Menaces d’Armageddon ET discrètes propositions de coopération : Vladimir Poutine joue son propre en même temps et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine lors d'une visioconférence depuis le Kremlin.
Vladimir Poutine lors d'une visioconférence depuis le Kremlin.
©Alexei DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Guerre en Ukraine

Si un certain nombre de piliers du régime n’ont pas hésité à agiter la menace nucléaire, le président russe semble aussi miser sur les divisions de l’Occident pour préserver une part d’intégration de la Russie sur la scène internationale.

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

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Atlantico : Entre Menaces d’Armageddon et discrètes propositions de coopération Vladimir Poutine semble jouer son propre en même temps. Est-ce le cas ? Le Kremlin souffle-t-il le chaud et le froid ?

Viatcheslav Avioutskii : Oui. Avec la menace nucléaire, Vladimir Poutine voulait faire peur aux Occidentaux pour qu’ils livrent moins d’armes à l’Ukraine. Mais lors du sommet de de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) de Samarcande en septembre dernier, la Chine et l’Inde ont discrètement critiqué les menaces faites par la Russie dans leurs rencontres bilatérales et depuis, les menaces du Kremlin ont d'abord perdu d'intensité, puis ont cessé (certes ,quelques hommes politiques et présentateurs de télévision continuent à brandir cette menace, mails ils n'expriment pas les intentions officielles). Puis il faut préciser que cette menace d’Armageddon nucléaire s’est inscrite dans une période de temps très spécifique, entre août et novembre 2022, au moment même où l’armée russe faisait face à de nombreuses déconvenues sur le front.

Le Kremlin semble convaincu que l'Occident finira par se lasser de soutenir l'Ukraine. Poutine pense, par exemple, qu'il y aura des changements politiques en Occident qui pourraient être avantageux pour Moscou. Mise-t-il sur cette stratégie pour préserver une part d’intégration de la Russie sur la scène internationale ?

Poutine surestime sa capacité de nuisance. La Russie fut loin de provoquer des changements de résultats d’élections en Occident, malgré ces tentatives de le faire aux USA et en Europe. D’ailleurs, les partis pro-russes sur le continent européen ont changé d’avis sur la Russie. Après février 2022, l’attitude pro-russe s’est évaporée, et reste marginale aujourd’hui.

Cependant, il serait très inopportun de considérer Poutine comme un simple psychopathe. Il existe bien une stratégie structurée, celle de jouer sur plusieurs tableaux. Les menaces nucléaires et les ouvertures vers les négociations à partir de conditions préétablies par la Russie font partie de cette stratégie. Il n’empêche que cette stratégie est inadéquate, et ne permettra jamais à la Russie de gagner dans la guerre qu’elle a commencée en Ukraine.

Poutine a une vision erronée du monde extérieur; il ne comprend pas la nature de la démocratie et analyse l’Occident à travers sa propre vision totalement déformée. Poutine considère que l’identité européenne n’existe pas, d’où la stratégie de la Russie de ne pas négocier avec l’UE mais plutôt avec des pays membres. Il a toujours essayé de diviser l’UE. C'est un facteur permanent dans la politique étrangère de Poutine. Or c’est lui qui a consolidé la solidarité européenne puisque les membres de l’UE se sont liés contre lui.
A ce titre, même la Hongrie de Orban connu pour ses liens avec le régime russe fait partie de tous les paquets de sanctions contre la Russie. En Italie, même si son ancien allié Berlusconi se permet de tenir des propos favorables au chef du Kremlin, on voit que la cheffe du gouvernement soutient l’Ukraine (alors qu’elle est une alliée de Berlusconi en Italie dans le cadre de la coalition gouvernementale). Et vis-à-vis de la société américaine, on peut dire la même chose. Poutine pensait que les républicains étaient de son côté en s'opposant à la livraison d'armes à l'Ukraine alors que les démocrates soutenaient l'effort de guerre. Il avait même décalé l’évacuation de Kherson en pensant que les républicains allaient changer la politique des États-Unis envers la Russie en gagnant les Midterms. Il a eu tort sur toute la ligne. Les livraisons d'armes ont augmenté considérablement depuis les Midterms! Aucune fracture sur l'Ukraine n'existe entre les républicains et les démocrates.

Poutine reste également persuadé qu'il peut finalement rétablir les relations d'avant-guerre de la Russie avec l'Europe et que la Russie peut faire et fera à nouveau partie des structures économiques, énergétiques, politiques et sécuritaires de l'Europe s'il résiste suffisamment longtemps (comme l'a fait Bachar el-Assad au Moyen-Orient en restant au pouvoir en Syrie). Cela peut-il être une stratégie payante ?

Il existe des relations entre les pays européens et la Russie, mais qui restent marginales. Prenons l’exemple de la Norvège, pays allié des Européens, avec qui il existe des discussions sur les quotas de pêche ou l’exploitation de minerais. Ce sont des discussions qui concernent donc des sujets très précis et peu décisifs, limitées à une zone géographique très restreinte. De manière générale, Vladimir Poutine est complètement isolé par rapport aux Occidentaux. La Russie a d’ailleurs quitté le Conseil de l’Europe, et ne fait donc plus partie de la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme.

Pour rebondir sur le cas el-Assad, il n’y a pas du tout de réinsertion du président syrien sur la scène internationale, même s’il tente de retisser quelques liens avec une poignée de pays, comme la Tunisie, l’Égypte, les Emirats arabes unis ou Oman. C’est ce qui devrait arriver à la Russie, qui ne devrait pas regagner sa place de sitôt. 

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