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Mais où est Gambetta ? Comment la France a totalement perdu le mode d’emploi de la réforme
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Politique 2.0

Depuis plusieurs années, la vie politique voit l'intensité des débats se durcir, à l'instar de ceux qui entourent aujourd'hui la réforme du collège, actuellement menée par Najat Vallaud-Belkacem. Une évolution qui s'explique par l'importance accrue de la technique au détriment du projet politique.

Jean Viard

Jean Viard

Jean Viard est directeur de recherches CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Il est spécialiste des temps sociaux (les 35 heures et les vacances), des questions agricoles et de l'aménagement du territoire. 

Il est l'auteur de Penser les vacances (Editions de l'Aube, 2007), et Eloge de la mobilité : Essai sur le capital et la valeur travail (Editions de l'Aube, 2008) et plus récemment de : La France dans le monde qui vient aux Editions de l'Aube.

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Atlantico : Que pensez-vous du débat actuel autour de la réforme des programmes et celle du collège ?

Jean Viard : Il y a un niveau de violence du débat politique que l’on n’avait pas observé depuis longtemps : cela a commencé sous Sarkozy et se poursuit sous Hollande. On est en permanence dans un procès en incompétence, c’est surréaliste, alors que toutes les équipes, de part et d’autre, sont compétentes. Ce procès est en réalité un procès en illégitimité car la droite ne digère par d’avoir été battue par la gauche, une gauche élue par des gens qui ont surtout voté par anti-sarkozysme.

LIRE AUSSI - Tempête sur la réforme du collège : comment Najat Vallaud-Belkacem et le gouvernement se sont eux-mêmes piégés en ratant la préparation de la loi

Ce procès en incompétence permet-il d’éviter d’aborder le fond ?

Il faut dire que ce n’est pas facile de parler de fond dans un monde médiatique qui est dans une logique de compétition. Les chaines d’info en continue sont sur du court terme, sur de l’immédiateté. Comment organiser un débat de fond dans une société qui a besoin de buzz ? On n’a pas réussi à trouver la solution.

Vous voulez dire que le grand débat sur Maastricht entre Séguin et Mitterrand ne pourrait plus avoir lieu ?

Il y a encore des personnalités politiques comme Ségolène Royal, Laurent Fabius ou Jack Lang qui peuvent débattre parce qu’ils sont imprégnés de leur sujets mais pas Najat Vallaud Belkacem, qui est arrivée il y a peu de temps… On ne peut pas dire que, depuis 30 ans, elle se passionne pour les questions d’éducation. Or, il est tellement compliqué de réformer l’école que ça ne peut pas être fait par quelqu’un qui n’est pas passionné. Et puis, ce ne sont pas les militaires qui doivent déclencher les guerres, ce sont les politiques, et de la même manière ce sont les politiques qui doivent initier et mener les réformes, or cette réforme est celle des technos.

Trouvez-vous qu’elle n’a pas su présenter son texte ?

On ne croit plus dans les mots aujourd’hui, donc quand la ministre dit "on va favoriser les milieux populaires" ça ne veut plus rien dire. Comme les politiques sont discrédités, il faudrait que ce soit les intellectuels qui portent ces sujets. On pourrait aussi prendre des panels de gens, 10 parents par exemple, que l’on ferait travailler sur le texte et qui en seraient ensuite les relais. En France, il y a des régions qui font ça très bien. Il faut inventer de nouveaux médiateurs.

Pour quelle raison la parole politique n’est-elle plus entendue ?

Pour la gauche, l’école est un enjeu absolument central car l'éducation représente la richesse du peuple. Or il n’y a eu aucun discours fondateur sur ce thème-là. Il y a eu, de la part de François Hollande, un discours quantitatif sur le nombre de professeurs mais pas de discours réellement fondateur. Le problème de fond, c’est notre capacité à produit de grands discours. On a pu le constater sur la réforme territoriale, on ne nous a pas expliqué à quoi cela servait. Où est Gambetta ? Le monde politique ne porte plus de grands discours de civilisation car il est composé de techniciens. Or, un discours, une vision, aurait été d’autant plus nécessaire que l’on touche à des fondements de notre identité à un moment où l’on réorganise totalement ce que signifie être français. En touchant au latin, personne n’a pas réalisé qu’on enlevait une pierre angulaire de cette identité. C'est d'ailleurs ce que je trouve drôle car les grecs et les romains, au fond, nous ont colonisé. Moi, je réclame des cours de gaulois !

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