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Intervention en Libye : 
la Défense européenne n'existe pas
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Crise libyenne

La fin du régime de Kadhafi semble proche. Pour la première fois, les Américains ont laissé les Européens aux commandes d'une opération de l'OTAN. Pour quels résultats ?

Jean-Bernard Pinatel

Jean-Bernard Pinatel

Général (2S) et dirigeant d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel est un expert reconnu des questions géopolitiques et d'intelligence économique.

Il est l'auteur de Carnet de Guerres et de crises, paru aux éditions Lavauzelle en 2014. En mai 2017, il a publié le livre Histoire de l'Islam radical et de ceux qui s'en servent, (éditions Lavauzelle). 

Il anime aussi le blog : www.geopolitique-géostratégie.fr

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La gestion de la crise libyenne a été un révélateur extrêmement riche d’enseignements géopolitiques.

Sur un plan politique

Les États-Unis d’Obama, confrontés à une crise économique et financière et à des opérations de désengagement difficiles à gérer d’Irak (planifié pour fin 2011) et d’Afghanistan (planifié pour fin 2013), ont laissé le leadership des opérations militaires en Libye aux européens, alors que la coalition utilisait  la structure de commandement militaire de l’Otan qu’ils se sont efforcés de diriger sans partage  jusqu’à présent.

La crise a confirmé que l’Europe de la Défense n’existait pas. Comme l’a souligné Robert Gates[1] avec raison, seuls 6 pays européens sur 27 (Belgique, Danemark, France, Italie, Norvège et Royaume-Uni) ont participé  aux frappes aériennes en Libye. Gates a attribué cette absence de soutien à une insuffisance de capacités militaires : « Franchement, bon nombre de ces alliés restent à l’écart, non pas parce qu’ils ne veulent pas participer, mais simplement parce qu’ils ne peuvent pas. Les moyens militaires ne sont tout simplement pas là », a déploré M. Gates.

Alors que les avancées économiques et financières sont, le plus souvent, le fait du couple franco-allemand, sur le plan militaire c’est  l’alliance franco-britannique qui a été le moteur de cette intervention et ce sont les avions et hélicoptères de ces deux pays qui ont  réalisé plus de 80% des missions.

La Turquie qui initialement à tout fait pour freiner la dynamique franco-britannique et apparaître comme l’initiateur d’une solution de compromis en Libye entre le clan Kadhafi et le CNT n’a pu imposer ses vues du fait du désengagement américain. Sa place dans l’OTAN doit être réexaminée dès lors qu’il apparaît aujourd’hui clairement que les dirigeants turcs ont réussi à détricoter progressivement le legs laïc d’Atatürk et mis en place une démocratie islamique, incompatible avec une intégration dans l’Europe dont, d’ailleurs, ils ne veulent plus.

L’existence d’un espace méditerranéen partageant les mêmes valeurs de démocratie, de développement économique et de règlement des différends par la négociation n’est plus une utopie mais devient un objectif soumis au règlement du conflit israélo-palestinien et à la question syrienne pour lesquels les solutions sont loin d’être évidentes et demanderont une implication accrue des européens

Sur un plan militaire et opérationnel

La stratégie d’attrition[2] du potentiel militaire libyen planifié par l’OTAN a été l’élément déterminant du succès des insurgés.

Le rôle des forces spéciales infiltrées en Libye pour désigner les objectifs, la valeur opérationnelle des équipages, les règles d’engagement très strictes mises en place  ont permis de réaliser cette destruction progressive du potentiel militaire de Kadhafi avec des dégâts collatéraux très limités par rapport à ceux résultant des engagements américains en Irak et en Afghanistan.

Enfin, et c’est à mettre au crédit de l’ensemble des forces engagées et de la qualité des équipements mis en œuvre, 5 mois d’opérations quotidiennes ont été réalisées sans aucune perte du côté de nos forces alors que plus de 2000 cibles  militaires libyenne ont été détruites.

Sur un plan médiatique

Internet et les réseaux sociaux ont été des sources essentielles pour combattre la propagande du clan Kadhafi et ont permis de compenser le faible nombre d’envoyés spéciaux du côté insurgés sauf au cours de ces derniers jours

Il faut rendre hommage aux envoyés spéciaux à Tripoli d’avoir toujours su garder de la distance par rapport  aux opérations de relations publiques organisées par le régime.

Une fois de plus, il s’est avéré que les temps médiatique et politique et le temps militaire n’étaient pas les mêmes. Les grands médias nationaux  ont trop souvent relayé, sans faire preuve d’esprit critique, les propos de leaders politiques en campagne électorale qui, au lieu de s’intéresser à la réalité de la chose militaire comme cela aurait dû être leur devoir de représentants  du peuple,  n’ont cessé de parler « d’enlisement libyen » et de prédire que la Libye serait le Vietnam ou l’Irak du Président français.



[1] Déclaration du 10 juin 2011

[2] Terme militaire pour désigner une stratégie de destruction progressive des moyens ennemis qui demande du temps

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