusations ?

François-Xavier Brunet : Le rapport des services de Bercy est incontestablement un rapport à charge pour justifier par anticipation des projets destructeurs pour les CCI. En fait d'épingler, l'Etat se propose de détourner à son profit l'argent des entreprises. En effet, nos chambres ne coûtent rien à l'Etat  puisque leurs ressources proviennent à la fois de leurs recettes propres issues de leurs activités et du produit d'une taxe affectée prélevée sur les entreprises. Ce produit fiscal ne fait que transiter par les caisses de l'Etat et c'est cela qui le désole... La taxe pour frais de chambres représente moins de 1% des taxes qui pèsent au total sur les entreprises, soit en moyenne 250 euros par an et par entreprise. C'est à peu près le coût d'un abonnement à une revue professionnelle... En réalité, l'Etat qui a déjà effectué des coupes dans nos ressources, avec notamment un prélèvement de 270 millions d'euros l'an dernier, se propose non pas de réduire ses propres dépenses mais au contraire d'augmenter ses recettes. Si on lit bien ce qu'écrivent les services de Bercy, il s'agit d'opérer un nouveau prélèvement sur les fonds propres des Chambres pour le verser dans le budget général de l'Etat. Nous sommes abusivement classés parmi les opérateurs de l'Etat mais nous sommes bien plus que cela.

Dans nos départements, comme celui des Hautes-Pyrenees, l'Etat et ses services n'ont le plus souvent ni son ni image en ce qui concerne les entreprises. Après les crues de juin 2013, c'est vers nous que se tournait la Préfecture pour avoir des informations sur les entreprises sinistrées.

Bien sûr, nous ne sommes pas hostiles à des réformes qui pourraient générer des économies, à deux conditions. D'une part, que le bénéfice de ces économies éventuelles soit réservé aux entreprises et ne serve pas à abonder le budget de l'Etat. D'autre part, que ces mêmes réorganisations ne remettent pas en cause les deux principes fondamentaux de l'action consulaire que sont la proximité et l'efficacité. Je déplore qu'au nom de je ne sais qu'elle modernité, on ne conçoive que les regroupements verticaux (c'est à dire la régionalisation) sans penser à un peu plus d'horizontalité au niveau des territoires, sur le plan interconsulaire par exemple avec les Chambres de Métiers.

Il estime entre autre que la gestion des comptes des Chambres de Commerce et d'Industrie est mauvaise, et "disposerait d'un financement [issu principalement de prélèvement pour les entreprises ndlr] qui excéderait ses besoins". Dans un contexte où le gouvernement cherche désespérément à fortifier la croissance des entreprises et à diminuer son budget, n'est-il pas logique de vouloir réformer l'institution des CCI ?

Le paradoxe est que l'Etat n'estime que les mauvais gestionnaires. Si nos ressources ont évolué au fil des dernières années, c'est sur le fondement des mécanismes mis en place par le législateur. Les CCI ne fixent pas elles-mêmes le niveau de leurs ressources. Nous sommes mal considérés parce que nous ne tendons pas la sébile en pleurant sur nos déficits. Nous avons constitué des réserves qui servent les missions qui nous sont dévolues et qui garantissent la pérennité de nos établissements, notamment pour faire face aux départs en retraites de nos agents. À ce sujet, j'aimerais bien que l'Etat soit lui-même transparent sur ses propres engagements en matière de retraite des fonctionnaires dans les décennies qui viennent.

Par ailleurs, chefs d'entreprises en activité, élus par nos pairs, nous n'ignorons rien de la situation économique du pays. À ce sujet, je voudrais vous rappeler que sur les 63000 défaillances d'entreprises en 2013, l'écrasante majorité d'entre elles n'était pas soumise à la compétition internationale mais était constituée de TPE/PME commerciales, artisanales ou de services de proximité. Ce sont celles-là qui ont besoin des CCI.

Au delà de l'avenir des CCI Territoriales, et de ce qui pourrait passer pour un plaidoyer pro domo, je vois poindre un modèle économique et territorial pour la France qui m'inquiète terriblement et qui ne privilégierait que les métropoles et les régions revues en mode "big is beautiful". On commet ici, à mon avis, un terrible contresens. Les récents événements politiques , de type bonnets rouges ou élections européennes, montrent éloquemment que la révolte gronde dans ce pays. Les acteurs économiques sont à bout et ne concentrer les efforts que sur les parties du territoire qui vont bien revient à accentuer terriblement la fracture territoriale et là, je dis :"attention danger" ! De plus, la nécessité de réforme est accaparée par ceux qui ont été incapables de lutter contre la sclérose de nos institutions. Depuis trente ans, l'Etat n'a eu de cesse de transférer charges et compétences vers les collectivités sans jamais ni réduire ses dépenses, ni tailler dans ses effectifs, ni faire évoluer son périmètre d'intervention. Les CCI sont de bien modestes victimes expiatoires et ce, d'autant plus, que ce qui leur est le plus reproché notamment par l'inspection des finances, comme le patrimoine immobilier ou les salaires, est plus le fait des grandes ou très grandes chambres que des CCI territoriales dans les départements. Or, ce sont ces dernières qu'on voudrait faire disparaître.

