Loi immigration : ce noeud idéologique toxique qui se cache derrière le refus farouche de conditionner les allocations non contributives à une durée de résidence en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors d'une déclaration officielle.
Emmanuel Macron lors d'une déclaration officielle.
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Préférence citoyenne

La version votée par LR et l’UDI prévoyait au Sénat cette conditionnalité des aides sociales. La gauche comme une partie de la majorité relative ne veulent pas en entendre parler.

Philippe Fontana

Philippe Fontana

Philippe Fontana est avocat au barreau de Paris et auteur du livre "La vérité sur le droit d'asile" paru aux Editions de l’Observatoire

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Atlantico : Comment le principe de "préférence nationale" est appliqué dans d’autres pays ou même de facto en France sur un certain nombre de points ? 

Philippe Fontana : Aux Etats-Unis, la loi régule le marché du travail : les entreprises qui emploient au moins 15%  d’étrangers bénéficiaires du fameux visa de travail H-1 B doivent faire des offres préalables d’emplois réservées aux Américains. L’administration américaine de Joe Biden vient de renforcer les dispositions du Buy American Act. Par ailleurs, le Small Business Act de 1953 impose à l’administration de réserver aux PME/PMI américaines 23% de ses marchés publics fédéraux directes et 35% des contrats de sous-traitance de ses maîtres d’œuvre industriels.

En Suisse, et depuis le 1er juillet 2018, est entré en vigueur un texte voté par le Parlement accordant la préférence nationale pour 300 métiers. Une amende de 35.000 francs suisses vient sanctionner la violation de ces dispositions.

Par ailleurs, le principe de « préférence nationale » est inscrit en toutes lettres à l’article 121 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse intitulé : « gestion de l’immigration ». « Les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale ». Et pour éviter tout conflit de normes, la Constitution suisse précise à l’alinéa suivant : « Aucun traité international contraire au présent article ne sera conclu ».

En France, seule subsiste une maigre préférence nationale pour des emplois de la fonction publique. Sous la pression de normes internationales (Convention 118 de l’OIT, Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe, Convention européenne des droits de l’homme, divers textes communautaires, accords UE-pays tiers, accords d’Évian, etc.) imposant l’égalité de traitement et prohibant les discriminations, la condition de nationalité pour accéder à certaines prestations non contributives (allocation aux adultes handicapés, allocations du minimum vieillesse et du minimum invalidité) a été supprimée dans les années 1990.

Et à l’étranger, ce débat a-t-il une aussi grande importance ?

Oui, mais à l’inverse de la France, la préférence nationale est plébiscitée. Les élections d’octobre 2023 ont été un triomphe pour l’UDC, qui a remporté 69 des 200 sièges du Conseil national (9 de plus qu’en 2018). A l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC), les Suisses ont adopté en 2014 une votation contre « l’immigration de masse ». Aux Etats-Unis, la devise de Trump, qui lui avait permis de remporter les élections  présidentielles, est : « acheter américain, embaucher américain ». 

Comment la gauche en est-elle arrivée à considérer que l’appartenance à la communauté nationale relevait d’une vision raciste du monde ?

En matière d’immigration, les combats de la gauche sont connus : hostilité à la réforme du droit du sol conférant mécaniquement la nationalité française à toute personne née sur le territoire national, même sans aucun attachement à la France ; régularisations massives : si le texte de la Commission des lois de l’Assemblée nationale avait été adopté, ce seraient 100.000 travailleurs qui auraient été régularisés, selon les déclarations du monde syndical en début de semaine. En 2022, ils n’avaient été que 11.000. Enfin, c’est le refus de conditionner l’octroi d’aides sociales à une présence plus ou moins longue sur le territoire national. C’est la gauche qui utilise à tort et à travers des accusations de racisme, totalement ubuesques. Un seul exemple, lorsque Benoît Hamon, recyclé comme directeur général de l’ONG Singa, tournée vers l’accueil des réfugiés, juge dans Libération du 18 décembre 2023 : qu’ « un étranger en situation irrégulière, salarié payant des cotisations sociales qui n’a pas le droit de toucher des allocations, contrairement aux autres citoyens, c’est de la préférence nationale, c’est raciste ».

Une césure s’est produite, au profit de la gauche. Il y a plus de trente ans, Édouard Balladur avait ainsi proposé d’introduire la « préférence nationale » pour les prestations familiales (Douze lettres aux Français trop tranquilles, Fayard, 1990).

Le juge de l’Union européenne a, de son côté, confirmé que l’exigence d’une durée de résidence préalable, a fortiori si cette durée est importante, est contraire à l’égalité de traitement. Par exemple, dans un arrêt du 20 juin 2002 (C-299/01), la Cour de justice a condamné le Luxembourg qui, pour l’attribution de son revenu minimum garanti, imposait une durée de résidence préalable de cinq années.

Ainsi, si la rédaction sénatoriale de la loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » était adoptée, une modification de la Constitution serait nécessaire pour aller plus loin dans le rétablissement de la préférence nationale.

Pourquoi cette posture est-elle toxique ? En suivant cette logique, pourquoi ne pas accorder le droit de vote en France à n’importe quel étranger de passage sur le territoire français ?

La gauche entend privilégier la lutte contre les « discriminations ». Pour elle, la première d’entre elles est la différence de traitement entre nationaux et étrangers. D’où sa volonté d’accorder le droit de vote aux étrangers dans les années 80. François Mitterrand en a fait un marqueur de rassemblement de son camp, quasiment à chaque échéance électorale.

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