Lutter contre les déserts médicaux : Les propositions innovantes des départements<!-- --> | Atlantico.fr
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Les départements peuvent apporter des solutions dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux.
Les départements peuvent apporter des solutions dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux.
©LOIC VENANCE / AFP

Santé

Gérant quotidiennement l’enjeu des soins de premier recours, les départements ont élaboré un corpus de propositions transmises à Elisabeth Borne au mois de février dernier. Ces solutions visent à dessiner des réponses résolument opérationnelles.

Philippe Gouet

Philippe Gouet

Philippe Gouet est président du Conseil départemental de Loir-et-Cher et président du Groupe de travail Santé de « Départements de France ».

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Déserts médicaux… L’expression est désormais bien ancrée. Quand pour nombre de nos concitoyens, selon le lieu où ils vivent, trouver un médecin traitant devient à ce point insoluble, c’est notre pacte républicain tout entier qui est mis à mal. Mais de quoi parle-t-on précisément ? Quelques chiffres permettent de mesurer l’ampleur du défi, la chute de la démographie médicale révèlant une trajectoire très inquiétante. Ainsi, selon l’Assurance maladie, là où 5,1 millions de Français se trouvaient sans généraliste en 2017, ils sont aujourd’hui plus de 6,3 millions dans cette situation. En moins de quatre ans (de 2017 à 2021) le taux de patients de plus de 17 ans n’ayant pas de médecin traitant a augmenté de 1,2 point, passant de 9,8% à 11%. A cela s’ajoute la disparition quasi complète de certaines spécialités, par exemple la pédopsychiatrie : vingt-cinq départements sont aujourd’hui soit totalement dépourvus en la matière, soit dotés de services uniquement ambulatoires, ce qui porte à 4 pour 100 000 (!) la proportion de pédopsychiatres pour les moins de 15 ans, les trois quarts de ces praticiens étant en outre des sexagénaires.

En octobre 2022, 4000 soignants intervenant dans le domaine de la pédiatrie avaient alerté le Président de la République, soulignant la « mise en danger » quotidienne d’enfants exposés à cette « dégradation criante des soins ». Un rappel : en cinq ans, en matière de mortalité infantile, la France a connu une dégringolade implacable, voyant des pays comme la Pologne ou la Roumanie afficher de meilleurs résultats. Constat terrible qui peut s’appliquer également aux EPHAD, à tout le secteur médicosocial, ainsi qu’aux chirurgiens-dentistes et aux professions para-médicales, confrontés chroniquement à l’impossibilité de recruter les professionnels indispensables.

L’exécutif a certes préconisé le déclenchement, là où c’est nécessaire, de « plans blancs » censés battre le rappel du personnel supplémentaire, le tout assorti de 150 millions d’euros pour l’ensemble des services hospitaliers « en tension ». Effort louable mais dédié exclusivement à l’urgence. Car disons-le : les plans blancs consistent surtout à déprogrammer des interventions déjà programmées…

Gérant quotidiennement l’enjeu des soins de premier recours, les départements ont élaboré un corpus de propositions transmises à Madame Elisabeth Borne au mois de février dernier. Conçues par le Groupe de travail Santé de l’association « Départements de France » (DF) que j’ai l’honneur de présider, elles visent à dessiner des réponses résolument opérationnelles.

Citons par exemple la mise en place d’un système de conventionnement incitatif des médecins, qui permettrait de « stimuler » leur installation dans les zones mal pourvues, en faisant varier le montant de la consultation selon le secteur géographique considéré. Autre levier : assumer la coexistence entre exercice libéral et salarié au sein des centres de santé, ce qui renforcerait utilement les dispositifs déjà existants. Lutter contre les déserts médicaux implique aussi un meilleur usage de la télémédecine. Celle-ci désigne une réponse très pertinente dès lors qu’elle respecte des standards de qualité exigeants et labellisés. 

Son déploiement se heurte pourtant aujourd’hui à un avenant de la convention médicale qui limite à 20% la proportion maximale autorisée dans ce cadre. Gageons que dans les territoires ruraux en particulier, faire sauter ce verrou faciliterait l’accès aux soins de nombreuses personnes, notamment les plus vulnérables. Plus largement, les dispositifs de e-médecine et d’e-santé doivent être réellement développés.

Sur chacun de ces « chantiers », la place et le rôle des départements, au cœur des politiques sanitaires dans notre pays, devraient être renforcés. Un tel parti-pris permettrait de clarifier un paysage où la multiplicité des acteurs et des strates est souvent source d’inefficacité. Il devient donc urgent de mieux associer nos collectivités, en particulier à la coordination de l’offre et de l’accès aux soins et de clarifier leurs articulations avec les ARS (Agences Régionales de Santé).

L’ensemble de ces pistes sont sur la table de Matignon. Si elles n’ont pas la prétention de constituer les seules options envisageables, elles émanent de ceux qui, en première ligne sur le sujet, ont la faculté de calibrer des dispositifs diversifiés, en lien avec le terrain et à la bonne échelle. Dotés des moyens dédiés, les départements peuvent contribuer à une « nouvelle donne » dans ce combat essentiel contre les déserts médicaux.

Philippe GOUET

Président du Conseil départemental de Loir-et-Cher

Président du Groupe de travail Santé de « Départements de France »

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