En quoi les CCI sont-elles concrètement indispensables aux entreprises ?

Les CCI sont une construction originale qui fonde sa légitimité sur la représentation patronale, la défense des intérêts du commerce, de l'industrie et des services. Animées par des chefs d'entreprises en activité, elles remplissent sur tout le territoire des missions d'appui et de conseils aux entrepreneurs dans tous les domaines tels que la création d'entreprise, l'export, l'ingénierie financière pour le montage de dossiers d'investissements, l'information économique. Elles remplissent aussi des missions spécifiques liées aux formalités, aux contrats d'apprentissage, etc...

Les CCI sont des acteurs importants de l'animation économique des territoires notamment aux côtés des filières, des associations ou groupements de commerçants, des communes ou des intercommunalités. Qui s'en occupera si le réseau est réduit à de grandes structures régionales ?

En outre, les Chambres par leurs réseaux d'établissements en formation initiale ou continue sont le deuxième formateur de France après l'Education nationale, notamment en alternance. En termes d'efficacité, la CCI que je préside gère une École de Gestion et de Commerce dont les diplômés trouvent pour 80 % d'entre eux du travail dans les six mois qui suivent l'obtention de leur diplôme. L'Université peut- elle en dire autant ?

Pouvez-vous justifier de l'efficacité de vos actions ?

Évidemment, chaque année, chaque CCI publie un rapport d'activité et la présence souvent nombreuse d'entreprises mais aussi d'élus locaux dans nos réunions témoigne de l'enracinement de nos actions dans le territoire.

Pourquoi n'y-a-t-il pas de données statistiques permettant d'en mesurer l'efficacité ?

Je conviens que nous serions fondés à attendre de la tête de réseau, CCI FRANCE, dont la légitimité procède du mandat reçu par son président des mains de l'ensemble des CCI françaises, s'attache plus à quantifier et valoriser l'action du réseau qu'à tenter de la détricoter...

Le rapport dénonce également le fait que certaines activités marchandes ne survivent que grâce aux aides des Chambres. N'est-ce pas aberrant dans un contexte économique où la compétitivité est en panne ? De quelles activités marchandes s'agit-il ?

C'est une interprétation erronée et contrefaite. Les CCI gèrent parfois des équipements publics (ports, aéroports, parc d'expositions, etc...) le plus souvent en délégation de services publics concédées par l'Etat ou les collectivités locales. Ces activités sont auto financées. Pour les activités de formation, bien que marchandes, elles relèvent de la politique de formation professionnelle. Je doute que ce soient des activités rentables par nature. 

Mais, vous savez, il faut parfois savoir taper du poing sur la table. Puisque la gestion des Chambres est pointée du doigt, alors fermons les ports, les aéroports, les centres d'apprentissages, les centres de formalités des entreprises... On verra bien qui les érera mieux que nous.

Vous admettez que les CCI devraient être réformées. Quelles sont les propositions que vous suggérez ?

C'est la France qui doit être réformée dans son ensemble. Et l'Etat au premier chef. Il y en a assez de cette manie du soupçon sur tout ce qui ne procède pas du contrôle et de la gestion par l'Etat tout seul. Je suis favorable à une optimisation des moyens publics déployés sur le territoire pour l'appui aux entreprises et l'animation économique. Je propose que l'échelon départemental de proximité soit maintenu et qu'à son niveau le rapprochement des Chambres de Commerce et d'Industrie avec les Chambres de Métiers et de l'Artisanat permette des économies d'échelles substantielles, que de plus grandes synergies soient recherchées avec les Chambres d'agriculture, que les doublons soient supprimés avec les agences de développement économique des départements et des agglomérations. Au niveau global du réseau des CCI, je propose que les CCI de Régions fusionnent avec celles des départements chefs-lieux, des métropoles en priorité, que dans chaque département, l'organisation cible soit une seule CCI sauf dans les cas particuliers de bassin économique spécifique comme Bayonne et la Pays Basque par exemple. Là, je vous garantis que nous aurons réalisé des progrès.

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