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Les programmes politiques servent-ils encore à quelque chose ?
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Demandez le programme !

Nicolas Sarkozy devrait présenter cette semaine son programme pour la présidentielle. Comment expliquer que celui-ci soit publié aussi tard ?

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico : Nicolas Sarkozy devrait publier cette semaine son programme pour l’élection présidentielle. Pourquoi le président-candidat a-t-il attendu si longtemps pour le faire ?

Christophe de Voogd : La situation de Nicolas Sarkozy est particulière par rapport aux autres candidats. Ces derniers ont présenté un programme depuis très longtemps pour les uns, un peu moins longtemps pour les autres. Mais pour Nicolas Sarkozy, il faut prendre en compte qu’en plus d’être un candidat, il est aussi le président sortant. Pour lui, il y a une étape supplémentaire : défendre son bilan.

Il a d’abord commencé par poser la pierre des valeurs avec une interview au Figaro. Quel que soit le regard que l’on porte sur ces valeurs, il faut bien reconnaître que c’est une stratégie parfaitement logique. La politique selon Max Weber, « la guerre des Dieux », est d’abord un combat des valeurs.

Ensuite, Nicolas Sarkozy avait besoin d’une crédibilité suffisante pour pouvoir présenter un programme. Il était au plus mal dans les sondages. Il y a deux mois, nombreux étaient ceux à penser qu’il était possible de voir un « 21 avril à l’envers », opposant Marine Le Pen à François Hollande. Comment proposer un programme alors qu’il n’avait aucune certitude d’être qualifié pour le second tour ? Il lui fallait attendre d’être crédible. Que ses chances soient en dessous des 50% est acceptable, mais il ne fallait pas qu’elles relèvent du fantasme absolu.

Maintenant, et seulement maintenant, il est habilité à sortir un programme.

Le programme politique joue-t-il encore aujourd'hui un rôle important dans la campagne présidentielle ? Est-il utile pour convaincre les électeurs ?

Un programme, c’est un peu comme les meetings. C’est incontournable. On ne mise pas tout sur le programme mais en même temps, on s’étonnerait s’il n’y en avait pas. C’est un passage obligé comme le clip télévisé au sein de la candidature officielle. C’est un rite de passage de l’élection présidentielle.

Pour des raisons structurelles (l’évolution du monde) et conjoncturelles (la crise), la crédibilité de tous les programmes est plus incertaine que d’habitude. Certains programmes particulièrement « improbables », comme ceux de Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, n’empêchent d’ailleurs pas ces candidats d’envisager des bons scores. Le programme n’est pas décisif mais, pour les candidats présidentiables, il reste plus considéré que pour les candidats marginaux. Il a plus de chances d’être confronté à l’épreuve de vérité.

Que ce soit Nicolas Sarkozy ou François Hollande, s’ils parviennent au second tour, il leur faudra sans doute négocier avec d'autres partis ou candidats au cours de l'entre deux tours pour construire une majorité. Ces discussions devraient entraîner de fait des modifications dans leurs programmes. Peut-on donc accorder une vraie crédibilité à ces programmes puisqu'ils qui seront irrémédiablement amenés à évoluer ?

C’est la question qui se pose à chaque présidentielle. Il y a systématiquement un second tour, donc il y a systématiquement une nécessité de reports de voix. La tradition montre que les candidats ne varient guère : ils expliquent qu’ils ont un programme et qu’ils accueillent tous ceux qui voudront bien se rallier. Je pense que ce sera le cas aussi bien pour l’un que pour l’autre.

Tout dépendra des résultats du second tour. C’est là qu’il y aura peut-être une nouveauté : il est probable que nous ayons trois candidats, en plus des deux principaux, largement au-dessus des 10%. Habituellement, il y a un candidat principal à droite et un candidat principal à gauche, suivis d’un troisième. Cette fois-ci, ils vont être « deux plus trois ». Une élection à 5, c’est inédit.

La dynamique de l’opinion publique en devient beaucoup moins prévisible.

Il ne reste plus que trois semaines avant le premier tour. Est-ce un délai suffisant pour faire passer des idées fortes d’un programme dans l’esprit des électeurs ?

Nicolas Sarkozy a déjà commencé à égrainer des propositions. Elles représenteraient largement quelques pages de programme : l’immigration, la TVA, la sécurité…Et il se pourrait bien que le programme vise en fait le second tour, avec des propositions en direction du centre. Il lui resterait alors plutôt 5 semaines pour le défendre.

La vraie question, c’est de savoir comment Nicolas Sarkozy va gérer la question de son bilan, qui est incontournable. Il ne l’a pas fait jusqu’ici. C’est la question qu’on lui renvoie systématiquement. Va-t-il le faire en même temps qu’il présente son programme ? Pour viser la réélection, il va devoir absolument mettre en place un « grand récit ». Une mise en perspective de ce qu’il a fait pendant cinq ans et de l’état actuel de la France. Il faut qu’il évoque le passé, le présent et l’avenir dans une perspective unique et signifiante. Il a promis des surprises dans son programme : s’agit-il de mesures surprenantes ou de perspectives nouvelles ?

François Hollande a présenté son programme en janvier. N'a-t-il pas pris ainsi le risque que ses propositions soient décortiquées par l’adversaire sans qu’il ne puisse, lui, attaquer l’UMP sur le terrain des propositions ?

Sans doute mais ce qui l’a surtout fragilisé, c’est qu’il soit revenu dessus. Il a changé des propositions, en a inventé d’autres, laissant apparaître l’idée qu’il ne sait pas vraiment ce qu’il veut faire. Impossible de dire par exemple en quoi consiste réellement son projet pour le nucléaire. On ne peut pas prévoir la fermeture de 24 réacteurs d’ici à 2025 et d’un seul d’ici à 2017… Il aurait dû se tenir à ses propositions initiales et les expliciter. Je pense par exemple au contrat de génération et à l’orientation vers la jeunesse, excellent mot d’ordre, qui se sont un peu perdus dans les sables…

Pour Nicolas Sarkozy, il y a un parcours à respecter en trois étapes : valeurs, bilan, programme. Je constate qu’actuellement, seules deux personnes parlent du bilan : Valérie Pécresse et François Fillon. Or, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, ce bilan est loin d’être négatif, compte tenu de la crise.

Ce qui va être convaincant, ce n’est pas le programme. Les Français n’ont pas une culture et une passion économiques suffisantes pour apprécier et confronter techniquement les propositions de la droite et de la gauche. C’est le meilleur des deux récits qui l’emportera. Si Nicolas Sarkozy parvient à mettre en perspective son bilan, il marquera des points décisifs. Les gens attendent beaucoup plus du sens que des mesures.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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