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Mais pourquoi cette allergie française aux entreprises ?
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Ma petite entreprise

La campagne présidentielle en est encore la triste illustration, la France ne cesse de compliquer la vie de ses entrepreneurs là où les autres pays font tout pour les soutenir. Regard d'Alain-Dominique Perrin, ancien dirigeant des groupes de luxe Cartier et Richemont.

Alain-Dominique Perrin

Alain-Dominique Perrin

Alain-Dominique Perrin est un homme d'affaires et un collectionneur d'art. Il a été président de Cartier pendant 13 ans puis vice-président du groupe Richemont pendant quatre ans. Il est le fondateur de la Fondation Cartier pour l'art contemporain.

Il est le président l'Ecole des Dirigeants et Créateurs d'entreprise (EDC), son ancienne école dont il a initié le rachat en 1995 avec quelques 250 anciens élèves, entrepreneurs pour la plupart.

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Atlantico : Y a-t-il aujourd’hui un vivier européen d’entrepreneurs ? Les Européens ont-ils le goût d’entreprendre et d’innover ?

Alain-Dominique Perrin :Dans toute l’Europe, il y a un mouvement entrepreneurial beaucoup plus foisonnant qu’en France, notamment en Allemagne, en Angleterre, en Hollande et même en Italie. Les Italiens ont été très forts en matière d’aide à l’entreprenariat. Ils ont été les premiers à intégrer les entreprises elles-mêmes dans cette démarche. Il y a eu un mouvement, il y a très longtemps, pour encourager à la création dans le Mezzogiorno, le midi italien qui recouvre tout le centre du pays.

La France est très en retard dans ce domaine. Avec mes associés, nous avons été jusqu’à mettre cette notion dans le titre de notre école. Le succès est relatif : beaucoup de nos anciens élèves créent leurs entreprises. Mais il faut avouer que l’ambiance relayée par la campagne présidentielle ne va pas du tout dans le bon sens. Les candidats sont complètement fous.

Lorsque l’on voit la manière dont François Hollande traite les entrepreneurs, les riches et les gens qui ont du succès, c’est absolument décourageant. Ces gens sont pourtant ceux qui créent de l’emploi. Cette situation est parfaitement unique en Europe.

Comment expliquer ce retard ? Pourquoi et comment font les autres Européens pour stimuler leurs créateurs et les soutenir ?

C’est avant tout culturel. En France, on n’aime pas les patrons. On n’arrête pas de répéter que l’on veut voir les gens créer des entreprises, que la création d’entreprise est un bénéfice national, mais en même temps, on montre les patrons du doigt, on les traite de tous les noms et, dès qu’ils ont trois euros, on menace de les taxer à hauteur de 75%. Il y a toujours en France une forte capacité à admirer les réussites tout en les détestant en même temps. C’est une jalousie maladive qui existe depuis des siècles. Ce qui a abouti à l’abolition des privilèges et à la Révolution de 1789 est en train de revenir sous une autre forme.

Il est désespérant de voir un pays se trainer à ce point dans la médiocrité, par simple jalousie. Jamais vous n’entendrez dire du mal des entrepreneurs en Italie, en Espagne ou en Grande-Bretagne. Au contraire.

En Allemagne, on a développé un apprentissage reposant à la fois sur les universités, les écoles et les entreprises depuis 25 ans. Cela fonctionne très bien. En Grande-Bretagne, il y a un culte de l’entrepreneuriat, de l’argent et du succès. En Espagne, le réveil a été spectaculaire pendant 25 ans et a donné naissance à toute une génération de nouveaux entrepreneurs, même s’ils souffrent de la situation économique actuelle. Les Pays-Bas sont un pays historique de la création.

L’Union européenne met-elle en place les outils pour favoriser la création et encourager les entrepreneurs à lancer leurs projets ?

Je ne sais pas si des outils communautaires ont été mis en place. Par contre, il y a banques à qui on demande favoriser l’entrepreneuriat. Mais comme souvent avec les banquiers, elles ne font pas leur travail.

Nicolas Sarkozy a lancé une idée très intéressante : une banque de la jeunesse. S’il est élu, cette idée verra certainement le jour. C’est une idée que nous avons mis en place à notre échelle depuis une dizaine d’années : il s’agit d’un fonds d’argent frais destiné à cofinancer des projets de création d’entreprises de nos jeunes. Je suis très content de voir que la France a enfin la même idée. L'objectif est de faire se rencontrer capitaux et idées, permettant ainsi aux entrepreneurs de pouvoir lancer leurs projets.

Qui sont les créateurs aujourd’hui, où créent-ils ?

Il y a de tout. Si vous créez une entreprise de la génération Y qui repose sur Internet, vous pouvez fondamentalement vous établir n’importe où. Si vous créez une industrie, vous pouvez répartir les tâches entre différents secteurs géographiques. Dans le textile par exemple, rien ne vous empêche d’avoir vingt employés en France et 3000 à Hong Kong. Tout dépend de la nature de l’entreprise.

Ce qui compte, c’est surtout l’esprit d’entreprendre. Il faut avoir une idée. Les jeunes qui décident d’entreprendre ne se disent pas un jour « je veux entreprendre », ils se réveillent un jour en se disant « ça y est, j’ai une idée, je vais créer des bérets bleus et rouges ou des boulons carrés ». Ce qui compte, c’est d’avoir cette idée. A partir du moment où le créateur a son projet, il commence à entreprendre. Il faut alors mettre en branle ses réseaux et soutiens, qu’ils soient liés à son école, que ce soient des amis, des parents ou des banquiers.

Le problème en France, c’est que nous sommes justement très mal équipés pour cela. Les banquiers ont toujours été frileux. Même avant la crise, ils étaient hésitants.

Lorsque vous créez une entreprise, il ne faut pas que de l’argent. Il faut d’abord une idée, ensuite il faut la conceptualiser, la financer et enfin mettre en place son fonctionnement sur la durée. Si les réseaux sont importants pour obtenir les finances, il y a un vrai besoin d’obtenir également des conseils et un suivi.

On parle beaucoup de la fuite des cerveaux au sein des publics ayant un haut niveau de compétences. Observe-t-on le même phénomène chez les entrepreneurs ?

Le ton, en particulier de la gauche, dans la campagne, est à vous dégouter à jamais d’entreprendre. La création d’entreprise risque d’être encore plus en difficulté si la gauche est élue. Les entrepreneurs n’auront qu’une idée en tête : partir. Je pense que cette attitude reste un effet de manche idiot de la campagne actuelle et qu’elle devrait rapidement disparaître. Les candidats sont prêts à dire n’importe quoi pour séduire les masses d’électeurs. Alors on pousse les gens à jalouser ceux qui réussissent.

Cette attitude incite évidemment les créateurs d’entreprises à quitter le pays. On les pousse dehors de deux manières : en les taxant et en les stigmatisant. Si la gauche dure était élue, beaucoup de gens partiront. Parmi eux, des entrepreneurs. Ils n’auront pas besoin d’aller en Inde, ils pourront tout simplement s’installer en Belgique ou en Suisse.

Ceux qui décident de partir monter une entreprise en Inde, en Arabie Saoudite ou en Chine ne le font pas pour des raisons financières. C’est que ces destinations font partie de leur projet. Ceux qui veulent partir en Belgique, en Hollande ou en Angleterre, c’est parce qu’il fuit un régime qui est d’une médiocrité terrible.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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