Mais comment s'y retrouver parmi les signaux contradictoires sur l'état de l'économie<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire économie crise
Bruno Le Maire économie crise
©ERIC PIERMONT / AFP

C'est grave ou pas tant que ça, docteur ?

La crise générée par la pandémie Covid-19 est sans précédent dans le monde contemporain ce qui explique une part de l'incertitude sur notre horizon économique. Mais savons-nous vraiment regarder les bons indicateurs ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico.fr : Face à la crise économique générée par la pandémie de Covid-19, savons-nous regarder les bons indicateurs ? 

Philippe Crevel : La crise économique actuelle est sans précédent car elle a été générée volontairement et a pris la forme d’un arrêt sur image, d’une mise à la cape. Quand la production s’arrête, le Produit Intérieur Brut baisse. C’est logique. Certains ont cru qu’après le confinement, il y aurait compensation. Mais quand un individu, a coupé ses cheveux, il ne retourne pas le lendemain chez le coiffeur. D’autres ont pensé qu’il y aurait une panne durable de la croissance. Cela n’est pas le cas. Le retour à la normale s’effectue malgré une forte dose d’incertitudes. Les Français conservent leur épargne de précaution astronomique constituée durant le confinement pour faire face à des aléas  liés aux revenus, à l’emploi ou à la santé.

Le taux de croissance ne doit pas être regardé sur un mois même sur trois mois. Il faut prendre un peu de hauteur. Par ailleurs, certains ont pu considérer que le ralentissement de l’activité a été bénéfique à la nature ; d’autres qu’il a permis aux uns et autres de relativiser leur situation, voire d’imaginer d’autres projets. Tout cela n’est pas mesurable. En outre, ce ralentissement contraint a été amorti par une injonction de liquidités, de prêts qui en ont atténué les effets.

Les signaux sur l'état de l'économie sont contradictoires et il y a eu moins de défaillance d’entreprise à la même époque l'année dernière. Est-ce que cette incertitude économique telle qu’on la voit est vrai ou est-elle seulement liée à certains indicateurs moyens ?

Après le point bas atteint en avril, l’économie française a redémarré et a retrouvé un niveau proche de celui d’avant crise. C’est le cas en particulier de la consommation des ménages. La consommation des services demeure en retraite en raison de la faible présence de touristes étrangers et du faible redémarrage des activités culturelles. En juillet et août, l’économie tourne à 95 % de son niveau d’avant crise. Le chômage partiel et les prêts garantis aux entreprises jouent le rôle d’amortisseur pour les secteurs les plus fragiles, le tourisme et le transport. Il en résulte pour le moment un faible nombre de défaillances d’entreprises. C’est une bonne nouvelle à court terme mais qui pourrait se retourner contre l’économie française. Les Prêts Garantis par l’Etat permettent la survie d’entreprises non rentables, ce qui pèse sur la croissance potentielle du pays. Les entreprises dites « zomblies » représenteraient 12 % du tissu économique du pays. Aux Etats-Unis, les autorités privilégient le renouvellement des entreprises pour asseoir la croissance de demain et donc les créations d’emploi.

On a tendance à raisonner sur l’échelle de la France en terme d’analyse alors qu’il existe de grandes disparités régionales. Pourquoi nos indices économiques ne reflètent-ils pas une réalité de terrain ?

L’INSEE comme la Banque de France utilisent des indicateurs de plus en plus fins et régionaux. Avec la crise sanitaire, ils ont eu recours au big data afin de suivre l’activité en temps réel. Avec les débits de cartes bancaires, avec les déplacements de population donnés par Google ou Apple, il est possible de connaître la fréquentation au sein des centres commerciaux. Ils suivent la consommation d’électricité ou de carburants. La Banque de France est capable de déterminer au niveau des agglomérations, le montant des dépôts à vue, des livrets d’épargne. Ainsi, elle a souligné que l’épargne contrainte liée à la Covid-19 avait été essentiellement réalisée au sein des grandes villes. Les ménages y ont des revenus plus aisés et ont eu moins d’occasion de dépenser du fait de la fermeture des salles de spectacles et des restaurants. L’INSEE a établi que la Corse est la région qui a enregistré le plus fort recul du PIB au deuxième trimestre car elle dépend plus que les autres du tourisme. De même, il a souligné que l’Île de France a été fortement touchée en raison du rôle du commerce international, du tourisme et de l’industrie. En revanche, les départements plus agricoles ont été moins pénalisés.

Est-ce qu’il est possible de faire une analyse fiable de notre situation ? Peut-on faire confiance aux indicateurs ?

Des progrès importants ont été réalisés par les instituts de conjoncture ces dernières années. Le suivi est de plus en plus précis et rapide. Un indicateur reste un indicateur. Il ne peut à lui seul pas prétendre décrire la situation de telle ou telle branche, de telle ou telle ville. L’INSEE comme la Banque de France sont, à juste titre, des sources faibles, reconnues au niveau international. Le reproche de prudence, de lenteur, souvent énoncé, est lié à la volonté de ces organismes de vérifier les données. La mise en place de nouveaux instruments de mesure est complexe. Malgré tout, les bulletins de conjoncture de l’INSEE de ces derniers mois ont prouvé que ce dernier était capable de modifier son fonctionnement en pleine crise.

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