Mais où sont les responsables politiques conservateurs issus de l’immigration ? Petit comparatif avec le Royaume-Uni <!-- --> | Atlantico.fr
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La Secrétaire d'Etat britannique à l'Intérieur Priti Patel participe avec le Premier ministre britannique Boris Johnson à une réunion du cabinet à Sunderland, le 31 janvier 2020, le jour où le Royaume-Uni quitte officiellement l'Union européenne.
La Secrétaire d'Etat britannique à l'Intérieur Priti Patel participe avec le Premier ministre britannique Boris Johnson à une réunion du cabinet à Sunderland, le 31 janvier 2020, le jour où le Royaume-Uni quitte officiellement l'Union européenne.
©Paul ELLIS / POOL / AFP

Classe politique

Contrairement à la France, le Royaume-Uni compte nombre de ministres ou députés aux racines étrangères qui ne s’enferment pas dans l’entretien -et l’exploitation électorale- de la victimisation des immigrés.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Alors qu’à l’image de la ministre de l’intérieur britannique Priti Patel, le nombre de députés conservateurs issu de l’immigration est de plus en plus visible, et la députation conservatrice semble plus accessible aux personnes issues de l’immigration au Royaume-Uni, la visibilité de certaines minorités au sein du camp conservateur permettrait-elle d’éviter que les fractures sociales qui nourrissent la gauche progressiste n’inondent le débat public ?

Edouard Husson : D'une manière générale, les Britanniques ont gardé une droite fière de ce qu'elle est. Et la raison en est quadruple: 1. Grâce à Churchill, le parti conservateur a marginalisé, au printemps et à l'été 1940 les "appeasers". Le parti conservateur britannique fut le grand artisan de la victoire contre le nazisme. C'est un avantage essentiel, comparé à la division de la droite française entre pétainisme et gaullisme. Ensuite, la décolonisation britannique a été infiniment moins dramatique que la décolonisation française. Il y a beaucoup moins, en Grande-Bretagne, cette construction d'un discours de ressentiment contre l'ancienne puissance coloniale, qui est l'un des drames de beaucoup de jeunes gens d'origine nord-africaine, en particulier algérienne, en France. Non moins important est l'alliance indéfectible, grâce à Margaret Thatcher entre droite et liberté - pas seulement économique. Priti Patel a grandi dans l'admiration de Madame Thatcher. Enfin, le Brexit crée une dynamique nationale que l'on sous-estime de ce côté-ci de la Manche. Vous parlez de fractures sociales. mais je crois qu'il s'agit en fait de fractures identitaires. Elles sont moins présentes en Grande-Bretagne, même si Jeremy Corbyn, pendant tout le temps où il était chef de l'opposition, s'est enferré dans une culture identitaire de gauche.

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Avoir des responsables politiques conservateurs issus de l'immigration permet-il de rééquilibrer les débats sur les questions (sécurité, immigration) et d'éviter de s'opposer les uns aux autres sur des considérations victimaires ? 

Il ne faut pas idéaliser le tableau. Par bien des aspects, les avertissements d'Enoch Powell, en 1968, sur les risques que faisaient peser une immigration massive issue de l'ancien Empire sur l'identité britannique étaient prémonitoires. Et de Gaulle ne parlait pas autrement à Alain Peyrefitte, quand il lui expliquait pourquoi il ne voulait pas d'une "Algérie française". Il n'y a pas de nation sans assimilation. Et il ne peut y avoir d'assimilation sans des limites mises au nombre de personnes à assimiler. Aujourd'hui, Londres ressemble plus à la juxtaposition de quartiers qui, culturellement, ne communiquent pas, qu'à une machine à assimiler. Et l'indifférence au multiculturalisme a produit un équilibre précaire. Il reste que l'économie britannique est, à la différence de l'économie française, un puissant vecteur d'intégration. Si les conservateurs continuent à s'assumer comme un parti de l'identité nationale - et l'on peut faire confiance à Nigel Farage pour les mettre sous pression - ils pourraient transformer cette intégration économique en assimilation politique.

La France demeure pauvre à cet égard, comment expliquer cet écart particulièrement visible ?

Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il y a eu un début d'émergence de personnalités qui auraient pu avoir le parcours d'une Priti Patel: Rachida Dati, Rama Yade, Jeannette Bougrab. Mais le président Sarkozy n'est pas allé au bout de la logique qu'il avait déclenchée. Il a renoncé à s'assumer de droite jusqu'au bout. Vous remarquerez que Marine Le Pen a échoué, elle aussi, à faire sa place à Jean Messiha dans son parti. C'est sans doute Jean Messiha qui ressemble le plus à Priti Patel sur l'échiquier politique français. Il a grandi dans l'admiration du Général de Gaulle comme Madame Patel de Margaret Thatcher. Il a réussi l'un des concours les plus difficiles de la République. Il n'a pas d'état d'âme sur sa propre identité. Mais la droite UMP/LR ne lui a jamais fait la place qu'il méritait, bien qu'il ait frappé à plusieurs portes. Et Madame Le Pen, qui est tellement une Française de droite qu'elle continue à répéter qu'elle ne veut pas être assimilée à la droite, l'a accueilli mais pour l'abandonner ensuite aux jeux d'appareil et, finalement, le laisser repartir. Finalement, c'est moins la culture politique britannique qui est admirable que la culture politique française qui est - momentanément - désespérante.

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