Logements sociaux : la carte des besoins réels polluée à l'idéologie<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement souhaite construire 150 000 logements sociaux par an.
Le gouvernement souhaite construire 150 000 logements sociaux par an.
©Reuters

Des HLM partout !

Les députés ont adopté le relèvement de 20 à 25% du taux obligatoire de logements sociaux dans les communes des territoires SRU. Des zones qui oublient la moitié de population française, alors qu'elle aussi éprouve des difficultés à se loger.

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Construire, ou plus exactement financer, 150 000 logements sociaux par an peut paraître un objectif réalisable, dès lors qu’il est porté par une large part de la société française. Tous les sondages qui ont été réalisés durant la campagne présidentielle en ont attesté, comme d’ailleurs les programmes des principaux candidats à la présidence de la République. D’autant que depuis 2009, de l’ordre de 140 à 145 000 locatifs sociaux ont été financés chaque année et que près de 300 000 logements sociaux ont été mis en chantier, au total.

Mais derrière l’objectif, une question demeure : où faut-il construire ces logements locatifs sociaux ?

L’article 55 de la loi SRU prévoyait, pour simplifier, que les communes de plus de 3500 habitants situées dans des aires urbaines de plus de 50 000 habitants (avec commune centre de plus de 15 000 habitants) doivent atteindre 20 % de logements sociaux à l'horizon 2020. A mi 2011, 1 775 communes étaient ainsi concernées : elles représentaient 5 % de l’ensemble  des communes et 34,5 millions d’habitants (55 % de la population). Parmi ces communes, d’après le ministère du Logement, 980 se situaient en-dessous du seuil de 20 % : elles regroupaient alors 15 millions d’habitants.

A la lecture de ces chiffres, on est tenté de penser qu’ailleurs sur le territoire tout va bien, qu’il n’y a guère de difficultés à se loger et que c’est bien pour cela que les politiques publiques se sont progressivement focalisées sur les territoires SRU. Ainsi, si on se limite (par exemple) aux communes de moins de 10 000 habitants (dont les communes rurales), elles ne représentent que de l’ordre de 13 % des logements locatifs sociaux. Et pourtant, ces communes logent 36 % de l’ensemble des ménages. En outre, dans ces communes, on compte 38 % des ménages pauvres et très modestes, soit plus de 2,9 millions de ménages !   

Alors que dans les communes de plus de 200 000 habitants et en Ile de France, qui regroupent 40 % des ménages, on compte presque autant de ménages pauvres et très modestes, mais 56 % de l’ensemble des logements locatifs sociaux !

Au strict plan quantitatif, il n’y a donc guère de raison de ne pas élever l’offre locative sociale partout sur le territoire. Et le raisonnement tient toujours si on considère les niveaux de revenus des ménages : par exemple d’après l’INSEE, le salaire moyen par habitant était en 2009 deux fois plus élevé en l’Ile-de-France qu’en Auvergne ou en Bretagne, sachant que les revenus parisiens sont de 30 à 35 % supérieurs à la moyenne des revenus franciliens.

L’augmentation du seuil SRU de 20 à 25 % ne peut de ce fait qu’interroger. Certes, il va faire rentrer dans le périmètre du dispositif 106 communes nouvelles, toutes s’inscrivant sur ces territoires qualifiés de « tendus » pour mieux justifier de l’action publique en leur faveur (en sacrifiant au passage les zones B2 et C pour mieux concentrer l’action publique dans les zones A et B1 où elle paraît la plus visible). Mais au-delà de cette « raison », il ne semble pas que l'utilité de passer à 25 % sur un petit nombre de communes ait été établi sans conteste : alors qu’il aurait pu paraître plus logique de fixer un objectif de 15 % dans tous ces territoires où la « demande sociale » est forte mais ne peut s’exprimer faute d’une réponse publique.

Sur ces territoires où il n’y a pas d’offre locative sociale parce qu’on estime qu’il n’y a pas de tensions, les ménages qui se constituent ou ceux qui ont des revenus modestes ont en effet un choix très limité pour se loger. S’ils optent pour l’accession à la propriété dans le neuf, l’incitation publique via le PTZ+ a été fortement révisée à la baisse : et ils ne peuvent même plus envisager d’acheter une « vieille maison » pas chère puisque le PTZ+ a disparu dans l’ancien. S’ils optent pour le locatif privé, il est souvent de  qualité médiocre car dans ces territoires, les propriétaires ne disposent pas des revenus locatifs nécessaires au financement des travaux.

Et pourtant, ces territoires (et pour simplifier une moitié de la population) passent pour les grands oubliés des 25 %. Comment dès lors comprendre cela ? Quelques explications (parmi d’autres) peuvent retenir l’attention.

Peut-être parce que les pouvoirs publics ne croient pas en en « cette contractualisation avec l’Etat » que le monde HLM appelle de ses vœux pour « atteindre l’objectif », alors que l’expérience du seuil de 20 % leur a montré que l’obligation faite avait fortement contribué à la montée en puissance du niveau de la construction locative sociale (le bâton plutôt que la carotte !). Aussi parce que les services de l’Etat savent que la demande de logements sociaux ne peut être satisfaite en zone B2 et C avec des PLS (prêt locatif social), ce logement intermédiaire tant prisé par les classes moyennes à Paris et dans les grandes villes, et que dans ces territoires, même les logements sociaux classiques (les PLUS, prêt locatif à usage social) sont trop chers pour cette demande.

Il faudrait donc des PLAI (Prêt locatif aidé d'intégration), les logements les plus sociaux et aussi les plus couteux en subventions et aides publiques. Par exemple, alors qu’un PLUS ne « sort » qu’avec un total d’aides (subventions, TVA réduite, exonération de TFPB …) représentant 40 % du prix de revient du logement, cette proportion s’élève à près de 55 % pour un PLAI ! Le calcul est rapide si on veut faire masse. D’autant qu’en concentrant l’action sur les territoires au potentiel fiscal les plus élevés, on maximise les chances de réalisation de l’objectif en réduisant le coût budgétaire résiduel pour l’Etat (c’est cette logique du transfert de la charge sur d’autres acteurs déjà bien éprouvée avec le 1 % logement).       

Alors dans une période qui conjugue une insuffisance marquée de l’offre de logements et une raréfaction prononcée des ressources d’intervention publique, faut-il sacrifier une partie des territoires ? Ou faut-il réfléchir sur la mise en œuvre des mécanismes de solidarité existant par la loi mais (très) rarement mis en œuvre ? Telle par exemple, la vente de logements locatifs sociaux pour aider à financer (en mobilisant les fonds propres) l’effort nécessaire de construction sociale, partout.

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