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Mais à quoi joue Pierre Gattaz ?
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

Au début, Pierre Gattaz, avec ses allures de notable provincial, amusait le monde patronal. Il lui arrivait même d’impressionner les chefs d’entreprise avec ses postures anti-Hollande. Aujourd'hui, elles n'amusent plus personne et inquiètent les patrons.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis 15 jours, Pierre Gattaz semble avoir égaré ses écrans radars. Il dit tout et son contraire à tel point que le monde patronal, qui a besoin de boussole, se demande vraiment à quoi il joue et quelle est sa stratégie. Il y a quinze jours, il a quasiment annoncé son départ en disant que non seulement, il ne se représenterait pas mais qu’en plus il allait essayer de réformer les statuts du Medef pour que le mandat ne soit pas renouvelable.

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La proposition n’a aucun intérêt. Elle a inquiété tout le monde patronal qui ne s’y attendait pas et a dévalué l’autorité du président du Medef. C’est dommage parce que les premières années de son mandat lui avaient permis de relever l’image et l’efficacité du Medef en faisant la principale force d’opposition au gouvernement socialiste.

Il y a deux jours, il a fait encore plus fort pour déstabiliser le monde patronal en dénonçant "un niveau de dividendes distribués excessif", en regrettant que l’économie française soit trop financiarisée. Ce jeu de petites phrases déboussole complètement le monde des patrons et des PME.

D’une part parce qu'il dit l’inverse de ce qu'il avait déclaré au moment de l’affaire Sanofi. Il expliquait alors que le niveau des rémunérations ne relevaient pas du débat politique mais du marché et que si le nouveau patron touchait un bonus de 4 millions c’était pour compenser le manque à gagner qu’il aurait subi à rester en Allemagne. Ce qui est la stricte vérité.

Ensuite, il vient caricaturer l’économie financière comme l’aurait fait Francois Hollande au moment du Bourget pendant la campagne présidentielle. Pierre Gattaz aurait voulu faire plaisir à l’extrême gauche qu’il n’aurait pas fait autrement. Enfin, l’ensemble des économistes proches du patronat expliquent qu'il a complètement tort.

Les difficultés françaises sont liées en partie à l’insuffisance d’investissement. Donc à l’insuffisance de la rémunération du capital. L’entreprise a besoin de dividendes pour se financer parce qu’elle ne trouve plus sur le marché que du crédit bancaire extrêmement  frileux.

Le moment est plutôt malvenu pour critiquer un excès de dividendes. Ces dividendes ne sont pas gaspillés. Ils sont réinvestis dans l’économie. Si Pierre Gattaz lui-même n’explique pas cette évidence, qui le fera ? On ne va tout de même pas attendre Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen pour combler ce déficit de pédagogie.

Les grands comme les petits patrons sont d’autant plus furieux que le Medef est incapable d’offrir une boussole et tracer un cap. Tout se passe comme si les vrais problèmes stratégiques n’intéressaient pas le patronat.

Les chefs d’entreprise attendent de grandes reformes libérales qui ne viendront pas de la gauche, mais pas forcément non plus de la droite si elle revenait au pouvoir. L’opposition n’a pas travaillé. Elle n’a pas de projet, pas de programme, pas plus Nicolas Sarkozy qu'Alain Juppé.

Le monde patronal a besoin d’être rassuré sur trois dossiers.

Le premier, c'est l'Europe. L’échec de la Grèce ont rendu service aux partisans d’une réforme fédérale. L’euro est difficilement compatible avec le nationalisme et le protectionnisme mais il a besoin d’une démocratie à l’échelle européenne, une gouvernance fédérale. L’échec des Grecs a forcément renforcé l’Europe et développé la nécessite de l’idée fédérale. A force de dire que les Etats-Unis ont mieux géré la crise que nous, on en arrive à reconnaitre que leur structure fédérale leur a donné les moyens d’actionner les leviers du redressement. Sur ce dossier d’une Europe fédérale, le Medef est complétement absent.

Le deuxième dossier, c'est la mondialisation. Les grandes entreprises n’ont d’avenir qu’au niveau mondial et le Medef ne dit pas un mot sur la nécessité d’une régulation mondiale et surtout, sur la nécessité d’une collaboration plus forte entre les sous-traitants et leurs clients. L’automobile française est forte au Brésil et en Asie parce que les grandes marques françaises ont emmené les PME avec eux.  

Le Medef est complétement absent de ce dossier. Il ne s’intéresse qu’à la composante compétitivité prix et charges, droit et coût du travail. Rien sur les relations entre les donneurs d’ordres et leurs sous-traitants, rien sur la régulation du commerce mondial.

Troisième dossier, la politique monétaire. Le Medef, à juste titre, a participé au changement de braquet de la BCE. Le Medef n’a pas rappelé les conditions nécessaires de réforme qu’il fallait installer.

Le Medef n’a pas dit un mot sur le débat qui agite tous les milieux financiers :  le risque de bulle sur les valeurs technologiques. Il est évident que cette masse de liquidités distribuées par la réserve fédérale ou la banque d’Angleterre s'est agglutinée à la bourse sur les valeurs de la haute technologie. Exactement comme en l’an 2000. D’où les survaleurs en bourse qui risquent d’éclater. C’est l’inquiétude de tous les économistes, même ceux de la FED.

Que fait Pierre Gattaz ? Que prépare-t-il ? Nul ne le sait. Il prépare son retour dans l’entreprise familiale. Mais les patrons ne l’ont pas élu pour qu’il retourne au bercail. Ils l’ont élu pour qu’il les défende.    

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