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Merci Donald Trump ?
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On dit merci qui?

Le Président Trump a décidé de quitter l’accord de Paris, pour des raisons de politique interne. Son choix doit conduire les grandes puissances à clarifier leurs objectifs : internes ou externes, court terme ou long terme.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Quand les Etats-Unis se retirent ainsi d’une part du leadership mondial, ils créent un vide, qui sera comblé. Par la Chine avec la Russie ou bien par l’Europe, avec une partie de l’Afrique ? Nous dirons « merci » à Donald Trump, si nous avons, pour Europe, autrement dit pour nous, la vision qu’il n’a plus. Voici venu le temps de la responsabilité et de la maturité.

Ecoutons le Président Trump : « C’est le moment de mettre Yougstown, Ohio, Détroit, Michigan, et Pittsburgh, Pennsylvanie… devant Paris. "It is time to make America great again". Jeudi 1er Juin, Donald Trump annonce en ces termes qu’il entend se retirer de l’accord de Paris, dit Cop 21. Faut-il se féliciter de cette décision largement annoncée, après le temps des regrets qu’elle implique ? Faut-il regretter que Rome s’occupe surtout d’elle et laisse tomber l’Empire, sous prétexte qu’il est trop cher à réguler, à protéger, et que les provinces ne cotisent pas assez ?  Ou bien est-ce le moment de se prendre plus en main, en nouant des alliances qui correspondent plus à nos besoins à long terme et à nos moyens ?

De fait, les Etats-Unis quittent la cohorte mondiale dont l’objet était d’infléchir la montée de la température dans le monde entre 1,5 et 2% à horizon 2100, chacun faisant tous ses efforts pour atteindre 1,5%. Quelques jours auparavant, à l’Otan, le Président Trump avait également demandé aux grands pays d’investir plus, au moins 2% de leur PIB, pour se protéger face à la Russie, et au Japon face à la Chine (même si c’est plus compliqué pour lui).

Ce double choix américain, climatique et militaire, est surtout politique, interne et à court terme. La preuve en est, pour le climat, la masse d’erreurs que comprend le discours du 1er juin, en voici deux. D’abord, la Cop 21 n’est pas contraignante. Elle « invite » toutes les parties à le signer et fonctionne sur la base de mesures des efforts de chacun et de l’émulation, pour un bien collectif mondial : la survie de l’espèce. Ensuite, les Etats-Unis sont les plus importants pollueurs par tête : 16 tonnes par an d’émission de CO2, contre 8 pour un Chinois, 7 pour un européen ou 2 pour un Indien. Quand Donald Trump dit que la Chine est le premier pollueur du monde (29% du total contre 14% pour les Etats-Unis), il oublie simplement qu’il y a plus de Chinois que d’Américains. Ajoutons que Chine et Inde, qui doivent se développer donc consommer plus d’énergie, se sont néanmoins tous deux engagés à freiner, puis à stabiliser dans le temps, leurs émissions. Et ont maintenu leur appel, après le discours de Donald Trump.

« Pittsburg » prime : la baisse de popularité du Président, l’enquête sur les liens avec la Russie, le témoignage la semaine qui vient de l’ancien directeur du FBI pèsent. Il s’agit, pour Donald Trump, de consolider son électorat qui est en large part le même que celui des Sénateurs qui se préparent (pour moitié d’entre eux) aux élections dans un peu plus d’un an. Un « Trump fort » les aide, ce qui implique de l’aider en retour : vote du nouveau texte pour remplacer l’Obamacare, puis sur les propositions fiscales et le budget, puis sur le plafond de la dette… Les marchés financiers avaient anticipé ce choix présidentiel : ils n’ont pas été surpris et ont continué de monter. L’appétit pour le risque boursier continue, d’autant plus que les  compagnies ont clairement indiqué, comme les villes, qu’elles poursuivraient leurs efforts d’économie d’énergie et de recherche. Les Etats-Unis doivent en effet continuer à avancer sur les technologies propres, solaire, automobile, smart grids… au risque de perdre leur avance, si elles arrêtent.

Est-ce que la Chine va prendre la place américaine, en conduisant les émergents ? C’est le risque : la politique mondiale a horreur du vide et ce départ américain doit être comblé. Le 15 mai, la Chine réunit 64 pays à Pékin autour de son projet OBOR (One Belt One Road), soit 1/3 du PIB du monde et 60% de sa population. Elle veut plus de liens et d’échanges entre Asie et Europe, dans les cinquante ans qui viennent : un vrai projet. Quelques jours plus tard à Taormina, les 26 et 27  mai, se réunit un autre tiers du PIB mondial, mais avec 10% de la population et 7 pays seulement : le G7. Il discute et se distend, sur la sécurité et le climat, jusqu’au discours du 1er juin de Donald Trump. OBOR est là, si Trump s’en va.

Que va donc faire la zone euro ? Réagir ou périr, en regardant la démographie – dont on ne parle jamais. 2100, l’horizon climatique de la Cop 21, c’est aussi le moment où le continent européen aura 650 millions d’habitants, contre plus de 740 aujourd’hui et le continent africain 4,4 milliards, contre 1,2 aujourd’hui. Si la sécheresse s’installe, on imagine ses effets migratoires et violents. Or l’Europe est évidemment proche de l’Afrique, et Pittsburgh est bien loin (ce qui explique les choix américains). Un accord zone euro, Maghreb et Franc CFA (la zone euro en Afrique) : c’est fou. Tout comme le discours du 1er juin de Donald Trump ou surtoutcelui de Robert Schuman, le 9 mai 1950, lançant la CECA, entre France et Allemagne. On voit le temps qu’il a fallu, et le succès atteint, avec ses imperfections. C’est aujourd’hui un autre appel qui nous attend, pour nous protéger et nous renforcer, par les armes à l’Est, par des accords au sud. Il s’agit toujours de paix, de croissance et d’échange, avec des enjeux et des risques au moins cinq fois plus importants – fonction des populations en jeu.

Merci Donald Trump ? Merci au « pollueur clandestin », qui pollue au moins autant, alors que les autres font des efforts pour polluer moins, comme on dit pour ce « passager clandestin » qui ne paye pas ? Plutôt non !Merci à celui qui nous pousse à chercher plus avant pour avancer, économiser et contredire scientifiquement les « climatosceptiques » ? Plutôt oui. Ou alors, merci à celui qui nous permet ce fantastique paradoxe de l’histoire : nous reprendre et nous renforcer ? Merci Donald Trump,mais si nous comprenons qu’il nous laisse à nos risques, à nos responsabilités, à notre courage, à nos idées et à nos nouvelles alliances.

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